13/09/2015 – 07H00 Afrique (Breizh-info.com) – Le 69 ème numéro de la revue incontournable pour qui veut comprendre et connaitre l’Afrique et sa géopolitique est paru. Bernard Lugan – dont nous avions montré la justesse des analyses et la faute politique des gouvernants français ayant refusé de suivre ses conseils, se séparant même de lui – titre ce mois-ci son éditorial de façon choc : la démocratie tue l’Afrique.
Sommaire :
Actualité :
La question du Sahara occidental. Point de situation
Dossier : Entre jihadisme libyen et Boko Haram, quel est l’avenir du pivot tchadien ?
– L’alchimie des forces ethno-régionales tchadiennes
– Boko Haram peut-il menacer la stabilité du Tchad ?
– Le verrou tchadien
– La pacification de la région sahélo-saharienne est-elle possible ?
Editorial de Bernard Lugan : La démocratie tue l’Afrique
L’Afrique sud saharienne est frappée par deux maladies mortelles, la démographie et la démocratie[1].
Le mal démocratique est la conséquence du « one man, one vote ». La raison en est simple : les fondements individualistes de la démocratie moderne sont incompatibles avec les réalités communautaires des sociétés africaines. Là est la cause principale des conflits qui ravagent le continent au sud du Sahara. Contrairement à ce que psalmodient les tenants de la doxa, ce ne sont ni la question du développement, ni les problèmes économiques qui sont à l’origine des guerres africaines[2] – même si, ici ou là, minerais rares ou précieux peuvent en être le carburant – mais le Politique. Ainsi :
– Au Soudan du Sud, comme les Dinka sont les plus nombreux, ils sont assurés de détenir le pouvoir, ce que les Nuer refusent. La guerre ne cessera donc pas.
– Au Mali, les Touareg, moins de 5% de la population, sont écartés du pouvoir par la mathématique électorale. Alors que le règlement de la crise passe par la reconnaissance de cette réalité, la seule solution proposée fut la tenue d’élections. Or, pas plus au Mali qu’ailleurs, le scrutin n’a réglé le problème nord-sud car l’ethno-mathématique électorale n’a fait que confirmer la domination politique des plus nombreux, en l’occurrence les Sudistes. D’autant plus que pour ces derniers, les ennemis ne sont pas tant les islamistes que les séparatistes touareg.
– En Afrique du Sud, les Blancs (environ 8% de la population) n’ont ethno-mathématiquement parlant aucune chance de l’emporter dans des élections face aux Noirs. A ce clivage racial vient s’ajouter une fracture ethnique qui fait qu’au sein de l’ANC, le parti de gouvernement, les plus nombreux parmi les Noirs, à savoir les Zulu (environ 25%) l’ont ethno-mathématiquement emporté sur les Xhosa (environ 18%). L’avenir du pays s’inscrira donc automatiquement à l’intérieur de cette réalité.
– Au Rwanda, les Tutsi (10% de la population) ont ravi le pouvoir aux Hutu (90%) à la faveur du génocide et ils le conservent grâce à des pratiques politiques dignes de la grande époque du système communiste. Si des élections libres étaient organisées, le régime tutsi serait électoralement balayé par l’ethno mathématique.
Le problème politique africain se résume donc à une grande question : comment éviter que les peuples les plus prolifiques soient automatiquement détenteurs d’un pouvoir issu de l’addition des suffrages ?
La solution réside dans un système dans lequel la représentation irait aux groupes, l’Etat-nation de type européen étant remplacé par l’Etat-ethnique.
Deux problèmes se posent cependant :
1) Les ethnies les plus nombreuses peuvent-elles accepter de renoncer à un pouvoir fondé sur le « One man, one vote » qui leur garantit pour l’éternité une rente de situation tirée de leur démographie dominante ?
2) Les gardiens occidentaux du dogme démocratique pourront-ils accepter cette révolution culturelle sapant les fondements de leur propre philosophie politique ?
[1] La première ayant été traitée dans un précédent numéro de l’Afrique Réelle, c’est à la seconde que cet éditorial est consacré.
[2] Bernard Lugan Les Guerres d’Afrique, Le Rocher, 2013. Prix de l’UNOR (Union nationale des Officiers de réserve).
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