12/09/2015 – 07H00 Pouzauges (Breizh-info.com) – Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, est satisfait : « En porc, on a remonté les prix à 1,38 euro par kilo. On vient de 1,22€ » (Ouest France, agriculture, jeudi 27 août 2015). Le plan d’aide – les mesures précises et les montants du dispositif gouvernemental seront détaillées courant septembre – l’autorise à aller encore plus loin dans la satisfaction, même s’il s’agit principalement de report de charges qui apporteront un ballon d’oxygène, sans régler la question au fond.
Bien entendu, en Bretagne, politiques (gauche et droite) et dirigeants agricoles défendent « le modèle agricole breton » s’opposant à toute remise en question d’un système aujourd’hui à bout de souffle . On pourra le vérifier pendant la campagne pour les élections régionales où ni Le Fur ni Le Drian ne mettrons les pieds dans le plat. On continue comme avant avec d’avantage d’aides, sera leur seul discours.
Il est intéressant qu’un non Breton dise gentiment ce qu’il faut penser de tout cela. Et pas n’importe qui puisqu’il s’agit de Régis Lebrun, directeur général de Fleury Michon, n°1 français du jambon.
Et pas n’importe où, mais dans Ouest-France (mercredi 2 septembre 2015). Le Vendéen expose clairement les choses : « la crise démontre la faillite du modèle low cost. Il y aura toujours quelqu’un capable de produire à moins cher en étant le moins disant sur la qualité, l’environnement, le social, le bien-être animal. Il existe une alternative : construire des filières de qualité rémunératrices pour l’éleveur et respectant des cahiers des charges en adéquation avec les attentes des consommateurs. C’est au service de cet objectif que le plan de modernisation de la filière doit se mobiliser.».
Et d’explique que Fleury Michon* réalise : « 30% de chiffre d’affaires dans le cadre de filières de valorisation de la qualité : porcs certifiés Label Rouge, bio, bleu blanc coeur (porc nourri au lin) …nous voulons passer à 50% dans 5 ans. ». Voilà qui devrait donner à réfléchir aux poids lourds du cochon breton qui font la pluie et le beau temps à Plérin.
Mais il y a des « petits » qui ont compris depuis longtemps que se lancer dans la production à outrance pouvait se révéler dangereux. C’est le cas de Thierry Thomas, éleveur de porc à Plouisy . Il explique ainsi les différentes étapers de la course au gigantisme : « en 1992, le prix du kilo de porc était à 13 francs, soit environ 2 euros. Aujourd’hui, les industriels comme la Cooperl et Bigard refusent d’acheter à 1,40 euros. A la même époque, le café était à 1,50 francs. Il est maintenant à 1,50 euro. » La chute vertigineuse du prix d’achat du porc s’explique pour Thierry Thomlas par les gains de productivité du secteur en vingt ans : « la taille des élevages pour commencer, et ensuite, l’amélioration de la génétique, avec des truies qui faisaient 12 petits et qui en font maintenant 15 ou 16 ».
Son exploitation est d’une taille réduite par rapport à la moyenne bretonne : 84 truies « naisseuses engraisseuses » contre 200 dans la majorité des fermes de la région. Il a résisté aux sirènes du Crédit agricole qui lui a proposé de nouveaux crédits pour s’agrandir dans les années 90. Aujourd’hui, à 60 ans, la plus grande partie de ses investissements sont amortis.
Le marché « au cadran » de Plérin ne concerne qu’une faible part des porcs vendus chaque semaine, mais c’est lui qui fixe les cours. Là encore, Thierry Thomas dit ce que Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine à la FNSEA ne dira pas. Plérin fixe les cours : « et pour quoi faire ? Pour exploiter ? On a une production de 107%. Donc un excédent de 7% que l’on destine à l’export hors Union Européenne, sur lequel nous ne sommes pas compétitifs. C’est un marché très concurrent, peu rémunérateur, et de plus en plus volatil, comme le montrent les conséquences de l’embargo russe. Et pourtant les représentants des producteurs et les politiques demandent toujours plus de moyens pour l’export. Pour 7% de production, alors que les éleveurs réclament des prix rémunérateurs, en ne changeant rien, on nous explique qu’ils vont rester bas ! Il ne s’agit pas de sauver les éleveurs, il s’agit de sauver les outils de production : les abattoirs, des usines de salaison, des fabriques d’aliments du bétail ».
On l’aura compris, Thierry Thomas n’appartient pas à la FNSEA, mais à la Confédération Paysanne. S’il n’est pas passé au bio, il vend dans le circuit long par l’intermédiaire du groupe Aveltis : « mais c’est une filière de qualité, avec des engagements sans OGM. » (Marianne, 28 août 2015).
Il n y a pas que la base à juger avec sévérité le système actuel. Les critiques s’adressent d’abord à la Cooperl. « Une grosse coopérative de la région de Saint-Brieuc qui s’est plus concentrée sur le service à ses adhérents que sur la valorisation de leur production, contrairement à ses concurrents d’Europe du Nord » souligne Yves Pelle, du cabinet de conseil PWC.
Il parait que les invendus ne cessent d’augmenter. Le groupe Cooperl détiendrait près de 30 000 tonnes de viande dans ses réfrigérateurs, sans compter les milliers d’animaux en attente d’abattage. Plus de débouché russe pour cause d’embargo, et le temps est compté, car le porc supporte mal d’être congelé (Challenges, 27 août 2015).
*Installé à Pouzauges (Vendée), Fleury Michon emploi 3800 salariés et réalise 707 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Photo : DR
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Une réponse à “Crise du porc. Fleury Michon veut jouer la qualité”
Est-ce que c’est un aveu qu’ils vendaient de la merde avant ? ?