Tourné en 1915 par D. W. Griffith, le film muet Naissance d’une nation (The Birth of a nation) est l’un des premiers chefs d’œuvre du cinéma. Décrivant sa vision de la Guerre de Sécession et des années qui suivent la défaite confédérée, il fait l’apologie du Ku Klux Klan qui est montré comme un groupe de preux chevaliers défendant les Américains de race blanche.
La guerre de Sécession sépare deux familles amies, les Stoneman partisans de l’Union et les Cameron, sécessionnistes du Sud. La guerre se termine. Abraham Lincoln est assassiné, permettant ainsi aux radicaux du Congrès de punir les sécessionnistes. Ils comptent ainsi, par une fraude électorale, donner aux Noirs le pouvoir au Sud. Inspiré par des enfants qui jouent aux fantômes pour effrayer les enfants noirs, le jeune Cameron fonde le Ku Klux Klan. Le Klan élimine un ancien esclave qui avait poursuivi une jeune blanche jusqu’à ce que celle-ci se jette dans un précipice. Poursuivis par une horde de Noirs, les Cameron se cachent dans une cabane. Des anciens soldats de l’Union acceptent d’aider leurs anciens ennemis confédérés à cause de leurs origines aryennes. Victorieux, les valeureux chevaliers du Ku-Klux-Klan défilent dans la ville. Le Klan désarme les noirs et les prive de leurs droits de vote. Le jeune Cameron épouse la fille Stoneman, symbolisant ainsi la nouvelle union du Nord et du Sud… La dernière image montre des foules opprimées par la guerre puis se retrouvant en paix sous l’image du Christ…
Sur le plan artistique, le réalisateur D.W. Griffith innove tant dans la façon de filmer (gros plan, travelling) que dans la technique du montage. La durée du film (187 minutes) est particulièrement longue pour l’époque. Sur le plan historique, la thèse soutenue par Griffith fait de Naissance d’une nation le premier film polémique. Lorsque le film a été projeté, des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes. D’autres villes refusent même d’autoriser sa projection. Griffith s’est inspiré des œuvres d’un écrivain sudiste, Thomas Dixon, proposant une vision glorifiée du Ku-Klux-Klan. Ainsi les noirs du Sud, heureux de leur condition d’esclaves, sont prêts à combattre avec leurs maîtres contre les fédéralistes. Mais ils ne peuvent pas gérer un pays. Le Ku Klux Klan est ainsi nécessaire pour rendre le pouvoir aux Blancs !
Bardèche et Brasillach démontrent, dans leur Histoire du cinéma, que Naissance d’une nation est « le film où l’on apprit pour la première fois, que le cinéma pouvait remuer les passions et faire revivre les fantômes, qu’il était chargé par sa nature même, d’une fonction politique à laquelle il lui était presque impossible de se soustraire ».
Son réalisateur, David Wark Griffith (1875-1948), est le fils d’un colonel de l’Armée des États confédérés, héros de la Guerre de Sécession. De 1908 à 1913, il tourne plus de 400 courts-métrages en visitant presque tous les genres : drame, policier, comédie, western, film historique… Il améliore la technique du montage cinématographique. Impressionné par
Cabiria de Pastrone, il réalise ainsi en 1915 Naissance d’une nation, la première super-production américaine. Sans doute pour modifier son image, il réalise l’année suivante Intolérance (1916), lequel comprend quatre histoires illustrant le thème de l’intolérance. L’arrivée du cinéma parlant va correspondre à la fin de la prestigieuse carrière de Griffith.
Kristol Séhec
Naissance d’une nation, HK Editions, 8,90 euros.
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