23/08/2015 – 07H00 Carnac (Breizh-info.com) – L’indo-européen, une langue sans locuteurs ? C’est la thèse pour le moins originale que Jean-Paul Demoule, auteur du livre Mais où sont passés les indo-européens ? Le mythe d’origine de l’Occident, tentera d’expliquer le mercredi 26 août à Carnac lors d’une conférence organisée par l’Association des amis du musée de Carnac.
Professeur à la Sorbonne, archéologue et spécialiste du néolithique, J.P. Demoule aura bénéficié, lors de la parution de son pesant ouvrage de plus de 700 pages, d’un accueil dithyrambique de la part de journalistes qui – à défaut d’être des spécialistes de la question – étaient par principe en accord avec les thèses négationnistes de l’auteur.
Sous le titre évocateur « Indo-Européens par ici la sortie », Roger Pol Droit écrit ainsi dans Le Monde que l’ouvrage de Demoule est « d’une érudition époustouflante, captivant, … drôle, … explosif…», ajoutant que « la construction du mythe de l’origine ‘aryenne ‘ de l’occident est destinée à éliminer son origine juive ».
Mediapart n’est pas en reste : « Des bibliothèques entières ont été consacrées aux arguments linguistiques, anthropologiques, mythologiques ou tout simplement racistes de l’hypothèse indo-européenne. Son livre a non seulement le mérite d’en présenter une brillante synthèse mais aussi de reconstituer le cheminement historique de ces débats qui se sont enchaînés dans une sarabande effrénée, passant insensiblement et sans s’en rendre compte, de l’exaltation romantique à la proposition scientifique, de la science au grotesque et du délire au crime de masses (sic)».
Ainsi, pour Jean-Paul Demoule les Indo-Européens ne sont qu’une « construction intellectuelle ». Depuis plus de 30 ans il s’emploie à « déconstruire » ce qui relève selon lui du « mythe ». L’existence d’un peuple originel parlant la même langue qui s’est diversifiée au fur et à mesure de ses déplacements pour donner naissance au grec, au perse et au sanscrit, aux langues romanes, slaves, germaniques, ses mythes qui comme leur organisation sociale structurent toujours notre imaginaire, ne sont pour lui que légendes. Les travaux contemporains de chercheurs comme Emile Benveniste, Mircea Eliade, Georges Dumézil ou Bernard Sergent sont donc pour notre archéologue voués aux poubelles de l’histoire.
Jean Haudry, professeur de sanskrit et de linguistique à l’Université de Lyon et l’un des meilleurs spécialistes français de la question, lui a répondu dans la Nouvelle Revue d’Histoire (mars-avril 2015) et dans la revue Eléments (avril-juin 2015), remettant en place ses thèses négationnistes. « Toute langue implique des locuteurs et, sauf dans le cas de l’espéranto, ces locuteurs forment un peuple, grand ou petit, reconnu ou non, qui peut n’avoir ni territoire ni organisation politique. Mais il a en commun, outre sa langue, une culture et une tradition » écrit-t-il dans cette dernière.
Dans l’avant propos de sa conférence Jean-Paul Demoule se présente comme « un iconoclaste qui prétend s’attaquer à la racine du mythe, à sa construction obligée, à ses détournements comme la sinistre idéologie aryenne du nazisme qui vit encore ». Ces excès ne sont que les dérives de l’historiquement correct.
C’est ce que dénonçait à sa façon, en mars dernier à Bordeaux, le philosophe Michel Onfray en déclarant : « aujourd’hui dès qu’on veut lier le présent avec le passé on est réactionnaire, donc facho, donc vichyste, donc c’est Hitler ! ». Tout est dit.
Mercredi 26 août à 21 H à l’auditorium Terraqué à Carnac (56)
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2 réponses à “L’indo-européen, une langue sans locuteurs ?”
Réservons-lui un accueil houleux car il le mérite, ce négateur de notre origine, cet anti-européen primaire !
L’étude de l’existence supposée d’un peuple indo-européen est un sujet d’ordre scientifique tout comme l’est celle de l’origine du réchauffement climatique. Ces sujets d’ordre scientifique sont utilisés, après beaucoup d’autres, à des fins idéologiques. Les »écologistes » utilisent la problématique concernant le réchauffement climatique et certains »européistes » utilisent, quant à eux, celle qui concerne les Indo-Européens. Essayer de déterminer s’il y eut un peuple Indo-Européen primitif est tout à fait acceptable d’un point de vue scientifique (contrairement à ce que dit Demoule) mais ce n’est, pour l’instant, qu’une théorie scientifique qui est fragile parce qu’elle ne repose que sur des spéculations d’ordre linguistique. Nous n’avons aucune preuve archéologique de l’existence de ce peuple hypothétique. De plus, la théorie de l’indo-européanisation du continent depuis l’est de l’Europe est battue en brèche par les archéologues de l’occident européen qui n’ont trouvé aucune trace d’invasion »celtique » à l’âge du fer. L’archéologue Patrick Galliou est très clair à ce sujet dans son dernier ouvrage intitulé »Les Osismes, peuple de l’occident gaulois » (Coop Breizh – 2014) : rien ne permet de penser aujourd’hui que cette invasion ait eu lieu et ceci est vrai pour l’Armorique tout comme pour les Iles Britanniques (les archéologues et les historiens Anglais et Irlandais sont formels à ce sujet). Quant à Jean-Louis Brunaux, un des deux ou trois meilleurs connaisseurs de l’antiquité gauloise, il est encore plus clair puisqu’il affirme que les invasions des peuples dits celtiques n’ont pas été dirigées d’est en ouest mais au contraire d’ouest vers l’est ( in »L’invention des Celtes » – Belin – 2014). Il convient donc d’être prudent concernant ce débat qui est tout sauf clos; les archéologues pourraient bien finalement venir à bout de la thèse linguistique qui suppute l’existence passée d’une langue dont il n’existe aucune trace matérielle.
Quoiqu’il en soit, les Indo-Européens ne concernent pas que les Européens puisque des langues dites indo-européennes sont parlées en Inde, en Iran, au Pakistan……sans même parler des Américains, des Australiens…….Il n’est donc pas possible de faire de l’hypothétique langue indo-européenne primitive un héritage propre aux Européens puisque plus de 700 millions de personnes parlent le Hindi et le Ourdou qui sont des langues indo-européennes et 80 millions d’Iraniens parlent le Persan qui est également une langue indo-européenne. Le fait de parler des langues indo-européennes ne constitue donc pas une spécificité propre aux Européens et ne peut donc être considéré comme le socle d’une identité pan-européenne. Quant à l’idée d’une hypothétique invasion militaire et brutale venue de l’est de l’Europe qui aurait permis le remplacement des populations autochtones anciennement installées, il n’en existe aucune preuve matérielle dans nos contrées occidentales.
Au niveau génétique, il existe indubitablement une proche parenté entre tous les Européens, ce que des recherches récentes ont permis de constater. Les Européens présentent plus de proximité génétique entre eux qu’avec tout autre peuple d’origine non européenne. Mais la parenté génétique vaut aussi pour les Américains, les Australiens……d’origine européenne; ce qui signifie que notre héritage génétique n’est pas propre aux seuls Européens vivant en Europe et ne peut donc constituer un élément exclusif d’identité. En fait l’identité d’un peuple n’est pas liée à un seul élément; elle se situe au croisement d’un grand nombre d’éléments d’ordre linguistique, religieux, historique, institutionnel, biologique….etc, c’est la raison pour laquelle il n’y a pas une identité européenne mais un grand nombre d’identités collectives profondément enracinées en Europe.