Guillaume Lacotte n’a pas froid aux yeux. Il va se faire des amis avec cette « pochade » (dixit l’éditeur). Il a sélectionné 33 genres littéraires, de l’autofiction, de la biographie au roman libertin et au polar scandinave en passant par le roman américain, le roman minimaliste ou encore le thriller. Pour chacun, il invite l’écrivain qui aspire à un prix à se conformer à quelques règles simples qui lui garantiront le succès. Pour chaque genre donc, un pense-bête (ce qu’il faut à tout prix mettre), des exemples d’incipit, de titres… Comment faire sa promotion afin de séduire la critique.
La critique… de celle qui ne lit jamais ses services de presse, laisse la corvée aux petites mains, aux bénévoles, assistants secrétaires, épouse, maîtresse(s), amant(s)… Lacotte a pris le temps de recueillir tous les poncifs, tous les ponts-aux-ânes, tous les truismes qui émaillent cette prose mercenaire…
Tout est à prendre mais je conseille fortement le « roman de bourreau nazi », genre délicat qui implique une connaissance approfondie de la période. Aussi faudra-t-il réviser les grades de la Wehrmacht et ceux de la Waffen-SS. Pour ne pas confondre un Unterscharführer et un Obersturmbannführer… Attention à ne pas trop en faire, cela deviendrait vite illisible. Pour l’incipit, « envoyez du lourd d’entrée », du genre : « J’ose le dire : j’ai participé au système nazi. » Pour le titre, oubliez « Les Bienveillantes », déjà pris. Lors des interviews, fendez-vous d’une sentence bien creuse : « Les nazis étaient des êtres humains. Quand on y repense, c’est cela même qui est effrayant ».
Bien vu, le roman « foncedé ». A confier à un très jeune homme, inconnu au bataillon. « Si vous portez une moustache brosse et des pantalons en velours », passez votre chemin. Pour l’incipit : « J’étais tellement cramé que je ne savais plus qui je venais de baiser. » Après, écrivez n’importe quoi. La critique, très complice, vous saluera comme le « nouveau trublion des lettres françaises », en attendant le prochain.
Et la biographie ? Lacotte est formel : vous en choisirez une qui a déjà attiré des dizaines d’auteurs. Il propose Napoléon, Marylin Monroe et Céline. Pour ce dernier, surtout n’oubliez pas de vous justifier en répétant à toutes les pages que concernant l’auteur de « Bagatelles pour un massacre », il faut bien séparer l’homme de l’écrivain. » Vous auriez pu parler d’un « salaud lumineux » mais Vergès est passé par là.
Il y a aussi le témoignage, la vraie vie, qui se vend bien mais ne vous lancez pas si vous n’avez pas été victime d’une maladie nosocomiale, si vous n’enseignez pas dans un collège de ZEP, si vous n’êtes pas cadre supérieur ayant tout plaqué pour conduire un troupeau de zébus sur les hauts plateaux kényans, ou encore si vous n’avez pas quitté le gouvernement parce que vous en aviez « gros sur la patate ».
Lacotte est dans l’esprit de Pierre Desproges qu’il cite d’ailleurs en incipit. Même férocité, même talent pour déceler et épingler les ridicules de ses contemporains. Dans un esprit canulardesque qui le rend effectivement, comme le veut la quatrième de couverture, « désopilant ».
Jean Heurtin
* Guillaume Lacotte, Guide pratique à l’usage des écrivains qui veulent (très) bien faire sans (trop) se fatiguer. Editions du Rocher
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