18/07/2015 – 06h30 Cameroun (Breizh-info.com) – François Hollande est passé le 3 juillet au Cameroun en coup de vent, avant de rejoindre l’Angola. Cette visite avait pour principal objectif la lutte commune contre Boko Haram, ainsi que le règlement de la situation d’une avocate franco-camerounaise condamnée à 25 ans de prison en 2010 et détenue depuis. Le président français, à la recherche d’un acte historique, en a profité pour reconnaitre la responsabilité de la France dans la répression des indépendantistes camerounais dans les années 1950. Un acte qui rend la France plus fragile face à des demandes de compensation officielles ou surtout officieuses.
Le Cameroun français n’a pourtant jamais été une colonie française. Ancienne colonie allemande, il a été administré à partir de 1916 (de facto) puis 1919 (de jure) par la France sur un mandat de la Société des Nations. Devenu territoire associé de l’Union française, avant de prendre son indépendance en 1960, il n’a jamais fait partie de l’Afrique Equatoriale française. Il en est de même du Togo français (actuel Togo), autre ancienne colonie allemande administrée par les Français, qui n’avait pas été intégrée à l’Afrique Occidentale Française. Cependant la France a développé le Cameroun, en mettant en valeur ses ressources économiques, en améliorant la médecine – notamment dans la lutte contre la maladie du sommeil – ou encore par l’électrification et l’adduction d’eau dans les villes. De nombreux établissements scolaires ont aussi été ouverts.
Pourtant, cette reconnaissance solennelle faite par Hollande ne satisfait pas deux historiens africains interrogés par Jeune Afrique. L’historien Jacob Tatsista se dit déçu : « je m’attendais à une reconnaissance solennelle, une réhabilitation et une promesse de réparation. » Il réclame d’importantes réparations : « il faut des réparations financières, psychologiques, sociales, économiques et politiques. Les victimes souffrent de séquelles de toute nature ». Autrement dit, c’est une caution intellectuelle pour demander de l’argent – d’autant plus qu’en ce moment, la France a besoin du Cameroun pour tenter d’empêcher l’expansion de Boko Haram dans le Nigeria.
Son collègue Achille Mbembe est plus mesuré et réaliste : « cette déclaration rentre dans le cadre de la dynamique de « rectification » symbolique entamée par Monsieur Hollande dès son arrivée au pouvoir. (…) la stratégie consiste désormais à gommer ce qui heurte de front, surtout si s’en débarrasser ne coûte pas cher et ne porte à aucune conséquence juridique sérieuse. Cela dit, si les temps sont aux gants de velours, la main, elle, reste de fer. » Il estime que cette reconnaissance ne coûtera pas beaucoup à la France : « à priori pas grand-chose ne sortira de cette annonce. Du coté camerounais, le gouvernement n’accorde aucun intérêt à l’Histoire du pays en général. Au demeurant, pour se légitimer, il s’est toujours posé en opposition radicale à ce moment historique. Récemment encore, Paul Biya évoquait « l’éradication des maquis » nationalistes pour affirmer qu’il sortirait vainqueur dans la guerre contre Boko Haram. » .
Il n’en reste pas moins que François Hollande continue de se placer délibérément dans la repentance et l’auto-flagellation, ces grands maux qui sapent l’histoire de France. Pourtant, la culpabilisation française n’a pas permis d’aplanir les relations franco-africaines, loin de là.
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