Nantes. Les marchés publics vus à la loupe

08/07/2015 – 07h00 Nantes (Breizh-info.com) – L’ouverture des données permet à chacun d’accéder à des données publiques jusqu’alors rarement publiées, si ce n’est par quelques diagrammes hâtifs et colorés qui résumaient les grandes orientations. Encore faut-il pouvoir les exploiter. C’est le cas de la liste des marchés publics supérieurs à 20,000€ passés par la ville de Nantes en 2014 – la bagatelle de 88,7 millions d’euros HT – qui sont tout simplement alignés à la file, sans aucun tri par type, objet d’affectation ou secteur de la ville. Il a donc fallu ranger, additionner et si possible cartographier les interventions. Tout au long de l’étude, les sommes seront données telles que nous les avons reçues – hors taxe.

Nous avons isolé plusieurs pôles parmi les marchés passés : l’entretien (hors nettoyage), avec 8 715 565 € HT de marchés passés ; l’équipement – c’est à dire la construction d’infrastructures neuves – avec 54 978 488 € de marchés passés ; le patrimoine, un pôle modeste avec 848 225 € de marchés passés ; et enfin les autres marchés – plus de 23 millions d’euros – parmi lesquels d’innombrables marchés de nettoyage, d’achats de matériels horticoles, de vidéo-surveillance, de nourriture pour les cantines, mais aussi de communication ou encore d’animation périscolaire.

Equipement : la principale dépense, c’est le musée d’Arts

Parmi les 54 978 488, 43€ HT de marchés publics passés pour des dépenses d’équipement, le gros – soit 49 141 998, 15€ (89,4%) concerne le musée d’Arts. Un chantier titanesque qui correspond en fait, comme l’explique Le Moniteur, à 5 chantiers différents : l’extension, la reprise en sous-oeuvre du musée existant, la restauration des façades, la reprise des toitures, et des travaux liés aux lots techniques du musée des Beaux-Arts, à la fois étendu et remis aux normes. L’on notera que par la grâce des marchés complémentaires confiés à l’architecte (71600€), de la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de l’établissement de scénario de gestion et d’exploitation et de la mission de coordination santé, le coût du musée a déjà commencé à déraper par rapport aux coûts donnés dans Le Moniteur, soit 48,8 millions d’euros HT – en fait 48 843 000. Il y a déjà 299,000 € HT de surcoût, une goutte d’eau par rapport à l’importance des moyens mis en œuvre (0,6%).

Le reste des dépenses d’équipement est nettement plus modeste. On peut noter ainsi 551 972,35€ pour l’aménagement du parc des Oblates – sanitaires y compris; 4 104 271,34 € pour un nouveau gymnase sur le champ de tir du Bêle ; plusieurs lots ayant trait à la construction d’une salle festive pour 400 094,69 € près du parc de la Crapaudine (l’enveloppe totale est de 750,000€) et quelques menus travaux. Ceux-ci atteignent tout de même 70 836€ pour une aire de jeux square Housset, 42 350€ pour les nouveaux sanitaires du square de la Noë-Mitrie, 625 150€ pour le terrain de foot synthétique de la plaine de jeux des Dervallières – une petite part des millions versés sur les « cités » nantaises – ou encore 41 815,5 pour un jeu à cordes square Gaston Michel.

La cartographie des interventions permet de constater que le centre-ville est très largement représenté – grâce à la masse du projet du musée d’Arts sur le site actuel faubourg Saint-Clément. Trois interventions ont lieu à l’ouest de la ville – l’aire de jeux square Housset, entre Bellevue et la Janvraie, le parc des Oblates à Chantenay et le terrain de foot synthétique aux Dervallières. Une intervention a lieu au nord de Nantes – le nouveau gymnase au Champ du Bêle, aux limites de Saint-Joseph de Porterie et de Carquefou. Enfin une intervention a lieu au sud de la ville – la nouvelle salle festive qui se trouvera entre les routes de Vertou et de Clisson.

equipement

Entretien : les groupes scolaires et les vestiaires en priorité

Du côté des marchés liés à l’entretien – nous n’avons pas pris en compte le nettoyage, la nourriture des cantines ou la vidéo-surveillance, mais seulement les travaux liés à l’entretien et l’amélioration de l’existant – un peu moins de la moitié des 8 715 565,47€ dépensés est lié aux interventions sur les groupes scolaires du premier degré (4 122 094,14, soit 47.3%). Ces dépenses ne sont pas détaillées, hormis la mise en accessibilité pour les handicapés du groupe scolaire des Agenêts près de l’ancienne caserne Mellinet.

La seconde priorité semble être le réaménagement des vestiaires sportifs – près de 917 456,12€ investis au titre de la prévention légionelle dans les vestiaires, les douches et les installations eau chaude aux gymnases Gigant, Noë Lambert et Géraudière, et aux plaines de jeux de la Beaujoire, de la Gilarderie, l’Eraudière. Pour les deux plaines de jeux de la Colinière et de la Jonelière, 412 042,33€ supplémentaires sont investis. L’entretien des espaces verts récupère 192 767,67€ de travaux – dont 104 728,05 pour la réfection de la clôture de la plage verte au Jardin des Plantes. La maintenance préventive et curative – la somme des petits travaux – répond au principe selon lequel les petits ruisseaux font les grandes rivières : 314 324,09€. Toujours est-il que ces sommes évitent bien souvent d’en dépenser de bien plus grosses lorsque les installations rendent l’âme faute d’entretien. Encore dans la petite maintenance, les accords cadres de vérifications périodiques des bâtiments et de maintenance des ascenseurs coûtent 293 470,34€.

Cinq autres interventions concernent des travaux sur des équipements existants : 465 084,8€ pour des travaux sur le théâtre Graslin, 214 544,36€ pour une partie des lots de la réhabilitation du centre technique Chaillou, 121 536,41€ pour la rénovation de bureaux auprès des serres du Grand Blottereau, 243 390,1€ pour la réfection des étanchéités du parking Tivoli et 756 572,35€ pour une partie des lots de la mise aux normes des locaux d’hébergement du centre de formation du FC Nantes. Enfin, des menus travaux pèsent 955 723,1€ – notamment la reprise de l’électricité du parc Floral (74 228€) et des travaux au stade Pascal Laporte (458 991€).

Les interventions sont réparties sur tout le territoire de la ville. Hors groupes scolaires, vérification des bâtiments, petite maintenance et espaces verts, il y a 7 interventions dans le nord de Nantes (programme prévention de la légionelle pour les plaines de jeux de la Jonelière, de l’Eraudière et de la Beaujoire ainsi que le gymnase de la Géraudière, travaux au Parc Floral et au centre de formation du FCN), contre une seule dans les quartiers sud ( programme prévention de la légionelle à la plaine de jeux de la Gilarderie) et une à l’ouest (travaux au stade Pascal Laporte). Les quartiers est bénéficient de trois interventions ( programme prévention de la légionelle au gymnase Noë Lambert, travaux au parking Tivoli à la Moutonnerie et aux serres du Grand Blottereau). Le centre-ville bénéficie aussi de trois marchés publics ( programme prévention de la légionelle au gymnase Gigant, travaux au Théâtre Graslin et au jardin des Plantes). Enfin deux interventions ont lieu sur l’Ile : le remplacement du parquet de la scène de salle 1200 à la Fabrique / Stereolux (54 496.5 €) et la rénovation du centre technique Chaillou.

entretien

Patrimoine : des dépenses très modestes

Par rapport aux importantes masses d’argent que l’on vient de décrire, les fonds alloués au patrimoine semblent très modestes. Certes, le chantier du musée d’Arts de Nantes est en partie lié au patrimoine, puisqu’il s’agit aussi de rénover la partie historique. Et ces dernières années, il y a eu plusieurs interventions lourdes – la rénovation des églises Saint-Nicolas, Sainte-Anne de Chantenay, de la colonne Louis XVI, de la place Graslin, de la Porte Saint-Nicolas etc. Mais la modestie du patrimoine dans les marchés publics de 2014 surprend tout de même.

Avec 848 225,19€ HT dépensés, il apparaît clairement que 2014 est une année de relâche. Voire de relâchement. Et encore une petite moitié (391 112,18€) est liée aux travaux d’entretien et de mise aux normes sur le Château des Ducs de Bretagne . Autre château, mais en friche, le Grand Blottereau, qui réapparaît sur les radars via une étude de valorisation de ses abords et du parc (48 175€). Autre friche nantaise connue, l’hôtel de la Duchesse Anne, dont les travaux de mise en sécurité pèsent 93 775 € ; vu l’état intérieur de cet édifice en partie Art Déco, il est fort douteux qu’il puisse être sauvé un jour.

Pour les églises, 184 530,41€ sont consacrés – à savoir la mise en sécurité des parties hautes du clocher de Saint-Clément (137 744,81€), un marché complémentaire pour la restauration de l’orgue de choeur de Sainte-Anne de Chantenay (25 103€) confié comme il se doit à la manufacture bretonne d’orgues installée au nord-est de Nantes, et une étude préalable à la restauration de tableaux dans les églises (21 682€). Restent les travaux divers, à savoir un lot de la restauration de la colonne 1830 au cimetière de la Miséricorde (24706,29€) et la réhabilitation d’allées de circulation au même cimetière, et le traitement anti-corrosion des grues Titan sur l’Ile (73 474,36€). Si on regarde la carte de Nantes, il y a très logiquement quatre interventions dans le centre, une à l’ouest (l’orgue de choeur de Sainte-Anne de Chantenay), une sur l’Ile Beaulieu, une à l’est (le Grand Blottereau) et aucune dans les périphéries nord et sud de la capitale bretonne.

patrimoine

Quelques autres marchés intéressants

Parmi les autres marchés – soit un peu plus de 23 millions d’euros, un bon tiers est constitué par (9 387 796,7) par l’accueil et l’animation périscolaire en 2014 dans les écoles du premier degré de la ville de Nantes. L’on apprend aussi que le feu d’artifice du 14 juillet 2014 a coûté 24 954,17€ à la ville. La location, la pose et la dépose des décorations de Noël 323 374,08€. La retransmission des matchs de foot de la coupe du monde du 2 au 13 juillet, sur l’île Gloriette, a coûté 57 500€ HT. Les prestations de service pour les « médiateurs de quartiers » assurées par l’association Optima ont coûté la bagatelle de 1 329 780 €. Par ailleurs, il y a aussi les « Contrat de prestations de services ayant pour objet de participer à la promotion de l’image de la Ville de Nantes », à savoir l’achat de places pour la ville – une forme de subvention déguisée. Et asymétrique : 530,000€ HT pour le HBC Nantes, au palais des sports de Beaulieu. Et 135 600 pour le FCN qui en a moins besoin pour remplir la Beaujoire.

Et puis il y a les inévitables dépenses artistiques. Un marché complémentaire pour une « fabrique dédiée aux pratiques culturelles émergentes », pour 20 500€, qui est en fait la toute fin d’une opération commencée en 2004 et qui devait alors coûter 16 280 000 € HT. Livrée en 2009http://www.iledenantes.com/fr/ son coût a atteint 23 millions d’euros épongés comme d’habitude par le miracle du millefeuille administratif français – où chaque couche donne un peu d’argent – et deux millions d’euros de fonds européens FEDER. Il y a aussi la conception d’une « œuvre d’art » temporaire dans les douves du château des Ducs de Bretagne pour 22 024,5€ ; au vu de l’entreprise retenue il doit s’agir de la maison de branchages érigée par l’artiste américain Patrick Dougherty.

Sans compter les dépenses d’études. Trois peuvent être retenues : « conduire la transition du musée des Beaux-Arts de la ville de Nantes », confiée au cabinet Apaks Conseil (Paris) pour 108,000 € HT. Une « étude urbaine : un projet d’urbanisme des modes de vie pour le secteur Schumann », menée par le cabinet nantais Fouquet pour 86 884,42€ HT. Il était temps : vu la vitesse de la densification urbaine dans le coin, il n’y aura bientôt plus rien à étudier que du béton frais et des immeubles sans âme de quatre étages et plus. Même constat pour les routes de Vannes et de Paris, d’ailleurs. Et une « mission d’évaluation des dispositifs passerelles », confiée au cabinet parisien ASDO études pour 22,000€ HT. Ajoutons à cela un marché de 39 900€ tout de même pour « Assistance à l’animation des ateliers prospectifs sur les politiques publiques municipales » et un autre de 38 750 € pour du « coaching en langue anglaise dans le cadre d’un projet de collectivité », attribué à une société Fraz Language, inconnue au bataillon à Nantes bien que son code postal soit indiqué comme 44300.

Une grande majorité des marchés font travailler des entreprises bretonnes, des progrès restent à faire

Si la ville de Nantes est allée jusqu’en Lettonie pour se faire assurer, ce qu’elle ne cherche pas vraiment à faire savoir, une grande majorité des entreprises qui remportent des marchés publics sont tout de même de Loire-Atlantique ou du reste de la Bretagne – comme les Alpinistes brestois du bâtiment qui ont remporté le marché pour le traitement anti-corrosion des grues Titan.

Plusieurs marchés détenus par des sociétés étrangères à la Bretagne attirent l’attention, notamment dans la fourniture de denrées alimentataires. Certains sont trompeurs – ainsi un lot est attribué à la société Socopa Viandes, au Neubourg, dans l’Eure. Mais il s’agit d’une filiale du groupe breton Bigard. En revanche, le vendéen Ouest Frais Distribution (24 586€), le nordiste Soup’Ideal (26 265€), le marseillais Coeur de Fruit (31 872 €), le sarthois Espri Restauration – même si c’est son usine de Wissous (91) qui est concernée (42 084€), ou encore un site normand de Davigel, fabricant de plats préparés (80 291€) détiennent des lots de fournitures pour le service municipal de restauration. Le fabricant de meubles Delagrave, basé à Lognes (77), a plusieurs lots de fourniture de mobiliers aux centres de loisirs. La mise sous pli des documents électoraux pour les élections municipales a été réalisée par un site tourangeau de l’entreprise logistique Neolog (76467€), filiale de La Poste. La totalité du marché de la pose, de la dépose et de la location des décorations de Noël échappe aux entreprises bretonnes – les deux titulaires, le groupe Leblanc et Blachère, sont respectivement sarthois et vauclusien.

Du côté des travaux d’entretien dans les groupes scolaires, plusieurs lots sont détenus par l’entreprise nordiste PIB (Peinture intérieure des bâtiments). Il faut croire que pour trouver des peintres plus près, l’on sèchait. Une entreprise ornaise de fabrication de menuiseries PVC – MPO – détient aussi plusieurs lots. Pourtant il existe plusieurs fabricants de fenêtres PVC en Loire-Atlantique et dans le reste de la Bretagne. Une autre menuiserie étrangère, l’entreprise vendéenne Bonnet, détient trois lots du côté du programme de prévention légionelle où l’on refait plusieurs vestiaires de gymnases et de plaines de jeux. Enfin un lot d’entretien de la peinture des terrains sportifs a échu à l’entreprise vendéenne Sportingsols (27 898€). Là encore, il y a des entreprises qui assurent le même travail en Loire-Atlantique.

Si du côté des travaux d’équipement plus de 80% des marchés sont détenus par des entreprises du 44 ou du reste de la Bretagne, deux sociétés angevines apparaissent parmi les divers lots de la salle festive de Nantes-Sud. Il s’agit des sociétés Veron-Diet (charpente) et Maleinge (vente de carrelage). Parmi les lots de la salle de sport de Nantes-Erdre au Champ du Bêle, on retrouve le vendéen Sportingsols (132 726€), mais aussi l’entreprise vendéenne de construction métallique Secom’Alu (168 289€). Encore des corps de métiers présents en Bretagne. Plus logique en revanche est la décision de confier la fourniture d’un jeu à corde à Kompan (41 815€) basé en Seine-et-Marne, puisque la société d’origine danoise est très bien implantée dans le secteur. Même si ces jeux sont fabriqués en République Tchèque. Dans les travaux liés au patrimoine, deux entreprises angevines emportent des lots : le menuisier-ferronnier Perrault Frères au château des Ducs de Bretagne (24 447€) et la société de maçonnerie SARPA, filiale du groupe orléanais Villemain un lot de la restauration de la colonne 1830 au cimetière Miséricorde (24 706€). Le reste des marchés est pris par des sociétés de Loire-Atlantique, un par une société du Finistère (le traitement anti-corrosion des grues Titan) et un autre par une société d’Ille-et-Vilaine (la mise en sécurité de l’hôtel de la Duchesse Anne).

Enfin, l’on pourra toujours s’étonner du nombre d’études que l’on juge bon de confier à des Parisiens. Ainsi, la valorisation des abords du Grand Blottereau est confiée aux Parisiens d’Interscènes (48 175 €). La mission d’évaluation des dispositifs passerelles (22000€) est confiée à un autre Parisien, ASDO Etudes. L’étude sur la transition du musée des Beaux-Arts est menée, comme nous l’avons déjà signalé, par le cabinet parisien Apaks Conseil. Il faut croire qu’à Nantes nous n’avons pas les brillants cerveaux nécessaires. Macron avait raison , l’ignorance est la plaie de la Bretagne. Enfin l’impression du magazine municipal Nantes Passion se fait… en Mayenne par Imaye Graphic. La mairie de Nantes n’a sans doute pas encore imprimé qu’il existe encore des imprimeries dans les cinq départements bretons.

Photo : DR
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Une réponse à “Nantes. Les marchés publics vus à la loupe”

  1. @LardjaneT A #Nantes la ville préfère détruire les#SalonsMauduit et défigurée le paysage tt en subventionnant le #VAN

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