Nouvelle Donne, Osez le Féminisme : la nouvelle gauche est-elle incapable de peser?

Si l’on résumait l’affaire de Nouvelle Donne en quelques mots, on pourrait dire Nouvelle Donne, vieilles pratiques. Lancé le 28 novembre 2013 par l’économiste Pierre Larrouturou, le parti se voulait être une alternative au PS et un fer de lance de la « nouvelle politique », plus transparente, plus proche des gens, plus claire. Mais en cette fin juin 2015 le parti est au bord de l’implosion après que 60 militants et responsables présents depuis la première heure aient donné leur démission avec fracas en cosignant une tribune parue dans la blogosphère de Mediapart.

Les partants dénoncent le fait que « Nouvelle Donne ne changera rien à la vie politique ». Pêle-mêle, ils critiquent des statuts trop complexes et obscurs, le verrouillage au sein des instances, qui « dépensent plus d’énergie à organiser leur entre-soi qu’à préparer les alternances de demain », ou « l’absence de positions claires et donc forcément clivantes » prises par le président Pierre Larrouturou. Mediapart va plus loin et déniche de nouvelles causes du climat pour le moins tendu chez Nouvelle Donne : la fuite des adhérents – des 11,000 en 2014, année des européennes où le parti a rallié 549 774 voix, seuls 5500 ont repris leur carte en 2015 – et surtout le conseil citoyen, dont la désignation des membres est sujette à caution, et ses velléités de prendre le pouvoir au sein du parti encore plus, selon les démissionnaires.

Il n’y a pas que la nouvelle gauche récente qui a du mal à pérenniser son existence. Une organisation bien plus anciennee et cependant nettement de cette même nouvelle gauche, Osez le féminisme, fondée en juin 2009 par des militantes issues du Planning Familial, de l’Unef, du PS et d’EELV, a aussi des soucis. En mai 2015 le CA et le groupe d’organisation dans le Rhône est parti en bloc et en faisant du bruit. Le communiqué de presse cinglant fustige « le fonctionnement pyramidal, parisianiste et centralisé » du mouvement, la « reproduction des oppressions raciales, sociales et classistes que le fonctionnement d’Osez le Féminisme perpétue » et les interventions médiatiques de ses responsables contre les femmes voilées qui empêchent l’association d’être efficacement présente sur ce sujet : « difficulté de créer des partenariats, absence de crédibilité, de pertinence sur le terrain ».

Alors que ces dernières années, de grands mouvements plutôt proches des mouvements traditionnels de la droite – défense des entreprises, des bases de la société, de l’idée nationale ou religieuse– ont pesé lourdement dans le débat social, la gauche, ancienne ou nouvelle, peine à se renouveler et à influer dans la vie de la Cité, malgré (ou à cause?) le soutien de la quasi-totalité des médias et la présence de relais politiques, syndicaux ou associatifs nombreux et efficaces. Alors que les vieilles recettes ne fonctionnent plus, les nouvelles n’émergent tout simplement plus.

Alors que grâce aux nouvelles technologies et au réveil de la droite traditionnelle, la France apparaît chaque jour à la fois plus connectée et plus proche de ses racines, à la fois plus fière de son histoire mais soucieuse de ses nombreuses identités locales, plus décentralisée et plus mondialisée, plus engagée dans la vie politique et plus abstentionniste car dégoûtée de l’affairisme et de l’irréalisme des politiciens dominants, plus libérale et plus attachée à ses cellules sociales et économiques de base que sont la famille et la petite entreprise, la gauche peine à se saisir de ces nouveaux paradoxes français pour se réinventer et se maintenir. Et le décalage entre sa façon de voir les enjeux sociaux – appuyée sur ses partenaires traditionnels – et la réalité de ceux-ci s’accentue de façon exponentielle. Saisissante. Française.

Denez Lambert

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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2 réponses à “Nouvelle Donne, Osez le Féminisme : la nouvelle gauche est-elle incapable de peser?”

  1. An dit :

    Avec la pression budgétaire, tout ce qui ressemble à une association va rencontrer des problèmes financiers. Celles qui ne servaient que de relais d’opinion ou de lobbys et qui n’ont pas démontrer leur efficacité vont disparaitre. Tant mieux.

    Nouvelle Donne ?
    Dommage, quelque part. Ses propositions de programmes n’étaient pas les plus ineptes du moment. Tout ce qui peut tailler des croupières au PS est aussi bon à prendre. Mais avec un leader, définition même de l’attentisme et de l’indécision, des figures plus peoplo-médiatiques qu’autre chose (qui ont du par la même occasion découvrir les réalités de la machine politique à la française), ce n’est pas étonnant.

    Sur l’avenir radieux de la droite à la française, il ne faut se leurrer non plus. Elle connait certes un regain de forme. Mais plus liée à la « honte » d’être de droite qui est tombée (voir le statut de rebelle récupéré) qu’à une conquête profonde de l’opinion publique. En tout cas, elle est loin d’avoir atteint le niveau que la gauche a pu connaître il y a encore 10 ans au challenge « pensée unique ».
    On en reste de toute façon à un certain recyclage. Et puis dans les urnes, la « droite » est au moins autant responsable que la « gauche » dans l’effondrement du pays.
    La vraie alternative futur est plutôt dans un localisme altermondialiste. Qui n’est pas de gauche, comme la gauche, dans son grand talent, a réussi à le faire croire en le phagocytant publiquement. Mais un mélange de minoritaires extrémistes précurseurs qui voient leurs idées adoptées par une frange de plus en plus grande de groupes et particuliers dont l’intérêt principal est de faire plutôt que convaincre. La tolérance raisonnée devenant la valeur primordiale. Les idéologies devenant secondaires, elles se neutralisent en bout de chaîne.
    La majorité a bien compris que le conflit idéologique est vain. « Vivre et laisser vivre » sera le nouveau crédo. Ce qui ne veut pas dire « laisser faire ». La droite traditionnelle voulant toujours convaincre, comme la gauche, elle va vite heurter le plafond.

    Bien sûr, cela exclut toute éventualité d’effondrement rapide et graves conflits civils mais qui sont surtout faciles à expliquer après coup. On ne peut pas nier qu’il y a une tension favorable. Mais où et quand peut-elle éclater ? Sans exclure des retournements de situations (une grave crise économique, des conflits internes ou externes en Chine par exemple, et ça peut repartir quelques temps).
    Et encore, dans ce cas là, les actions convaincront toujours plus que les mots.

    • jaouen dit :

      Tout ça va bien si la France était un bocal, une bulle. Mais nos mouvements internes sont et seront nettement perturbés par ce qui se passe à l’extérieur.

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