25/06/2015 – 09H00 Rezé (Breizh-info.com) – Alors que la ville de Rezé (Loire Atlantique) , où est édifiée une œuvre majeure de l’architecte Le Corbusier (1887-1965) , célèbre le cinquantième anniversaire de sa mort, le profil « politiquement très incorrect » de ce dernier ressurgit.
Considéré comme le plus grand architecte français du XXème siècle, Le Corbusier fut surtout connu comme le réalisateur entre autres de la célèbre Villa Savoye de Poissy et comme l’inventeur de l’ « unité d’habitation » concept matérialisé au début des années 1950 avec la Cité radieuse de Marseille (surnommée « la maison du fada ») et celle de Rezé qui fête cette semaine le soixantième anniversaire de sa construction.
La Cité radieuse appelée aussi La Maison familiale, est une résidence sous forme d’une barre sur pilotis située dans la commune de Rezé, au sud de Nantes. Le Corbusier y a appliqué ses principes d’architecture pour une nouvelle forme de cité, qu’il qualifiait de « village vertical ». Les façades et toitures de l’ensemble ont fait l’objet d’une inscription à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1965. Cette protection fut étendue en 2000 à l’école maternelle, aux circulations intérieures, à la passerelle et aux appartements témoins du sixième étage. Des visites du bâtiment et des appartements témoins sont régulièrement organisés par la mairie de Rezé.
A l’occasion du cinquantième anniversaire de la disparition de l’architecte, durant toute la semaine les habitants de la Maison radieuse vont donc accueillir le public dans leurs appartements pour faire découvrir leurs « passions radieuses ». Au programme aussi : spectacle vivant… théâtre, danse et concert.
A noter qu’une grande exposition sur son œuvre se tient jusqu’au 3 août prochain au Centre Georges Pompidou à Paris. Plus de 300 travaux (peintures, sculptures, maquettes …) de ce visionnaire et théoricien à la réputation mondiale y sont présentés.
Mais le passé de Le Corbusier vient jeter une ombre sur ce tableau « radieux ». Deux ouvrages récents (Un Corbusier, de François Chaslin, et Le Corbusier, un fascisme français, de Xavier de Jarcy) révèlent au public des aspects peu « politiquement corrects » de la carrière du grand architecte. Autrement dit sa sympathie avouée pour le fascisme.
Le Monde s’interroge : «Le Corbusier fut-il fasciste ou démiurge ?» alors qu’on savait déjà qu’il avait été proche du Faisceau de Georges Valois dans les années 1920, qu’il ne cachait pas son admiration pour les réalisations sociales et architecturales de l’Italie fasciste de Mussolini ou qu’il avait travaillé pour le gouvernement de Vichy. Libération, Télérama ou le Huffington post d’Anne Sinclair ont renchérit dans les accusations.
Mais c’est surtout le ton de certaines de ses lettres, au travers de correspondances privées qui donnent un éclairage nouveau sur les opinions de l’architecte qu’André Malraux célébra lors de son décès en 1965. Petit florilège :
À propos des événements du 6 février 1934 : « Le réveil de la propreté. »
Sur la débâcle de juin 1940 : « La miraculeuse victoire française. Si nous avions vaincu par les armes, la pourriture triomphait, plus rien de propre n’aurait jamais plus pu prétendre à vivre. »
Sur les Juifs, il écrit, dès les années 1920 : « Le petit Juif sera bien un jour dominé. Je dis petit Juif, parce qu’ici ils commandent, ils pétaradent et font la roue et que leurs papas ont à peu près absorbé toute l’industrie locale… ». Et quinze plus tard : « L’argent, les Juifs (en partie responsables), la franc-maçonnerie, tout subira la loi juste. Ces forteresses honteuses seront démantelées. Elles dominaient tout. »
A propos d’Adolf Hitler : « Nous sommes entre les mains d’un vainqueur et son attitude pourrait être écrasante. Si le marché est sincère, Hitler peut couronner sa vie par une œuvre grandiose : l’aménagement de l’Europe. »
Pour la petite histoire ces propos se rencontrent à la même époque en 1940, et presque mot pour mot, dans le Journal de Vézelay de Romain Rolland, authentique homme de gauche et prix Nobel de littérature…
« À l’exception de quelques-uns, les architectes français furent vichystes dans leur majorité », déclare Paul Chemetov, auteur du siège du ministère de l’Economie et des Finances et proche du Parti communiste, ajoutant que si Le Corbusier fut « sans nul doute équivoque dans ses amitiés, son antisémitisme fut largement partagé ».
Libération annonce que nombre de municipalités vont débaptiser les rues et places portant le nom de Le Corbusier. Que va faire la municipalité (PS) de Rezé pour la Cité radieuse ? Si changer un nom de rue ne pose pas de difficulté particulière, gommer le nom de l’architecte d’un monument aussi emblématique sera un exercice beaucoup plus délicat…
François Cravic
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