Le conteur breton Anatole Le Braz (1856-1926) reste, aujourd’hui encore, connu du grand public pour son œuvre La Légende de la mort en Basse-Bretagne.
Directeur de la collection Soleil Celtic, Jean-Luc Istin souhaitait adapter en bandes dessinées des œuvres littéraires majeures de la culture bretonne. Il a eu la bonne idée de demander au duo François Debois, pour le scenario, et Sandro, pour le dessin, d’adapter trois œuvres d’Anatole Le Braz : Le Sang de la Sirène (1901), Le gardien du feu (1900) et Histoire Funèbre, tirée des Contes du vent et de la nuit.
Le Sang de la Sirène.
Ecrivain en quête de légendes bretonnes, Anatole accoste en octobre 1897 sur l’île d’Ouessant. Il se lie d’amitié avec Marie-Ange, l’épouse d’un pêcheur, si belle que les ouessantins se demandent si elle n’est pas issue d’une famille de sirènes… Mais son mari disparaît en mer. Anatole découvre alors la coutume du proëlla : après la cérémonie funèbre, on enferme dans un reliquaire une croix de cire représentant le corps du noyé…
Cette bande dessinée sortie en 2007 est l’adaptation du Sang de la sirène, récit d’Anatole Le Braz écrit en 1901. Leur lecture simultanée met en lumière la fidélité de l’adaptation de François Debois. Ce scénariste renforce judicieusement la tension dramatique en imaginant une querelle entre Anatole et Marie-Ange au sujet de ses origines mystérieuses. Le dessin expressif de Sandro et les couleurs lumineuses de Christophe Lacroix mettent en valeur ce classique de la littérature bretonne. Sandro a pris soin de respecter, pour l’essentiel, le cadre ouessantin (costumes, coiffes…), ce qui n’est pas fréquent dans le monde de la bande dessinée. Il a ainsi contacté l’écomusée de Ouessant pour dessiner le bateau à vapeur « La Louise ». Sandro reconnaît qu’ « Anatole Le Braz… a une écriture formidable. Ses œuvres sont une invitation au voyage et à la découverte de la Bretagne. C’est une sorte d’immersion dans cette culture et ce mode de vie de la fin du 19ème siècle, dans cette superbe région, une plongée dans la mémoire bretonne ».
Le gardien du feu.
Après Le sang de la sirène, Sandro et François Debois adaptent avec la même réussite Le gardien du feu, autre roman d’Anatole Le Braz. Originaire du Léon, le marin Goulven rencontre Adèle Lazenec une jeune fille de Tréguier, et l’épouse. Pour rester plus souvent à ses côtés, il devient gardien de phare. Il recherche l’affectation d’un « paradis », phare sur la terre ferme. Mais il n’obtient que la garde d’un « enfer » : le phare de la Vieille sur le rocher de Gorlebella, au large de la Pointe du Raz. Il sombre dans une déprime qui l’amène au crime passionnel. Il enferme sa femme, à qui il vouait une passion sans bornes, et Hervé Louarn, son seul ami, dans une pièce du phare, qui sera leur tombeau…
Réalisée en 2009 et 2010, cette bande dessinée décrit bien les éprouvantes conditions des gardiens de phares et brosse avec justesse les anciennes oppositions entre Trégorois et Léonards. Le dessinateur Sandro a dû s’imprégner de solitude pour dessiner ces planches : « J’aime parfois la solitude, surtout quand je travaille afin de pouvoir m’immerger dans les pages que je suis en train de faire. Le summum aurait été de réaliser cet album sur le phare de la vieille, mais c’est impossible. Alors je m’isole… et je travaille seul, comme Goulven dans son phare. Je suis aussi en admiration devant ces édifices qui semblent résister à la fureur des assauts de la mer… J’ai tristement appris, il y a pas longtemps, que le phare de la vieille est en train de tomber en ruine… Cela me touche d’autant plus qu’il est le héros de l’album… ». Le dessin de Sandro reste très agréable mais manque parfois de finesse pour les traits des personnages. Le phare est particulièrement soigné. Les couleurs de Joël Mouclier, tantôt vives et tantôt grises, mettent en valeur l’intensité du scenario.
Jusqu’au bout de la terre.
Au début du vingtième siècle, afin de puiser le grand air breton, André Rio, un écrivain, s’installe dans le petit port de pêche d’Etel, dans le Morbihan. Il sort souvent en mer avec Jean-René Guilcher, l’un des pêcheurs, sauf lorsqu’il le trompe avec son épouse… Le jour de la Toussaint, André et Jean-René partent en mer. Brusquement, le vent tombe et le brouillard s’épaissit, rappelant ainsi de vieilles légendes macabres. Les deux hommes paniquent jusqu’à en venir aux mains. Puis ils regagnent le port. Mais celui-ci a été déserté : il n’y a plus âme qui vive. Les deux hommes vont tenter de découvrir ce qu’il s’est réellement passé. Ils partent à Auray et tombent sur des morts-vivants… Le scénariste François Dubois adapte ainsi, avec une certaine liberté, Histoire Funèbre, récit d’Anatole Le Braz tiré des Contes du vent et de la nuit. Malgré des incursions fantastiques, on reste déçu par la fin, tout s’expliquant par un rêve et une terrifiante vengeance.
Le dessinateur Sandro achève ainsi, en 2012, son étude de l’œuvre d’Anatole Le Braz. Il aime raconter le plaisir qu’il a connu à réaliser ces albums avec en toile de fond la mer : « c’est une passion pour moi. J’ai d’ailleurs quitté la région parisienne pour me rapprocher de l’Océan. C’est un lieu qui m’apaise et me ressource… C’est presque vital pour moi. C’est un autre moyen d’évasion en plus de mes planches BD… Les lieux cités existent, même si les personnages sont fictifs pour la plupart, il y a des costumes à respecter… Quasiment chaque village a son costume traditionnel et sa coiffe. J’essaie d’être le plus proche possible de la réalité”.
Histoires de Bretagne, Tome 1, Jusqu’au bout de la terre, 14,50 euros, Tome 2 Le Sang de la Sirène, 14,50 euros, Tome 3 Le gardien du feu 1ère partie, 14,50 euros, Tome 4 Le gardien du feu 2ème partie, 14,95 euros. Editions Soleil.
Egalement disponible en intégrale : Histoires de Bretagne, Intégrale T1 à T4, 29,95 euros. Editions Soleil.
Kristol Séhec.
Une réponse à “Histoires de Bretagne. Anatole Le Braz en bandes dessinées.”
Histoire de la Bretagne :
1ère partie
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