On fête les 70 ans de la libération des poches de l’Atlantique. Outre Dunkerque (qui se rendit le 9 mai) les Allemands tenaient Lorient, Saint-Nazaire et une portion de côte allant de la Sèvre nantaise à la Gironde. Dans les trois cas, des bases sous-marines qu’ils voulaient garder opérationnelles le plus longtemps possible.
Contrairement à une idée reçue, l’objectif majeur des Anglo-américains n’était pas à proprement parler de libérer la France. La directive en date du 12 février 1944 du « Combined Chiefs of staffs » l’énonçait clairement : « Vous pénétrerez sur le continent européen et, conjointement avec les autres nations unies, vous entreprendrez des opérations visant le cœur de l’Allemagne… Vous pénétrerez sur le continent au mois de mai 1944. Après vous être assurés dans la Manche de ports convenables, vous exploiterez ce résultat en vous emparant d’une zone qui facilitera les opérations… ».
Autrement dit, la libération de la France se ferait dans la foulée et s’il subsistait des poches de résistance ennemie, leur réduction viendrait ultérieurement. Le débarquement réussi, les Alliés s’assurèrent de Saint-Malo, Brest et surtout de Cherbourg qui tomba le 30 juin. Pour les autres poches, on s’en remit aux Français. Le gouvernement provisoire jugea prioritaire, pour l’honneur national, d’avoir la mainmise sur ces opérations. Le général de Larminat prit le commandement d’une « armée de l’Atlantique » très composite avec un amalgame plus ou moins heureux de F.F.I. et F.T.P. enrégimentés et d’unités prélevées sur la 1ère armée du général de Lattre. Pour l’appui feu, il fallut se contenter d’un petit nombre de bâtiments hors d’âge (le cuirassé Lorraine) ou tout à fait secondaires, de même pour l’aviation tout juste renaissante.
On lira dans l’ouvrage de Stéphane Simonnet le détail de cette reprise du littoral atlantique. Elle prit du temps et fut l’occasion d’incroyables « bavures » comme le bombardement de Royan. Le 5 janvier 1945, une escadre du « Bomber Command » anéantit cette station balnéaire, tuant 47 allemands et près de 500 civils français. Autour de Saint-Nazaire, les artilleurs américains s’acharnèrent sur des villages désertés par l’ennemi. Les conclusions de l’historien sont sévères : plutôt un « immense gâchis » qu’ « une épopée telle qu’on l’entend et telle qu’ont pu en façonner par leurs exploits le général Leclerc, le général Brosset ou encore le général de Lattre ». L’effet croisé des objectifs politiques (côté français) et purement militaires (finalement secondaires) prolongea les souffrances des populations civiles « empochées » bien malgré elles.
Jean Heurtin
* Stéphane Simmonet, Les poches de l’Atlantique. Les batailles oubliées de la Libération, Tallandier.
* La French Naval Task Force et les poches de l’Atlantique, in Marine et forces navales, numéro 156, avril-mai 2015.
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