L’affaire des Mistrals a mis en évidence l’incapacité de la France à résister aux pressions de ses alliés de l’OTAN, notamment des Etats-Unis. Cette soumission – du jamais vu depuis de Gaulle jusqu’à Sarkozy – est perçue avec une commisération teintée d’ironie par les Russes. Sur le portail d’informations et d’analyses politiques et stratégiques russes Odnako, le journaliste, écrivain et entrepreneur Dimitri Lekukh donne son point de vue sur cette affaire.
Voilà à quoi ressemble la honte nationale. Au sujet du marchandage héroïque des Français pour les Mistrals
Il est difficile de s’imaginer un exemple plus criant.
La République française naguère puissante et fière marchande puissamment et fièrement en priant les Russes de lui accorder un papier qui les autorise à revendre les porte-hélicoptère Mistrals et leur éviter la casse.
En fait il est impossible de s’imaginer un exemple plus parlant d’humiliation nationale.
La situation est très simple.
Cela n’a jamais été vraiment un secret pour personne que ces grandes boîtes métalliques flottantes n’ont jamais vraiment intéressé la Russie.
Elles n’étaient pas vraiment inutiles. N’importe quelle ferraille peut être correctement utilisées par un bon maître, comme on dit.
Mais la Fédération russe n’avait pas de nécessité extrême d’acquérir ce genre de navire, et ce pour une raison élémentaire et tristement banale : ses forces navales n’ont aucun objectif militaire pour lequel ce genre de navire ne soit absolument nécessaire.
Nous n’avons pas de guerre coloniale actuellement et ne prévoyons à l’avenir de nous lier avec des autochtones quelconques. Quand aux objectifs de dissuasion nucléaire et aux opérations dans les eaux territoriales, il faut pour cela d’autres navires dont la Russie dispose.
Le problème était ailleurs.
Nous avions besoin des technologies, de centrales de navigation, de systèmes de gestion de combat.
Nous avions enfin besoin des technologies pour l’assemblage des navires à fort tonnage, que nous n’avions pu développer à cause du bazar dans nos entreprises pendant les « années 90 vrombissantes« , et qui ont même été en partie perdues en comparaison avec l’époque soviétique, qui soyons honnêtes, n’étaient pas vraiment brillantes sur ce point.
Tout le reste, y compris les magnifiques bateaux-géants qui se construisaient dans les docks français, n’étaient que du surplus. On les aura – tant mieux. Sinon, tant pis.
Voilà.
Le plus drôle dans tout cela, c’est qu’au stade de la conclusion du contrat la France a transmis à la partie russe toutes les technologies qui l’intéressaient, dont le très intéressant système [de gestion de combat] SENIT-9 http://fr.sputniknews.com/defense/20140430/201114181.html et deux autres. Tout simplement à cause des clauses du contrat, ce que les médias « mondiaux et libres » préfèrent taire honteusement.
Vous avez compris ?
C’est une telle humiliation sans précédent, que je manque moi-même de mots pour la qualifier : juste pour satisfaire les ambitions d’un type d’outre-mer, qui ensuite démontrera dans les clips [électoraux] destinés à sa population, combien il est fort, les Français ont transmis gratuitement à la Russie tous les documents qui l’intéressaient. Et ils sont obligés désormais de se battre comme des lions pour la dimension de la compensation qu’ils paieront pour cette transmission. Ce qui fait déjà bien rire tous les vendeurs professionnels d’armes et d’équipements militaires.
Il n’est pourtant pas exclu que sous les yeux ébahis de leur propre peuple, les dirigeants français devront, après avoir payé une importante compensation aux Russes, ferrailler ou couler à leurs frais ces navires dont la classe était il y a peu quasiment la principale fierté des constructeurs navals français.
Ces rustres d’Américains ont pour ce genre de situation un proverbe tout aussi malpoli : « bouffer sa propre merde à ses frais« . Il y a encore quelques décennies les gens de la bonne société se suicidaient après ce genre d’affaires.
Mais la « classe politique » française, qui d’une certaine façon, a vocation de servir à d’autres intérêts nationaux et souverains que ceux de leur propre pays, y est habituée.
Dimitri Lekukh
(traduction Breizh-info.com)
Illustration : Vitaly Podvitsky, Sputnik