Les éditions Don Quichotte éditent en ce mois de mai l’ouvrage « Spike Lee » , écrit par Karim Madani, journaliste spécialisé dans les cultures urbaines et la musique noire américaine. Il a rédigé auparavant des ouvrages comme « Fragment de cauchemar américain » ou encore « Casher Nostra ».
Cet ouvrage sur Spike Lee se détache clairement du lot, car il parle d’un réalisateur essentiel pour tous les amateurs de cinéma, sans doute l’un des meilleurs de sa génération. En Europe, on pourrait clairement comparer à Ken Loach celui qui a réalisé des films comme « Do the right thing », « Crooklyn », « Malcolm X », « Summer of Sam » ou encore « La 25ème heure » voir « Inside Man ».
Du cinéma filmé à l’américaine certes, mais très attaché à la question sociale, à la question identitaire également, souvent focalisé sur la communauté noire à laquelle appartient Spike Lee.
Bien écrit, l’ouvrage nous relate la genèse et le contexte dans lesquels les films de Spike Lee ont été écrit et réalisé, lui qui, enfant de Brooklynn, a été confronté, en première ligne, aux vies qu’il décrit à travers son cinéma.
« Trente ans avant les événements de Ferguson, Spike Lee créait la polémique avec Do The Right Thing, brûlot sur les tensions raciales et de frustration urbaine à Brooklyn.
Jamais avant Spike Lee un cinéaste n’avait filmé le ghetto du point de vue d’un accro au crack se vantant d avoir fumé la télé Sony de sa mère ou d’un sneaker addict entrant dans une rage folle lorsqu’un cycliste caucasien (on ne disait pas encore hipster à l’époque) a roulé sur sa paire de Jordan immaculée.
En inventant la street culture, creuset d’une nouvelle mythologie urbaine au fil des décennies, l’auteur de Do The Right Thing est aussi devenu le père-fondateur du film hip hop en intégrant le rap à son espace narratif.
Ce gamin de Brooklyn, trop petit et trop frêle pour s’illustrer sur les terrains de basket, aura ainsi esthétisé dans sa représentation cinématographique la pratique du basket de rue, à travers la figure de Michaël Jordan et de ses défis quotidiens aux lois de la gravité… Celui qui dit emmerder John Wayne et a menacé Wim Wenders avec une batte de baseball au festival de Cannes a influencé, dans le monde entier, la mode, le langage, les codes, l’esthétique, l’attitude, voire le folklore, de plusieurs générations.
Ce livre n’est pas une biographie exhaustive mais bien une ballade gonzo et rap n roll nourrie d une approche journalistique dans la lignée des écrits de Nick Cohn, Nick Kent ou encore Jeff Wang. À travers la vie et l’oeuvre de Spike Lee, c’est une certaine histoire de l’Amérique que nous sommes amenés à raconter, d’une Amérique noire pas encore totalement remise de l’épidémie de crack des 90’s, ni des drames nationaux provoqués par les attentats du 11 septembre 2001 et les dévastations de l’ouragan Katrina en août 2005, sans oublier les bavures policières de 2014. »
Spike Lee, American Urban Story – Karim Madani – Don Quichotte – 18€
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