Breizh-info vous propose désormais une chronique hebdomadaire intitulée « 7 films à voir ou à revoir » et réalisée par Virgile pour le Cercle Non Conforme, qui nous a donné son accord pour reproduire le texte.
Cette semaine, 7 films à voir ou à revoir sur le thème des gangsters « made in france ».
« Si tu restes dans l’ombre, tu n’approcheras jamais le Soleil.».
Nombre de philosophes ou d’écrivains pourraient se voir attribuer la paternité de cette citation. Les plus enhardis évoqueraient même peut-être Nietzsche. Point de philosophe au marteau pourtant mais Jacques Mesrine, ancien ennemi public n°1.
Il est des êtres qui franchissent un jour le point de non retour et dont la course vers le Soleil devient l’objectif ultime d’une vie placée sous le sceau de la violence au service de leur propre cause.
Tel Icare, ils s’y brûlent irrémédiablement les ailes. Gangsters, truands, voyous, bandits, malfaiteurs, brigands, malandrins, margoulins, criminels, escrocs… L’imaginaire collectif regorge de synonymes pour qualifier ces desperados bravant la loi et le Contrat social. Bénéficiant d’un véritable pouvoir d’attraction, pour qui a toujours préféré dans son enfance endosser le costume du hors-la-loi que celui du policier, le cinéma en fait bien évidemment un thème majeur. Qu’il fut bien compliqué d’en extraire sept !
A BOUT DE SOUFFLE
Film français de Jean-Luc Godard (1959)
A Marseille, Michel Poiccard, jeune voyou insolent et nonchalant, vole une voiture. Prenant la route de Paris par la Nationale 7, il abat un policier qui souhaitait le contrôler. Parvenant dans la capitale, le bandit se réfugie chez Patricia, une jeune américaine dont il est amoureux. Poiccard se sait évidemment recherché et l’étau ne tarde pas à se resserrer autour de lui. Il renoue ses contacts avec la canaille parisienne pour récupérer de l’argent qui lui est dû et entrevoit de fuir à Rome. La veille de son départ, interrogée par l’inspecteur Vital, Patricia consent à dénoncer la planque du voyou afin de garder son passeport…
Inspiré par François Truffaut, A bout de souffle constitue l’un des films-clés de la Nouvelle Vague française et bouleverse radicalement la narration cinématographique traditionnelle. Dialogues à la limite de l’improvisation, caméra à l’épaule, sautes d’images, citations, digressions, faux raccords…, la réalisation inaugure une véritable révolution esthétique que d’aucuns trouveront surfaite. Adulé par certains, honni par d’autres, un film qui ne laisse personne indifférent. Le jeune Belmondo colle parfaitement au héros et Jean Seberg, disparue trop tôt, est si belle.
LES EGOUTS DU PARADIS
Film français de José Giovanni (1979)
Ancien d’Indochine, fasciste et partisan de l’Algérie française, le dandy Albert Spaggiari s’ennuie ferme dans son petit magasin de développement photographique. Ses retrouvailles avec un ancien compagnon le font renouer avec la vie aventureuse et dangereuse. Entouré d’une solide équipe, Spaggiari élabore durant trois mois l’élaboration de ce qui deviendra le « Casse du siècle ». Le 17 juillet 1976, après avoir creusé un tunnel depuis un collecteur d’égouts, Spaggiari et son équipe parviennent à pénétrer dans la salle des coffres de la Société Générale de Nice et repartent avec un butin estimé à cinquante millions de francs. Arrêté, le procès se tient le 10 mars 1977. Sautant par une fenêtre du palais de justice, Spaggiari s’enfuit à moto…
Fidèle adaptation de l’autobiographie éponyme du roi des gangsters français. S’il ne compte pas parmi les plus grands réalisateurs français mais trop injustement oublié, Giovanni était tout disposé à retranscrire l’affaire. Giovanni, de son vrai nom Joseph Damiani, eut lui-même une existence tumultueuse. Ancien collaborateur pendant la Seconde Guerre mndiale, converti au crime, il fut condamné à mort et finalement gracié. Malgré une certaine maigreur budgétaire, Giovanni livre une œuvre habile, aidée en cela par les dialogues signés Audiard. Un film sans grande prétention mais très fidèle à l’esprit du propriétaire de la bergerie des Oies sauvages. Certes, on eût pu trouver un acteur plus crédible que Francis Huster qui se demande parfois dans quel calvaire s’est-il embarqué. Un film néanmoins supérieur à la réalisation de Jean-Paul Rouve.
MESRINE
Film français d’André Génovès (1983)
L’année 1962 sonne le glas de la Guerre d’Algérie. Jacques Mesrine retrouve une vie trop rangée à son goût. Il multiplie les petits délits pour gagner de l’argent. Gagnant de l’assurance, Mesrine s’attaque désormais à de plus grosses cibles. Le casino de Deauville est attaqué et un milliardaire enlevé. Arrêté, l’homme aux 39 crimes et délits est détenu à la prison de la Santé dont il est le premier à parvenir à s’échapper. Consacré par les médias « Ennemi public n°1 » et traqué par toutes les polices, le fugitif dénonce les conditions de détention des quartiers haute sécurité en même temps qu’il donne de curieux rendez-vous aux journalistes et policiers. Cela fait dix-huit mois que Mesrine est en cavale, bientôt accompagné de Sylvia Jeanjacquot. Il se murmure pourtant que le couple n’est pas loin de Paris. Sa voiture entame en effet la Porte de Clignancourt. Nous sommes le 2 novembre 1979…
Le film fut flingué par la critique. Beaucoup de lacunes, il est vrai, pour ceMesrine. De nombreuses faiblesses dans la réalisation qui se contente de juxtaposer les méfaits du truand sans parvenir à déterminer le profil psychologique de celui qui terrorisa la France. Le réalisateur prend également quelques largesses avec l’autobiographie de Mesrine. Ainsi, la scène lors de laquelle il abat le journaliste du journal Minute est d’une parfaite incohérence. Concernant les acteurs, seul Nicolas Silberg, d’une froideur glaçante, est conquérant dans le rôle principal. Les autres… Bref, on espérait beaucoup mieux. Et pourtant, il sonne plus authentique que la récente double réalisation de Jean-François Richet.
MON PERE, FRANCIS LE BELGE
Téléfilm français de Frédéric Balekdjian (2010)
27 septembre 2000, Francis Vanverberghe, alias Francis le Belge, grande figure du milieu du banditisme en France, meurt assassiné dans un bar PMU parisien à proximité de l’avenue des Champs Elysées. Les médias font écho de la disparition du dernier parrain marseillais, impliqué dans nombre de trafics allant du proxénétisme aux stupéfiants. Doté d’un fort charisme, Francis le Belge parvint au cours de se vie houleuse à parfaitement scinder ses trafics et sa vie familiale. Dès 2005, sa fille, Sylvie Borel, avait entrepris de coucher sur papier la vie de son père, dont la disparition signe la mort d’un certain gangstérisme à la française dans la cité phocéenne…
Il est des téléfilms qui mériteraient une diffusion cinématographique. Assurément, la réalisation de Balkedjian appartient-elle à cette catégorie. Démarrant et se terminant avec l’évocation de l’assassinat du caïd, le téléfilm multiplie les ruptures de temps afin de mieux cerner la biographie du Belge à travers les yeux de sa fille. Au-delà du gangster, c’est ainsi à sa vie maritale et parentale que le téléspectateur est confronté ; offrant ainsi un point de vue original et féminin sur un milieu dans lequel les femmes ne tiennent que peu de place.
SANS ARME, NI HAINE, NI VIOLENCE
Film français de Jean-Paul Rouve (2008)
19 juillet 1976, Albert Spaggiari, entouré d’une équipe de choc, pénètre la salle des coffres de la Société Générale de Nice et réalise le casse du siècle. Arrêté, il se paye le luxe d’une évasion spectaculaire et disparait. Multipliant les provocations, Spaggiari se joue des services de recherche en accordant plusieurs interviews. Un journaliste de Paris Match, Vincent Goumard, parvient à l’approcher plusieurs jours en Amérique latine. Doté d’une certaine mégalomanie, Spaggiari ne résiste pas à l’envie d’alimenter le culte de sa légende en autorisant l’interview du journaliste. De forts liens d’amitié se tissent entre les deux hommes. Mais ce que Spaggiari ignore, c’est que le journaliste est en réalité animé de l’envie de le piéger et faciliter son arrestation. Faut pas rire avec les barbares. Avec Spaggiari non plus…
Le titre du film fait écho à la signature de Spaggiari sur les murs de la banque niçoise. A la différence du film de Giovanni, Rouve s’attache moins à l’évocation du casse qu’au portrait du gangster fasciste. Beau parleur comme Cyrano de Bergerac, dandy comme Arsène Lupin, l’ex Robin des Bois ne manque pas de dresser un portrait attachant du héros pour qui on devine une certaine tendresse à son égard de la part du réalisateur. Le film est à voir mais, bien que ne manquant pas de moyens, on ne parvient pas vraiment à entrer dedans. D’aucuns préfèreront la biographie de José Giovanni.
LES TONTONS FLINGUEURS
Film français de Georges Lautner (1963)
Fernand Naudin est un ancien gangster reconverti dans le négoce de matériaux de travaux publics à Montauban. Fernand mène une vie rangée, bientôt dérangée par la nouvelle irruption dans sa vie de Louis, surnommé Le Mexicain, truand notoire de retour à Paris. Louis, mourant, sollicite Fernand à son chevet afin de lui confier la gestion de ses affaires et l’éducation de sa fille Patricia. D’autres que Fernand s’imaginaient parfaitement succéder au patron Louis à la destinée du tripot, de la distillerie clandestine et de la maison close. La querelle est inévitable malgré la neutralité du notaire de Louis, Maître Folace. Les frères Volfoni, et d’autres trublions, sont bien décidés à utiliser tous les moyens pour capter l’héritage du Mexicain…
« Alors ! Il dort le gros con ? Ben il dormira mieux quand il aura pris ça dans la gueule ! » Qui n’a jamais vu Les Tontons flingueurs ? Il était néanmoins inconcevable de ne pas faire figurer ce film culte dans la sélection. Culte ? Et pourtant ! Flingué par la critique totalement acquise à la Nouvelle Vague et de plus en plus allergique aux films populaires, Les Tontons ne fut pas l’immense succès populaire dont il peut se targuer aujourd’hui. Grâce soit rendue à Lautner et Audiard, le film est bien évidemment hilarant. Les acteurs rivalisent tous avec un extrême brio et une gouaille qui font mouche à chaque dialogue. Inutile d’en dire plus semble-t-il ! Ventura, Blier, Francis Blanche ou Jean Lefebvre, choisissez votre flingueur !
TRUANDS
Film français de Frédéric Schœndœrffer (2007)
Proxénétisme, racket, trafic de stupéfiants et de voitures, braquages, faux billets…, les « talents » du quinquagénaire Claude Corti sont multiples dans le Paris contemporain. Corti est l’un des plus grands noms du banditisme ; prenant sa commission sur tous les trafics traversant sa sphère d’influence maintenue au moyen de toutes les violences requises. A plus forte raison pour contenir les menaces que font régner la bande de Larbi et Hicham. Auprès de Corti, le trentenaire Franck, jeune loup soucieux de son indépendance, efficace et doté d’une forte intelligence. Traqué par la police, Corti tombe pour une stupide affaire de cartes grises et effectue un séjour à l’ombre de trois ans. Suffisamment pour que son empire s’ébranle. La patte de Franck peut ne pas être très éloignée de sa déchéance…
Si Frédéric ne filme pas la guerre, il semble devenir le digne héritier de son père Pierre Schœndœrffer. Sa peinture du milieu parisien est glaçante de cruauté et de sauvagerie. Ces flingueurs là n’ont rien de sympathiques. On peut regretter l’inégalité entre les acteurs. Si certains passent en effet au travers, Philippe Caubère est, quant à lui, juste hallucinant. A voir donc, ne serait-ce que pour l’évocation quasi-chirurgicale du milieu opérée par le réalisateur.
Virgile / C.N.C.
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