15/05/2015 – 10H00 Nantes (Breizh-info.com) ‑ Jacques Auxiette, président de la région des Pays de la Loire, adore les grands voyages. « On peut bien sûr prendre la pose du dandy qui préfère s’égayer des saveurs d’un riz cantonais réchauffé au four à micro-ondes mais je dois bien avouer que visiter la Chine égaye bien plus mes sens » écrivait-il dans son curieux livre-plaidoyer en faveur du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. La création d’un bureau de représentation de la région au Burundi lui a donné l’occasion de visiter aussi l’Afrique. Au nom d’objectifs moins touristiques que politiquement corrects, bien entendu : promotion du sport, valorisation du patrimoine naturel, qualité des produits agricoles, lutte contre le sida, etc.
Pourquoi le Burundi ? Parce que Pierre Nkurunziza, président de la République de ce pays d’Afrique centrale, dont le français est la seconde langue officielle, en avait exprimé le désir lors d’une visite en France. Bien que docteur honoris causa de l’université de théologie de Californie et réputé proche des évangélistes américains, le personnage était sulfureux : il avait été condamné à mort en 1996 pour avoir posé des mines qui avaient causé de nombreuses victimes pendant la guerre civile entre Tutsis et Hutus. Amnistié, il avait été élu président en 2005. Jacques Auxiette a néanmoins signé un accord de coopération avec lui en 2008 et installé un bureau de la région à Bujumbura. Ce bureau était dernièrement tenu par une ex-attachée territoriale de Saint-Brieuc assistée de deux collaborateurs.
Les relations étaient au beau fixe. En 2011, une délégation régionale se rendait à Bujumbura, capitale du Burundi, pour saluer la réélection du président Nkurunziza ; seul candidat, il avait recueilli 91 % des voix après une campagne émaillée de violences. En juillet 2012, Jacques Auxiette a « eu le privilège d’être invité par le Président du Burundi, Monsieur Pierre Nkurunziza, pour partager les festivités du 50e anniversaire de l’indépendance du Burundi ». En mars 2013, réciproquement, il a accueilli le président burundais à Nantes en grande pompe. « Nous nous enrichissons mutuellement », se félicitait-il sur son blog.
Pierre Nkurunziza a décidé voici une quinzaine de jours de briguer un troisième mandat à l’élection du 26 juin 2015, passant outre aux règles constitutionnelles de son pays. Cette annonce a aussitôt provoqué des manifestations de l’opposition. Jacques Auxiette en a tout de suite tiré les conséquences : « Les violences inacceptables qui ont cours sur le territoire burundais et la remise en cause du caractère démocratique de ce pays m’ont amené à suspendre la coopération décentralisée entre notre région et le Burundi et à organiser le rapatriement de notre équipe présente sur place pour de nécessaires raisons de sécurité. »
Ce départ précipité, voici une dizaine de jours, était assez judicieux puisque la situation a débouché mercredi dernier sur un putsch militaire suivi de durs combats entre soldats loyalistes et rebelles. En cas de victoire de ces derniers puis de règlements de compte, les bonnes relations entre Pierre Nkurunziza et Jacques Auxiette auraient pu coûter cher aux collaborateurs de la région. On annonce ce matin que le putsch a échoué. Cela ne signifie pas que la situation soit « normalisée ». Le putsch avait été chaudement applaudi par la population de Bujumbura, l’élection du 26 juin n’est pas jouée et l’ambiance reste explosive à court et moyen terme. En tout état de cause, l’investissement des Pays de Loire au Burundi risque d’avoir été fait à fonds perdus.
Photo Pierre Nkurunziza : Forum économique mondial, [cc]
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