07/05/2015 – 08H00 Bretagne (Breizh-info.com) – Emmanuel Todd n’y va pas avec le dos de la cuillère ! « Le 11 janvier est une imposture » explique-t-il dans un long entretien accordé à l’Obs (30 avril 2015) à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage intitulé « qui est Charlie ? ».
Son angle d’attaque consiste à observer l’origine régionale et sociopolitique des manifestants du 11 janvier . « Quand on observe la carte des manifestations, la première chose qui frappe, c’est ce que l’Insee appelle avec élégance la prédominance des « cadres et professions intellectuelles supérieures » . C’est elle qui permet de comprendre l’importance qu’elles ont prises à Paris, Toulouse, Grenoble, etc. L’autre variable qui, d’une certaine manière, est encore plus importante encore, c’est la surmobilisation des vieilles terres issues du catholicisme. » souligne Emmanuel Todd. Le second point pouvait se vérifier sur le terrain. L’étonnement s’imposait en effet lorsque, dans une petite ville comme Redon (10 000 habitants), la manifestation rassemblait 7 000 personnes.
Dans un bourg voisin, Carentoir (2500 habitants), 400 personnes se retrouvaient sur la place. Bien sûr, le tam-tam médiatique avait contribué à chauffer les esprits, mais cela ne suffit pas à expliquer cette « vague irrésistible ».
Pour l’auteur, ce sont les « catholiques zombies » qui se sont mobilisés en masse.
« En somme, les bastions ex-catholiques sont les endroits où on a le plus milité pour le droit au blasphème. » . Curieusement, en Bretagne, dans les zones où l’enseignement catholique est dominant, on a manifesté pour la « laïcité »…
A moins que d’autres mobiles n’aient fait réagir les populations rurales. Par exemple, le soucis de montrer qu « on est chez nous ». Malheureusement, en l’absence d’études connues, on restera dans le domaine des suppositions.
Une question s’impose tout de même : les classes moyennes qui défilaient à Nantes le faisaient-elles pour les mêmes raisons que les classes populaires qui se sont rassemblées à Carentoir ?
Dans les quatres pages de l’Obs, Emmanuel Todd s’empresse de rappeler ses autres convictions. « La montée en puissance du PS, cela a signifié la prise de contrôle du pays par des régions sortant du catholicisme. Notre illusion fondamentale, notre erreur à tous, ça été alors de se dire que c’était la gauche qui avait conquis les régions catholiques, au moment même où c’étaient les régions catholiques qui faisaient en réalité la conquête de la gauche. ».
Effectivement, l’implantation du Parti socialiste de Mitterrand, à partir de 1971, en Bretagne, est l’oeuvre des militants catholiques. Précédemment, la SFIO existait seulement dans quelques poches (St Nazaire, Lorient …).
A Rennes, elle cogérait la ville avec le MRP. Lors des élections législatives, dans les circonscriptions rurales, on parachutait des profs venus de la ville. L’arrivée des militants catholiques a permis de disposer d’une main d’oeuvre abondante, dévouée et locale.
Le rôle décisif joué par le PS dans la création de l’euro est également rappelé : « l’agent le plus actif et le plus stable des politiques économiques qui nous ont menés au chômage de masse actuel, c’est tout de même le PS. Le franc-fort, la marche forcée à l’euro, toute cette création idéologique extrêmement originale s’est faite sous Mitterrand, traînant Giscard derrière lui. »
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