Réunification de la Normandie : bagarre entre Caen et Rouen

28/04/2015 – 08H00 Rouen (Breizh-info.com) – La grande gagnante de la loi relative à la délimitation des régions, c’est incontestablement la Normandie. En effet, dès le dépôt par le gouvernement du projet de loi au Sénat, la réunification était programmée.
Elle figurait noir sur blanc dans le tableau qui indiquait le périmètre des « nouvelles régions ». Ensuite, lors de la navette entre les deux assemblées, personne ne remit en question cette avancée. On entendit surtout les Bretons et les Alsaciens qui avaient d’autres raisons de se plaindre …

Pourtant un député normand, qui suivait de près le dossier, savait quelles difficultés se présenteraient ensuite. Car qui dit deux mini-régions (basse et haute Normandie), dit deux capitales régionales avec tout ce qui va avec en matière d’emplois. Par conséquence, si Rouen devenait le chef-lieu de la nouvelle région, les élus de Caen feraient tout pour s’opposer à une fusion qui les désavantagerait considérablement. Car le maire d’une grande ville porte deux casquettes, celle d’homme politique mais aussi celle d’élu local, soucieux de défendre les intérêt de sa cité.

En 2015, ces intérêts s’appellent d’abord emplois. Or, le statut de capitale régionale offre de nombreux avantages en la matière. Principalement des emplois administratifs, avec beaucoup de cadres, beaucoup d’employés CSP+, travaillant à la préfecture de région, dans les deux assemblées régionales. (conseil régional et CESER), dans les institutions qui en dépendent, dans les directions régionales des administrations de l’Etat, et des entreprises publiques, etc.

Sans oublier les grandes entreprises du privé qui calquent leurs structures sur celles du public. Cela fait du monde.

Donc Rouen devenant capitale de la Normandie, cela signifiait une casse sociale de grande envergure pour Caen puisque tous ces beaux employés risquaient de partir. Pour éviter que la basse Normandie ne paie au prix fort la réunification, Alain Tourret (PRG), député de Vire, obtint que Manuel Valls laissât passer un amendement prévoyant que l’hôtel de Région pouvait s’installer dans une autre ville que le chef-lieu de la région. Un système bicéphale rompant avec la tradition française de tous les organismes en un même lieu.

En clair, pour revenir au cas normand, lorsqu’un décret déciderait de faire de Rouen le chef-lieu de la région, rien n’interdirait aux assemblées régionales de décider de s’installer à Caen. Avec l’exécutif régional. Ainsi un partage de gâteau s’opérerait. C’était la première version que l’on défendait dans les couloirs des lieux de pouvoir et qui semblait convenir à tout le monde.

Sauf que Laurent Fabius – le boss de Rouen – et son équipe ont dû examiner ensuite de plus près le dossier et s’apercevoir que cette répartition n’avantageait pas forcément Rouen. Un tableau des effectifs montrait peut être qu’il était préférable de jouer la carte de la Région plutôt que celle de l’Etat.

Aux dernières nouvelles, « Caen, capitale historique, devrait accueillir la préfecture de région tandis que Rouen, capitale économique, hériterait du conseil régional. Une décision à laquelle le patron du quai d’Orsay, Laurent Fabius, n’est pas étranger ». (Le Figaro, 14 avril 2015).
Les réactions ont été immédiates. « Miroir aux alouettes » s’est indigné Philippe Gosselin (UMP), député de La Manche. Il voit là un « piège doré » tendu par Laurent Fabius, dont le fief électoral se trouve à Grand-Quevilly, dans la banlieue de Rouen. Le ministre des Affaires étrangères s’impliquerait beaucoup dans la réunification de la Normandie, d’après M. Gosselin. Or cette hypothèse ne convient pas au député UMP car …c’est le conseil régional qui sera le véritable centre de décision. « Les citoyens ne comprendraient pas que le choix du lieu d’implantation du conseil régional soit guidé par des considérations politiciennes et des luttes d’influence qui prennent leur source au sein du gouvernement. », persifle-t-il (Le Monde, 15 avril).

Pour trancher cette question des nouvelles capitales régionales, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, vient de nommer des « préfets, préfigurateurs » (sic). « Cette nomination des préfets de régions préfigurateurs donne le coup d’envoi de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat. Ils vont mener la concertation avec les élus, l’ensemble des services et des organisations syndicales pour construire avec eux le projet territoriale des nouvelles régions », explique le ministre.

Il faut parler du calendrier : « après une première phase de concertation, l’Etat arrêtera cet été les choix d’implantation des services de l’Etat, ainsi que les chefs-lieux provisoires des régions. Le choix définitif des chef-lieux de régions interviendra à l’été 2016, après les élections régionales de décembre et une nouvelle phase de concertation » poursuit-il.

Bien entendu, Bernard Cazeneuve, ancien député de Cherbourg, a des idées sur la Normandie : « l’union de la Normandie est une chance pour tous. C’est ce que j’ai toujours défendu. Nous allons faire en sorte, en Normandie comme ailleurs , que les services de l’Etat soient présents harmonieusement sur l’ensemble de la région, au service de l’ensemble des habitants. Par exemple, les directions régionales ne seront pas toutes dans le futur chef-lieu, quel qu’il soit » (Ouest-France, 23 avril 2015).

C’est une invitation lancée à Laurent Beauvais (PS), président du conseil régional de Basse Normandie, et à Nicolas Mayer-Rossignol (PS), président du conseil régional de haute Normandie, à trouver un terrain d’entente. Leur intérêt bien compris est de proposer au gouvernement un projet équilibré de répartition des différents services – Etat et région – plutôt que de se voir imposer du tout ficelé. Cela dit, le second possède un avantage certain sur le premier : M. Mayer Rossignol est un Fabius boy. Ce qui lui a permis de marquer un premier point : le « préfet préfigurateur » de Normandie est celui de Rouen.

Le jour où sonnera l’heure de la réunification de la Bretagne, le même problème se posera. Quelle ville sera la capitale régionale ? Nantes ou Rennes …répartir les services entre ces deux villes ne sera pas chose aisée, sans oublier Brest qui voudra sa juste part .

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2 réponses à “Réunification de la Normandie : bagarre entre Caen et Rouen”

  1. chouquette dit :

    @rambauxsimon tout à fait nous normands on n’a pas le droit à la parole !

  2. Montcorbier dit :

    Très bon tableau des freins mis par les pays légaux aux nécessités et attentes des pays réels. On en avait eu l’illustration avec le référendum raté de la fusion des départements alsaciens, échec imputable à la défiance des Alsaciens envers leurs élus, et explicable par les petits arrangements entre élus pour émietter la future organisation régionale.
    Il est singulier de constater que la conscience régionale des élus s’arrête dès l’instant qu’il faut penser au maillage de leur circonscription par les administrations de l’Etat. Autant dire que le système républicain de représentation est, comme le régime dans lequel il s’inscrit, totalement épuisé.

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