14/04/2015 – 12H00 Bretagne (Breizh-info.com) – Ce jour paraît le troisième épisode de la web-série bretonne « Hent ar Frankiz » que nous vous avions présenté récemment. Une série spécialisée dans l’économie au service de l’indépendance bretonne, sur laquelle revient Pierre Toullec, son animateur principal, en exclusivité pour Breizh-info.com.
Breizh-info.com : vous sortez le troisième épisode d’hent Ar Frankiz. Quel premier bilan en tirez vous ?
Pierre Toullec : Nous avons été surpris par l’engouement connu dès le premier épisode ! Notre idée était de lancer une série de vidéos en améliorant progressivement la qualité, centré sur l’économie. Dit comme ça, nous nous attendions à quelques dizaines de vues dans les premiers mois. Dès les premiers jours, le premier épisode a été partagé des centaines de fois et nous avons reçu de nombreux e-mails, messages et commentaires pour nous encourager à continuer.
Notre projet était d’avancer petit à petit sur une année pour progressivement nous construire un public et une audience. Les tous premiers résultats nous ont forcé à revoir à la hausse nos ambitions, à la fois en terme de qualité technique que de contenu. Nous apprenons. Les conseils que nous recevons par e-mails et dans les commentaires nous sont très précieux mais cela a représenté une charge de travail que nous n’attendions pas si tôt. En gros, en termes de développement, nous en sommes en ce début de mois d’avril là où nous espérions être au mois de septembre 2015. Cela reste modeste, mais très encourageant.
Breizh-info.com : comment souhaitez vous développer cette émission ? Quelle a été votre audience ?
Pierre Toullec : Au départ, nous souhaitions lancer nos premiers épisodes pour créer une base de connaissance sur laquelle nous appuyer pour l’avenir. Finalement, l’accueil fut si bon que nous avons commencé à travailler avec plusieurs partenaires de diffusion, en Bretagne et dans le monde francophone. Il y a une attente forte dans ces deux milieux. Le manque criant d’analyses économiques qui sortent du modèle de la centralisation Etatique française nous crée deux audiences : les bretons indépendantistes et régionalistes d’un côté, et de l’autre les français touchés par les questions économiques qui n’avaient pas forcément pensé aux avantages que représenteraient l’indépendance de la Bretagne pour la France. Notre souhait est d’étendre cette base pour toucher un maximum de bretons pour leur présenter un projet économique indépendantiste crédible, tout en faisant accepter à notre public français l’idée d’indépendance de la Bretagne. Nous ne sommes pas un parti politique, nous souhaitons diffuser de la connaissance.
Prochainement, nous souhaitons aussi réaliser une traduction (sous-titrage) systématique de chaque épisode en anglais et en breton. Nous tenons beaucoup au mélange du breton et du français tel qu’il est déjà fait dans nos vidéos. Cela habitue petit à petit un public uniquement francophone, présent pour les idées économiques, à ce que cette langue soit au premier plan de la réflexion sur la société moderne.
Certains nous ont reproché d’avoir une approche trop « élitistes » de par les sujets très complexes que nous traitons, pas forcément accessibles pour tous. Il est vrai que notre équipe est composé de quatre jeunes professionnels, tous titulaires de masters en économie ou en philosophie et dont trois chefs d’entreprises. Cependant notre volonté est justement de vulgariser les raisons économiques et philosophiques qui justifient l’indépendance de la Bretagne. Bien d’autres militants de l’Emsav savent parler de notre histoire et des justifications culturelles pour une Bretagne séparée de la France. Ils sont bien meilleurs que nous sur ces sujets. De notre côté, nous nous concentrons sur ce que nous savons faire de mieux, tout en cherchant il est vrai à montrer une autre image du mouvement indépendantiste breton. Nous sommes continuellement demandeurs des avis de notre public pour savoir comment nous améliorer et rendre plus audible notre message.
Breizh-info.com : L’indépendance de la Bretagne , concrètement, qu’est ce que cela apporterait selon vous ?
Pierre Toullec : L’indépendance de la Bretagne aurait un impact économique immédiat : les décisions politiques seront plus aisées, plus rapides et liées aux problèmes bretons. Aujourd’hui, la politique de l’Etat Français doit être la même pour les Alsaciens, les Corses, les Normands, les Bretons, les Savoyards, alors que chacun de ces territoires possède une culture, une histoire, une économie et une géographie différentes. Le fantasme révolutionnaire Français comme quoi chaque individu peut être assimilé et que nous devrions appliquer la même politique sur l’ensemble d’un territoire aussi vaste ne peut pas réussir. Chaque individu est différent et chacun d’entre-nous savons mieux que les élites ce que nous voulons pour nous.
L’indépendance de la Bretagne aura un impact positif en Bretagne, mais aussi en France ! Ce pays s’en trouvera en partie simplifié, et pourra plus facilement prendre des décisions démocratiquement, avec plus de proximité entre les élus et les citoyens.
Enfin, la plus faible capacité de l’Etat Breton à investir dans les entreprises obligera les leaders économiques à prendre des décisions rationnelles, intelligentes. Aujourd’hui, ces leaders savent qu’ils seront sauvés par l’Etat, en particulier si leur entreprise a une grande taille. Cet assistanat permet aux entreprises de prendre des décisions absurdes et dangereuses, qui conduisent à des crises économiques continuelles. Dans une économie, sauver les entreprises en faillite c’est promouvoir la médiocrité et l’échec de la société. L’économie de marché est basée sur les profits et les pertes en fonction du choix libre des consommateur. Avant de condamner l’assistanat envers les plus pauvres, il faut condamner l’assistanat dont profitent les grandes entreprises et les plus riches.
Breizh-info.com : Comment expliquez-vous la fébrilité des décideurs économiques Bretons à s’engager dans l’initiative politique bretonne ?
Pierre Toullec : Depuis la Révolution Française, le système politico-économique dans lequel nous vivons ressemble fortement à un collectivisme socialiste camouflé par un capitalisme de connivence. L’Etat Français met en avant de grandes entreprises pour nous faire croire que nous vivons dans une économie de marché, mais en réalité, les élus Parisiens décident de tout. Les chefs d’entreprises sont comme les citoyens les plus pauvres : assistés, drogués à la dépense publique. Ils savent que leurs entreprises survivent grâce aux niches fiscales, aux aides d’Etat et aux dépenses publiques. Pour les décideurs économiques Bretons, la situation est très complexe. Il faut parvenir à répondre à une demande locale très particulière, très différente de ce qui se passe en France, tout en préservant leurs gains réalisés par l’assistanat aux entreprises venu de Paris. Il leur faut jouer sur les deux tableaux, car ils savent qu’en France, si vous n’êtes pas amis avec les leaders politiques Parisiens, alors un lobby parviendra à faire passer une loi pour vous empêcher de faire votre travail.
Leurs vies, leurs familles et celles de leurs salariés sont toutes dépendantes de cet assistanat venu de Paris. Lorsque vous souhaitez qu’un drogué arrête de consommer, il faut passer par une cure et lui prouver qu’il est capable de vivre sans sa drogue. Tant que la rupture d’approvisionnement d’argent public et de niches fiscales ne sera pas réalisée, alors le monde économique breton restera bloqué dans cette schizophrénie entre la Bretagne et la France, et n’osera pas s’engager ouvertement pour l’intérêt de la Bretagne. Les élus Parisiens le savent et ils en jouent.
Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
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