Bretagne (B4). Une solidarité internationale très orientée et organisée.

14/04/2015 – 09H00 Bretagne (Breizh-info.com) – En Bretagne (B4), il ne s’écoule pas une semaine sans que les hebdomadaires et quotidiens locaux fassent état d’un projet de construction d’un puit au Mali par une association locale, d’une soirée couscous au profit des enfants de Madagascar, d’un fest-noz pour récolter des fonds afin d’aider les familles bretonnes à adopter des petits Haïtiens. C’est presque devenu une tradition bretonne, une obligation même afin d’être bien vu et peu suspecté « de repli sur soi», qualificatif porté comme une marque d’infamie.

Les collectivités territoriales, et les communes, sont également en pointe dans ce qu’il est convenu d’appeler « la solidarité Internationale ».

247 projets humanitaires en cours, mais aucun en Europe.

La plateforme ABCIS ( Acteurs Bretons de la Coopération Internationale et de la Solidarité) est un « réseau d’échange, d’appui et de concertation multi-acteurs (associations, collectivités territoriales, services de l’Etat, établissements publics) dans le domaine de la coopération décentralisée et de la solidarité internationale. ». Elle a pour objectif «  d’améliorer la qualité des actions de coopération décentralisée et de solidarité internationale menées en Bretagne, selon une dynamique d’échanges, de travail collaboratif, de concertation et de subsidiarité. ». Elle est pilotée – jusqu’en décembre prochain – par le conseil régional socialiste.

Sur son site Internet, ABCIS référence l’ensemble des projets mis en place en Bretagne en terme d’action humanitaire. A l’examen, on se rend compte que la solidarité internationale porte essentiellement sur l’Afrique de l’Ouest, l’Asie, et l’Amérique du Sud. Sur les 247 projets en cours recensés par le conseil régional, 42 concernent le Burkina-Faso, 37 Madagascar, 35 le Mali, 20 le Sénégal et 15 Haïti, pour les pays les plus « porteurs ».
Aucun projet sur le continent européen, ni dans les anciennes républiques soviétiques asiatiques.  Rien en Océanie non plus.

Derrière l’humanitaire, une orientation politique et sociétale.

Comment expliquer que les projets ne concernent que trois continents , et excluent l’intégralité du nôtre, l’Europe ? Les Bretons n’aimeraient-t-ils pas leur civilisation à ce point ? La pauvreté et la misère n’existerait-elle pas, en Ukraine, en Espagne, en Grèce ou en Russie ?
Un tour d’horizon de ce système de « solidarité internationale » mis en place en Bretagne montre rapidement qu’un processus existe permettant de débloquer des subventions diverses et variées : ce processus commence notamment par un projet de coopération avec l’hémisphère Sud.
L’ABCIS est une véritable pieuvre administrative, qui regroupe comme indiqué sur son site Internet, collectivités, services de l’Etat, associations d’immigrés, secteurs sanitaires, agricoles, associatifs .
Ses valeurs ? Elles sont résumées dans cette phrase : « Dans un monde interconnecté, où les décisions politiques et économiques ont des répercussions pour l’ensemble de la planète, nous pouvons, populations du Nord, en modifiant nos comportements, faire évoluer l’état actuel du monde et promouvoir des relations plus équitables entre sociétés du Nord et du Sud. L’éducation à la citoyenneté mondiale, le commerce équitable, le tourisme solidaire, les finances éthiques… sont autant d’implications que nous souhaitons encourager et mettre en cohérence pour plus de pertinence et d’efficacité.»

Des photos de petits Africains dans la misère à la multiplication des phrases faisant référence aux échanges Nord-Sud, tout sur le site Internet de l’ABCIS incite le jeune épris d’action caritative et de solidarité à se tourner vers l’hémisphère Sud, et plus particulièrement vers l’Afrique. Une sorte de guidage même pas subliminal.
La partie « Solidaires Ici » invite également à  « aller à la rencontre des populations issues des migrations » puis s’interroge : «  Et si l’intégration des migrants passait d’abord par une évolution du regard porté sur leur rôle dans le pays d’accueil ? Au-delà de leur poids économique ou démographique, les opportunités d’échanges, de découvertes, de métissage culturel qu’ils offrent doivent être valorisées.  Exprimer sa solidarité avec les migrants, c’est aussi respecter leur choix et leurs droits. C’est prendre conscience qu’en matière de solidarité internationale, nous avons tout à gagner (légitimité, efficacité…) à les intégrer dans la conception et la gestion de programme de développement.»
Un discours que ne renieraient pas les troupes de Jean-Luc Mélenchon mais qui n’a visiblement pas suscité de désapprobation de la part de l’Union de la droite et du centre au conseil régional de Bretagne, ni dans les conseils départementaux. Une droite il est vrai bien silencieuse concernant les attributions de subventions en général et l’aide aux migrants en particulier.

L’hémisphère Sud, clé pour obtenir une subvention.

Les attributions de subventions aux associations sont d’ailleurs soumises à des critères précis : pour un « jeune », on ne lui propose que de partir dans un pays du Sud. Idem pour les lycées ou établissements de formations professionnelle.
Pour les associations ou collectivités, de nombreuses aides, de l’Etat, de la Région, des conseils généraux, de l’Europe, sont proposées :

Pour avoir l’aide de la région Bretagne, un soutien pourra être accordé notamment si le projet met en valeur la promotion sociale et civique des femmes et le dialogue interculturel. La région explique que « les projets associant plusieurs acteurs, en Bretagne (associations, collectivités) et au Sud seront encouragés.». Des pays comme l’Ukraine ou la Mongolie, par exemple, sont donc exclus.

Pour avoir l’aide des conseils généraux, celui des Côtes d’Armor ne stipule pas nécessairement l’hémisphère Sud, mais demande à ce que le projet soit appuyé par une autre collectivité territoriale, en l’occurrence le conseil régional, ce qui revient au même. Celui du Morbihan précise trois domaines prioritaires : le développement économique, les questions sanitaires (santé et eau), la francophonie et la culture. Le Finistère est plus explicite puisqu’il stipule que le projet doit  être un « projet de développement dans les pays du Sud (éducation, formation de formateurs, développement social et économique ou aide à des investissements dans les secteurs de l’eau, l’assainissement et la santé)». L’Ille-et-Vilaine informe qu’une attention particulière sera portée aux projets « se déroulant dans les pays avec lesquels le Département entretient une coopération décentralisée : Mali, Madagascar et Inde ».

De quoi décourager ceux qui souhaiteraient lancer une association d’aide aux enfants d’Ukraine victimes de la guerre, aux enfants de Russie victimes des ravages de la drogue et de l’alcoolisme ou aux Grecs, touchés de plein fouet par la crise économique.

Dans l’impossibilité de bâtir ici une société du plein emploi, prospère économiquement , dans l’incapacité d’assurer la sécurité de tous, les collectivités – et notamment celles dirigées par « la gauche progressiste » appuyées indirectement par une droite tétanisée et honteuse – misent aussi sur la « solidarité Internationale » pour faire oublier ce qu’il se passe ici, en Bretagne.

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Une réponse à “Bretagne (B4). Une solidarité internationale très orientée et organisée.”

  1. Jacques dit :

    comme toujours , un grand cœur avec l’argent des autres .
    je ne m’inquiètes pas , tout à une FIN

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