13/04/2015 – 08H00 Brest (Breizh-info.com) – Si la justice sait parfois être très rapide, elle peut aussi être très lente, même quand il y a un enjeu de santé publique. C’est ce que révèle Le Canard Enchaîné en date du 8 avril. Une enquête visant le producteur de tomates Savéol depuis 2012 est encalminée dans la rade de Brest, sans grand espoir d’aboutir.
Les faits sont pourtant troublants. Le 19 avril 2013, Stéphane le Foll, ministre de l’Agriculture, visitait le géant breton du maraîchage Savéol, à Plougastel et y vantait la tomate sous serre digne d’être labellisée agro-écologique. Bien que, comme le remarque les écologistes, la tomate sous serre représente dix fois plus d’équivalent pétrole que la tomate en plein champ soit 946 contre 95 kgs d’équivalent pétrole pour 1 tonne de tomates. Un mois plus tard, une enquête préliminaire était déclenchée par le parquet de Brest contre Savéol.
Les tonnes d’équivalent pétrole grillées n’y sont pour rien. La cause de l’enquête est liée à l’utilisation de pesticides jusqu’alors interdits en France. Tout commence non dans le Finistère, mais par la visite du service régional de l’alimentation de Bretagne chez un producteur adhérent de la coopérative Savéol. Les enquêteurs découvrent que le maraîcher utilise un insecticide interdit en France à l’époque, l’Oberon – il a obtenu depuis, un juin 2013, une autorisation provisoire de mise sur le marché – et un acaricide, le Movento, toujours interdit pour la tomate à ce jour. En remontant la filière les enquêteurs font avouer à des responsables de Savéol qu’ils ont conseillé ces pesticides à leurs adhérents, qui les achetaient à un distributeur de Hollande.
Il est vrai que les deux produits sont loin d’être anodins. L’Oberon, à base de spiromésifène, est « toxique pour les oiseaux, le poisson et les organismes aquatiques« , selon un rapport du gouvernement de Californie, qui préconise d’éviter de le pulvériser près des cours d’eaux et des mares. Il existe aussi un avis de l’Agence sanitaire de sécurité sanitaire de l’environnement (ANSES), daté d’avril 2014, qui est favorable, estimant « négligeable » le risque pour les humains, sans avoir fait d’études à ce sujet, mais notant (page 10) le « danger aigu » que représente le pesticide pour les milieux aquatiques et note que le produit, « très toxique pour les organismes aquatiques » peut « entraîner des effets à long terme ».
Le Movento, interdit en France, est aussi assez dangereux.. Selon la notice du site québecois Agri-Réseau le Movento est « toxique pour les organismes aquatiques (…), toxique pour les abeilles (…), toxique pour certains insectes utiles (…) toxique pour les plantes terrestres non ciblées« . L’agri-réseau préconise de ne pas l’appliquer en période de floraison, près des haies, les terrains boisés, près des plans d’eaux et lorsque de fortes pluies sont prévues. Un autre site québecois incluant une base de données sur les pesticides estime sa toxicité aigüe pour les mammifères incluant l’homme. L’ANSES l’a autorisé sur le marché français, pour les pommiers, pruniers, cognassiers, poiriers, pêchers, abricotiers, laitues, scaroles, chicorées… mais pas les tomates ! Cependant l’avis de l’ANSES note que le produit est « toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme » et surtout un « risque possible d’altération de la fertilité » et un « risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfants« .
Le parquet de Brest a alors saisi l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. Mais deux ans plus tard, alors que l’enquête est bouclée et le dossier ficelé, rien n’a bougé, et surtout pas la Justice ni l’Office – national – en question, qui dispose tout de même de 70 agents même si ses fonctions englobent aussi la lutte contre le dopage. L’enquête pourrait même être classée, croit savoir le journal satyrique. Apparemment, la Justice est plus sensible aux plaintes des ligues de vertu qu’à la sécurité alimentaire des consommateurs…
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