Jean-Joël Brégeon, historien et écrivain à la vaste bibliographie, est pour le moins familier de la vie du Connétable de Bourbon, s’étant déjà attelé à la rédaction d’une biographie (Le Connétable de Bourbon, paru en 2000 chez Perrin). Il aurait pu se contenter d’ouvrages historiques denses et précis. C’eut été une peine pour les amateurs du genre – peut-être moins glorieux mais populaire ! – qu’est le « roman historique ».
Car Jean-Joël Brégeon immerge avec brio un lecteur moins averti dans la vie de Charles III de Montpensier, duc de Bourbon et connétable de France. Seule concession à l’exactitude historique, l’auteur prête la parole à un secrétaire fictif du Connétable, pour mieux cerner la vie mouvementée de ce grand féodal, tour à tour admiré et décrié.
Né en 1490, éduqué dans l’esprit chevaleresque et dans la connaissance des auteurs antiques, le jeune duc de Bourbon se révèle rapidement homme de guerre habile et rigoureux. Ayant démontré ses capacités sur les champs de bataille d’Italie, Louis XII le nomme connétable de France peu avant sa mort. Honoré de cette charge prestigieuse, Charles de Bourbon s’efforce de discipliner l’ost royal, et d’adapter l’art militaire, révolutionné par l’utilisation de plus en plus répandue des armes à feu.
Si le jeune François d’Angoulême, roi de France depuis 1515, semble d’abord ne pas prendre ombrage de la richesse et de la gloire militaire de son connétable, les manigances de sa mère Louise de Savoie finissent par exciter sa jalousie. Dès lors, la disgrâce du Connétable est assurée. Après une parodie de procès, ses immenses domaines sont confisqués par la couronne de France. Charles III de Montpensier en est réduit à préparer sa fuite et à rallier le service de l’empereur Charles Quint. Cette trahison historique est pour lui le seul espoir de se faire un jour justice et de recouvrer ses biens.
Jean-Joël Brégeon nous entraîne dans une traversée épique du royaume de France, en vue d’un ralliement non moins téméraire à l’empereur Charles. Le Connétable entame alors la rude vie d’un chef de guerre alternant succès – comme la capture du roi François Ier à Pavie en 1525 –, et revers de fortune. L’auteur retranscrit brillamment l’agitation de la vie des camps et des batailles : les derniers chevaliers d’un temps révolu – le seigneur de Bayard y périra – côtoient des condottieri italiens que la cruauté n’effraie pas, et des lansquenets, partisans de Martin Luther et dévoués corps et âme à leur colosse de chef, Georg von Frundsberg.
Une vie si intense ne pouvait s’achever que dans la violence. Ce sera celle du sac de Rome, décidé par le Connétable alors poussé dans ses derniers retranchements. Il y perdra la vie le 6 mai 1527.
Le secret du Connétable, Jean-Joël Brégeon, éditions du Rocher, 156 pages, 2015
ALG
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