A Quimper, en 1950, la crise du logement sévit. De nombreuses familles vivent dans la promiscuité et l’insalubrité et ont du mal à payer leurs loyers. Pour vivre dans des conditions décentes, des bretons mal logés vont prendre leur destin en main. Ils vont s’associer avec d’autres voisins afin de construire des maisons pour chacune des familles de leur communauté. Malgré leurs différences politiques, religieuses ou syndicales, ces bretons rêvent tous de devenir propriétaire. Créée par des adhérents des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes, une association offre ainsi un espoir exaltant dans cette « Cité des abeilles ».
Pendant quatre ans, au travail hebdomadaire de chacun (parfois 54 heures par semaine) succède celui du chantier pour construire ces maisons (8 heures par semaine). Les « castors » y consacrent leurs soirées, dimanches, congés et jours fériés. Au chantier, il faut parfois gérer les inévitables moqueries qui viennent de l’extérieur et les quelques tensions entre travailleurs, certains estimant qu’ils travaillent plus que d’autres. Mais la solidarité permettra de tenir bon. Ainsi, il n’est pas question d’emménager tant que toutes les maisons ne sont pas achevées.
Alors que la Cité des Abeilles, à Quimper, vient de fêter ses 60 ans, cet album retrace l’épopée de ces jeunes couples bretons.
Marion Boé, née à Quimper, dont les grands-parents eux-mêmes ont vécu cette aventure, a réalisé en 2008 un documentaire sur la cité. Elle crée aujourd’hui, avec Delphine Le Lay, une bande dessinée à ce sujet. Ces deux scénaristes mettent bien en évidence les espérances de ces bretons, de leurs joies, de leurs douleurs, de leurs inquiétudes ainsi que des sacrifices qu’ils ont dû concéder. Mettant en scène des familles fictives créées à partir d’histoires racontées par des familles réelles, la lecture est souvent poignante.
Le dessin en noir et blanc d’Alexis Horellou, sur près de 140 planches, se prête parfaitement à cette aventure humaine. Son trait fin très aéré parvient à provoquer l’émotion du lecteur.
Alexis Horellou et Delphine Le Lay avaient en 2013 réalisé la bande dessinée Plogoff, aux éditions Delcourt. Celle-ci racontait le projet de construction d’une centrale nucléaire sur la pointe du Finistère, à la fin des années 1970. Dans 100 maisons, La cité des abeilles, leur nouvelle œuvre commune, les personnages principaux sont davantage travaillés.
A une époque où domine l’individualisme libéral, cette bande dessinée donne un exemple d’entraide collective. Pour les temps à venir qui s’annoncent difficiles, cet exemple est à méditer…
100 maisons, La cité des abeilles, 144 pages, 15,50 euros, Editions Delcourt.
Kristol Séhec.
