27/03/2015 – 17h00 France (Breizh-info.com) ‑ Retour au franc, dirigisme économique, sortie de l’Europe, voire collectivisation, à en croire un certain journal politico-satyrique, les clichés ne manquent pas sur le programme économique défendu par le Front National. Alors qu’il va étendre son implantation locale dimanche dans nombre de cantons français, voire dans une ou plusieurs régions à la fin de l’année, nous avons voulu savoir exactement ce qu’il en est. Pour cela, nous donnons la parole à son principal auteur, l’ eurodéputé de la circonscription centre, Bernard Monot, .
Le FN part d’un constat qu’il partage avec d’autres partis. La France est endettée et à terme cette situation est intenable. « L’évolution de la dette et de la situation financière de la France confirme nos sombres pronostics », confie l’eurodéputé, tableau à l’appui. « La croissance à zéro, nous l’avons prévue, on y est. La crise de longue durée, nous l’avons prévue, on y est », assène-t-il. Il estime que « la croissance de la dette continuera, indépendamment des promesses UMPS ». Sur son tableau, il prévoie des abysses financières pour 2025 avec…3120 milliards d’euros de dette si elle continue de croître au rythme actuel. « Et ça peut être pire. D’abord la France profite de taux bas, mais quand la BCE aura fini de faire marcher la planche à billets [quantitative easing] ils remonteront. Ensuite la dette croît de façon exponentielle. Les taux bas ne font que nous entraîner dans le piège de la dette. »
La quadrature du cercle : sortir de la dette en préservant le modèle social français
Pourtant, pour désendetter le pays, Bernard Monot ne croit pas que l’austérité soit la solution. Il donne pour exemple la Grèce. Alors que les mesures européennes ont plongé une partie de celle-ci (et dans une moindre mesure, de l’Espagne) dans la misère, rien n’est résolu. Ce pays, pourtant renfloué par l’Union Européenne, pourrait faire défaut à nouveau au printemps. « Notre régime social, nos prestations pour la famille ou le chômage ont fait de la France une grande nation où il fait bon vivre, et ce ‘est pas une bonne solution que d’adopter le modèle libéral de l’austérité, c’est à dire d’inféoder le pays aux financiers ».
L’accroissement sans fin de la dette met aussi en cause une notion chère au FN : la souveraineté. Un pays endetté est dans les mains de ses créanciers. C’est d’ailleurs pour cela que les premiers efforts du président Poutine, après avoir réglé la question des diverses tentatives séparatistes, furent de relancer la croissance et de rembourser peu à peu la dette extérieure de la Russie. Ainsi, elle a pu retrouver sa pleine indépendance sur les questions diplomatiques et géopolitiques. Bernard Monot craint que « si la France laisse filer la dette, l’on ne finisse réduit en esclavage pour dette ». La forme moderne est moins brutale que l’antique, mais le résultat est le même. Nos soldats iront mourir dans des guerres sans fin que nos créanciers ne veulent plus assurer seuls surtout s’ils ont contribué à les démarrer (contre l’EI par exemple). Ils finiront par absorber ce qui reste de l’économie nationale.
Reprendre en main la monnaie : un nouveau franc pour pouvoir dévaluer
Pour le parti à la flamme, la sortie de la dette ne peut se faire qu’en maîtrisant l’ensemble des instruments financiers, « qui pour l’instant ne sont pas contrôlés par Paris mais par l’UE. Notre souveraineté budgétaire et financière nous échappe de plus en plus », constate Bernard Monot. Il s’appuie sur la contestation par l’Europe de certaines mesures fiscales en France ou encore sur l’humiliant exercice qui consiste pour Bercy à plier sous les exigences européennes de réduction des dépenses publiques sous peine de voir le budget du pays recalé.
« Il faut reprendre la main », explique Bernard Monot, « ce qui veut dire récupérer le contrôle sur nos instances financières, donc sortir de l’euro et créer notre monnaie ». Se disant « absolument » pour le retour du franc, il s’empresse de nuancer : « dans l’esprit des gens, et notamment des journalistes, il s’agit d’un retour en arrière. Nous on veut créer un nouveau franc français, qui soit égal à l’euro ». Du moins au départ. En effet, l’économiste estime « que le but, c’est de pouvoir dévaluer la monnaie selon les fluctuations financières. Cela permettra de recourir à des dévaluations compétitives. Si elles encouragent l’export, elles présentent aussi un désavantage, créer de l’inflation ». Pour Bernard Monot, « le problème, c’est qu’en ayant cette phobie furieuse de l’inflation, l’Europe nous a condamnés au chômage. L’emploi ne doit pas être l’éternelle variable d’ajustement ». Le franc dévalué pourrait être une bonne nouvelle pour les entreprises, la zone franc sera ainsi plus compétitive que l’euro, à condition que son cours reste à peu près stable. »
Pour ce qui est des dévaluations, l’eurodéputé estime que « la plus grande partie du chemin est faite : depuis un an, l’euro a perdu 15% face au dollar, et l’UE ne s’est pas effondrée pour autant, l’épargne des français n’a pas perdu 10, 20, 30 ou 40% ». C’est même une très bonne nouvelle pour le budget. Cela devrait favoriser la relance de l’atone croissance française si la baisse persiste. Mais rien n’est certain tant le système financier américain est plein de fragilités structurelles. L’eurodéputé frontiste estime qu’il « faudra dévaluer encore de 5%, peut-être un peu plus ». Sortir de l’euro permettra aussi aux français « d’échapper à tous ces plans de responsabilité de 50 milliards d’euros, qui sont en fait la facture de sauvetage de l’euro monnaie unique, et à terme la fin de notre modèle social ». Bernard Monot prévoit que « ce système est en bout de course, et finalement l’euro finira par se crasher et on retournera aux monnaies nationales, mais ce sera bien plus douloureux si on refuse de l’anticiper ».
Revenir sur la loi de 1973 et Maastricht : le FN réhabilite le financement public du budget.
Autre mutation d’importance, défendue par Bernard Monot : recréer une Banque de France pour financer le budget national. « On va faire marcher la planche à billets, on assume« , explique Bernard Monot, qui en profite pour tacler l’UE : « quand la BCE le fait avec des montants doubles de ce qu’on peut faire en France, et ce uniquement pour relancer les marchés financiers, c’est une solution, mais s’il s’agit de le faire en France pour les intérêts de l’économie réelle, de la transition énergétique, de l’industrie, de l’agriculture et donc du peuple, là ça ne marche plus? » La monétisation se fera à hauteur de 100 milliards d’euros par an, selon le programme FN.
D’un point de vue législatif, cela signifie revenir sur la loi de 1973 et surtout sur les critères de Maastricht de 1993. C’ est de nature à nous fâcher durablement avec Bruxelles… ou d’obtenir pour la France un statut particulier comparable à celui du Royaume-Uni. Après quoi le schéma est simple : la Banque de France nouvelle formule – autonome, comme entre 1945 et 1972 – empruntera sur les marchés financiers… à des taux qui seront sans doute nettement moins favorables pour la France qu’aujourd’hui. Elle prêtera ensuite à l’Etat à taux zéro. « Cela évite de faire augmenter la boule de neige des intérêts : trois quarts de notre dette, ce sont des intérêts. Il faut arrêter l’engrenage et commencer à rembourser le capital de la dette, ce qui n’a jamais été fait depuis 40 ans », alerte Bernard Monot.
Des frontières pour retrouver le plein emploi
Troisième arme pour redresser le pays : reprendre le contrôle des frontières et les rétablir. Légalement, cela signifie la sortie au moins de Schengen. « Le jour où vous fermez les frontières, nos comptes sociaux pourront enfin revenir à l’équilibre », prédit Bernard Monot. Dans son programme économique, le FN prévoit de faire 70 milliards d’euros d’économies par année, sans donner de détails. L’assainissement des comptes sociaux est une des principales pistes.
Aux commerçants et aux entrepreneurs écrasés par les charges, qui redonnent jusqu’à trois quarts de ce qu’ils gagnent aux différents services de l’Etat… ce qui engendre un mouvement de moins en moins anecdotique d’entreprises qui quittent le RSI, le FN répond que « le rétablissement des instruments pour peser sur l’économie et assurer le plein emploi rendra la prospérité et permettra de baisser les charges sociales. »
Se risquant à la métaphore, Bernard Monot souhaite « rouvrir la source, pour que le fleuve de l’économie puisse couler jusqu’à son estuaire. Aujourd’hui, 200 milliards d’euros quittent le territoire national chaque année pour aller sur les marchés financiers. Ce que nous voulons, c’est que cette richesse bénéficie au peuple. C’est ce qui a fait que la France a été une grande nation pendant les 30 Glorieuses ».
« Le FN, des socialistes comme les autres? » : Bernard Monot répond à la critique libérale
Il est de bon ton chez les » libéraux » d’affirmer que le FN a un programme socialiste. Certains blogs, comme celui de Hashtable, le martèlent depuis bientôt quatre ans. Pour bien des libéraux, les partis politiques n’offrent pas le choix du programme économique. En fait, le PS fait logiquement un programme socialiste, l’UMP aussi car elle est d’accord avec le PS, l’UDI idem, les verts, les rouges, pareil, et le FN pour changer ferait un programme socialiste! La différence c’est que le FN tient au patriotisme économique et au rôle moteur de l’Etat.
L’économiste du FN Bernard Monot s’inscrit en faux contre cette analyse : « le modèle économique pratiqué par le PS et l’UMP est ultra-libéral et mondialiste. En 1992 Miterrand nous avait promis avec Maastricht le plein emploi et la prospérité. Vingt-trois ans plus tard le chômage a triplé, la croissance est à zéro, le pays s’est désindustrialisé, le pouvoir d’achat ne cesse de reculer et la fiscalité a explosé. » Un échec cinglant qu’il attribue à ce modèle ultra-libéral : « je les vois voter au parlement européen, le PS, l’UMP, les Verts, l’UDI etc. tous main dans la main pour les mêmes solutions libérales et mondialistes : soit on continue dans l’échec, en écoutant tous ces gens, comme Attali, qui ont participé à mettre ce modèle en place, et condamnent aujourd’hui les effets des causes qu’ils adorent, soit il est temps d’essayer autre chose. »
Sur le territoire national, explique l’eurodéputé, « nous sommes de vrais libéraux. Nous sommes pour l’économie de marché, aux antipodes du socialisme et du communisme, nous sommes pour la libre entreprise, et l’Etat stratège est là pour défendre les intérêts des français et des entreprises françaises pour être compétitifs dans le monde. Mais pour cela nous avons besoin de notre patriotisme et de notre protectionnisme économique… comme les cinq grandes puissances devant nous », la France étant désormais la 6e économie du monde. « Libéraux » sur le territoire national, peut-être, « mais les 37 professions réglementées en France, nous allons les maintenir et les soutenir », affirme Bernard Monot. Professions qui sont en ligne de mire de la critique libérale puisque leur existence et leur encadrement par l’Etat contreviennent à la sacro-sainte liberté du marché qu’ils défendent.
« Là, avec l’UE, on nous conditionne à une fuite en avant. Ces gens qui ont mis en place les conditions de notre échec nous disent qu’on n’en fait pas assez, c’est pour ça que ça ne marche pas. C’est comme le communisme, il n’y en avait jamais assez, donc ça ne marchait pas », estime l’europarlementaire qui trouve que « toutes ces privatisations, ce n’est pas une solution. L’Etat se casse la gueule et ce sont les citoyens qui paient la facture. Nous, on maintiendra le périmètre de l’Etat », affirme Bernard Monot, qui prévient que « les ultralibéraux se sont trouvés un ennemi en la personne du fonctionnaire, coupable de tout. Mais s’il n’était pas là, comment tournerait la France? ».
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3 réponses à “Quel est réellement le programme économique du FN ?”
je signe où !??? Vive le FN
@hugoengel4 http://t.co/MLhy6i4Kv6
bravo ! quand je lis ça, j’ai l’impression d’écouter dédé au café du coin….de « l »économie de comptoir » qu’y disait l’dédé