Sanctions : la Russie à la croisée des chemins

24/03/2015 – 08H00 Moscou (Breizh-info.com) –  L’Union Européenne se prépare – sous l’influence des Etats-Unis, de la Pologne et des Etats Baltes – à maintenir les sanctions contre la Russie jusqu’à mi-septembre. Celle-ci est pourtant en train d’ouvrir des possibilités d’assouplissement soit aux Etats qui se montreront loyaux, soit à ceux qui investiront dans son processus de ré-industrialisation en cours. Des idées qui pourraient avoir des chances de prospérer, tant les pays européens sont divisés sur l’utilité de ces sanctions. En effet, leur impact paraît  limité sur la politique russe, alors que les conséquences à l’encontre de l’industrie, de l’emploi et de l’agriculture sont immédiates et réelles.

Les services sanitaires russes commenceront à vérifier la production des exportateurs agro-industriels de Grèce, de Hongrie et de Chypre, annonce la chaîne de télévision russe NTV. Ainsi, des fromages, du poisson et des produits laitiers issus de ces trois pays pourraient revenir sur le marché russe, peut-être dès cet automne. Ces pays ont deux points communs : ils sont en UE… mais ils étaient et sont restés des alliés de la Russie. Ils comptent parmi les plus actifs des pays qui refusent la prolongation des sanctions envers la Russie lesquelles avaient entraîné l’embargo russe sur toute leur production agricole.

Cette vérification sanitaire générale a finalement prévalu sur la possibilité évoquée début mars d’autoriser l’entrée en Russie de matières premières (par exemple des fruits et légumes ou des céréales) de certains pays. La condition préalable était que ceux-ci investissent pour créer sur place des capacités de traitement et de transformation en produits finis. Ce n’est pas exclu que cela revienne sur le tapis à l’automne. Seuls les pays, qui capacité créeraient des emplois en Russie pourraient à nouveau rentrer sur le marché russe.

Le coin est enfoncé dans la bûche, la fissure ne devrait que grandir. Le 19 mars, une autre chaîne TV russe, Vesti, annonçait que 7 pays européens mènent la fronde contre la prolongation des sanctions envers la Russie. Il s’agit de l’Italie, de la Grèce, de Chypre, de l’Espagne, de l’Autriche, de la Hongrie et de la Slovaquie. De son côté les services sanitaires russes précisent que la France, l’Allemagne et même la Pologne ont demandé à être vérifiés par les services sanitaires russes. C’est un paradoxe pour la Pologne dont le gouvernement est le plus anti-russe de l’UE, mais dont la moitié des exportations agro-industrielles se faisaient avant la crise vers la Russie.

Comme on dit aujourd’hui en Ukraine, « le froid vaincra la télévision« . C’est à dire que l’inconfort – dans le cas ukrainien, le froid puisqu’il n’y a ni gaz ni charbon dans le pays, dans le cas européen, la perte d’emplois et de richesses due à la fermeture du marché russe – finirait par être plus fort que le conflit politique entre la Russie et l’Union Européenne.C’est ce processus que décrit le magazine le Point qui met face à face deux camps : les pays Baltes, la Pologne et l’Angleterre, « faucons » anti-russes, et l’Espagne, l’Italie, Chypre et la Grèce, qui font le forcing pour reprendre des relations économiques normales avec la Russie. Avec au milieu l’Allemagne en juge de paix. Mais la réalité est sans doute plus compliquée. Ainsi, les gouvernements des pays Baltes mènent de facto une politique contraire à leurs économies, très dépendantes du voisin russe. De même,  3500 entreprises allemandes investissent sur le marché russe. Aussi, le patronat allemand redouble de pressions pour arrêter la machine infernale des sanctions.

Sanctions qui peuvent être aggravées tant par les occidentaux, que  par les russes. Ceux-ci menacent d’interdire l’entrée en Russie de près de 200 hauts fonctionnaires et responsables politiques occidentaux, écrit le média kazakh Tengri News, citant le journal russe Izvestia. Près de 60 de ces sanctionnés sont d’origine américaine. Une quinzaine d’autres sont des leaders politiques canadiens. Leur  pays – qui a transmis de l’aide militaire non létale à l’Ukraine – a mené aussi une politique très dure à l’égard de la Russie ces dernières années.
Les producteurs russes contre la levée des sanctions.
Mais plus le temps passe, moins il reste d’espoir pour les producteurs européens de rétablir le statu quo d’avant la crise des relations avec la Russie, même si toutes les sanctions occidentales seraient levées. Car ces sanctions, et donc l’embargo russe à l’encontre de toutes les productions agro-industrielles occidentales (ou quasi) arrangent beaucoup… les producteurs russes.
Elles ont conduit en Russie à des pénuries et à des augmentations des prix à la consommation. Donc elles ont permis aux producteurs russes d’éliminer  des concurrents et de obtenir le cash qui leur manquait pour se moderniser et agrandir leurs capacités de production. Si bien qu’en 2014 la production de fromages a augmenté de 15% et de 35% pour le seul mois de janvier 2015. Près de 60% de la viande qui jadis était importée est maintenant couverte par la production russe. Les productions de lait, d’oeufs ou encore de poisson suivent la même courbe ascendante.En plus, même si la Russie a trouvé de nouveaux fournisseurs étrangers , la part de la production russe continue de grandir. Elle bénéficie d’un soutien politique et médiatique très important, ainsi que d’une image nettement meilleure chez les consommateurs. Ceci concorde avec la vague de patriotisme  des russes ces dernières années.

C’est pourquoi l’assouplissement des sanctions n’arrange pas du tout les producteurs russes. L’association de producteurs de produits de consommation RusProdSojuz estime ainsi que « lorsqu’on décide, il faut prévoir. Alors que de nombreuses entreprises ont investi pour produire ce qui est interdit d’entrée par l’embargo, lever les sanctions aurait des conséquences très fortes pour les producteurs russes. Surtout lorsque dans les pays occidentaux l’aide étatique à la production est plus forte, ce qui rend leurs produits moins chers« .
L’agrobusiness russe s’inquiète pour ses investissements, mais craint aussi que, même si l’on oblige les européens à transformer la matière brute qu’ils feront entrer en Russie, ils se limiteront au packaging. Ce que fait déjà la Biélorussie, à travers laquelle de nombreux pays déjouent, ou tentent de déjouer, l’embargo russe. Les pommes polonaises sont interdites d’entrée… mais pas les pommes biélorusses. Ni la compote biélorusse à base de pommes polonaises. En attendant l’assouplissement possible ou non des sanctions, les objectifs de développement de l’agrobusiness russe pour 2020 sont décoiffants : l’importation des légumes baissera de 70% par rapport à 2014, de deux tiers pour la viande, d’un tiers pour le lait. Plus rien ne sera comme avant.
Crédit photo : DR
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