22/03/2015 – 08h00 Hennebont (Breizh-info.com) ‑ Philippe Noguès est député (PS) de la 6ème circonscription du Morbihan. Ancien délégué syndical CFDT, il fait partie de ces «frondeurs» qui ont défié – timidement – le gouvernement sur la loi Macron avant que celle-ci ne soit passée en force par l’exécutif. Homme de gauche revendiqué, député actif et impliqué dans sa circonscription et sur les bancs de l’Assemblée nationale, nous l’avons interrogé, sur la « fronde » mais aussi sur des sujets d’actualités, régionaux et nationaux.
Breizh-info.com : Que vous a dit François Hollande, vous le frondeur breton, lors de l’entretien ?
Philippe Noguès : J’ai été reçu avec une dizaine d’autres députés du collectif » Vive la gauche « . Sans surprise, nous lui avons fait part de notre profond désaccord sur la politique économique et sociale menée par le gouvernement. J’ai pour ma part insisté sur le fait que le principal reproche adressé par les électeurs de gauche à la majorité et au président de la République, au-delà même de l’inefficacité des mesures engagées, c’était surtout de n’avoir jamais ne serait-ce qu’essayer de mettre en place la politique pour laquelle nous avions été élus. J’ai notamment évoqué une grande réforme fiscale, une vraie réforme bancaire, la relance des investissements à travers la transition énergétique, sans oublier la réorientation de l’Europe.
François Hollande a répondu de façon globale en exprimant son optimisme à propos notamment d’un contexte mondial plus favorable et a redit ses espoirs que les réformes engagées donnent rapidement leurs premiers résultats. Les doutes et les désaccords restent donc profonds.
Breizh-info.com : Pourquoi ne pas avoir été jusqu’au bout de cette fronde ? Que répondez-vous à ceux qui s’interrogent sur les reniements du Président par rapport à certaines de ses promesses de campagnes ? La politique n’est-t-elle pas décrédibilisée de ce fait ?
Philippe Noguès : Que peut vouloir dire « aller au bout de cette fronde « ? S’il s’agit d’aller vers une dissolution du Parlement et de permettre ainsi le retour de la droite au pouvoir, je considère que cela ne ferait qu’aggraver la situation du pays. Je ne suis pas partisan de la politique du pire ! Et, vu les propositions de l’opposition, qui évoque notamment une multiplication par trois des efforts demandés aux Français, c’est bien de cela dont il s’agit. J’évaluerai le contexte dans les semaines à venir et j’adapterai ma position en fonction de celui-ci. Je suis un homme de gauche, déçu moi aussi par les renonciations et le non-respect des engagements de 2012. Mes positions sont aujourd’hui bien connues, je ne m’en cache absolument pas. Et même si cela me vaut parfois un certain nombre d’incompréhensions, voire d’inimitiés auprès des plus proches de François Hollande, j’estime ainsi remplir mes attributions de député de la nation en défendant mes convictions et le programme sur lequel j’ai été élu.
Breizh-info.com : Les élections départementales en Bretagne et en France s’annoncent comme une défaite historique pour le PS . le Parti Socialiste comprend-il toujours les aspirations du peuple ?
Philippe Noguès : Les élections intermédiaires sont toujours délicates pour les partis au gouvernement. Celles-ci n’échapperont vraisemblablement pas à ce constat. Elles seront naturellement difficiles pour le PS et les raisons évoquées plus haut y contribueront malheureusement. Mais le PS n’est pas le seul parti dans cette situation. Le record d’abstention qui s’annonce, montre bien que c’est toute la classe politique qui est mise en cause. C’est ma principale inquiétude. Personne ne peut se réjouir de ce fossé entre les politiques et les citoyens.
Breizh-info.com : Manuel Valls mène actuellement une campagne très agressive contre le Front national. Le soutenez-vous dans sa démarche ? N’est-ce-pas monter les Français les uns comme les autres finalement ?
Philippe Noguès : Rejeter la politique proposée par le FN et la famille Le Pen parce qu’on la considère comme populiste, démagogique, inefficace et au final inapplicable, et le dire clairement, ce n’est pas « monter les Français les uns contre les autres ». C’est simplement vouloir les mettre en garde contre la tentation du pire, qui ne ferait qu’aggraver la situation et déstabiliser encore un peu plus notre pays. Mais la mise en garde ne suffit pas, il faut convaincre les citoyens, c’est la base de la démocratie. Et c’est aussi un combat !
Breizh-info.com : Après les départementales se profilent déjà les régionales de décembre. On parle d’un match entre Le Drian et Le Fur. Quelle sera la ligne défendue par le Parti socialiste ?
Philippe Noguès : Une élection après l’autre ! Quelle sera la situation en décembre ? Bien malin qui, aujourd’hui, pourrait affirmer que les régionales se réduiront à un duel entre tel ou tel candidat. J’espère simplement que le niveau de la campagne sera à la hauteur de l’importance de l’échelon régional dans les années futures.
Breizh-info.com : N’y a t-il pas au sein de la gauche, et au delà des problèmes de chômage, une forme d’angélisme vis à vis notamment des questions de sécurité et d’immigration, qui préoccupent tant les Français ? Pensez-vous que la France (et la Bretagne) doivent encore accueillir des immigrés vu le contexte économique et social actuel ?
Philippe Noguès : Permettez-moi de vous dire que je trouve votre question pour le moins orientée ! Un angélisme sur les questions de sécurité et d’immigration ? Je ne me sens pas concerné. Je crois entendre des critiques des années 70 ! Franchement, celui qui affirmerait cela n’aurait pas suivi l’actualité de ces derniers mois.
Sur les problèmes de sécurité, la gauche a depuis longtemps pris ses responsabilités. Et il faut continuer car ce sont souvent nos concitoyens les plus démunis qui en souffrent le plus.
Sur l’immigration, sortons des postures politiciennes. Prenons l’exemple du nombre de demandes d’asile. La France est loin d’être en tête en Europe. Au premier trimestre 2014, les demandeurs d’asile ont représenté 220 personnes pour 1 million d’habitants, très loin de la Suède (1 205 demandeurs d’asile par million d’habitants) et derrière la Suisse (555) le Luxembourg (430), Malte (425) ou l’Allemagne (400).
Quant à la Bretagne, terre marquée par le christianisme et l’humanisme, le nombre d’immigrés est loin d’y être insurmontable. Alors pourquoi agiter la peur de l’autre ? En ciblant sans le dire certaines origines plutôt que d’autres. Si des Chrétiens d’Orient se présentaient demain, ils seraient bien accueillis, et je m’en réjouirais…Mais la fraternité ne peut être à géométrie variable.
Breizh-info.com : Sur la réunification de la Bretagne là encore, beaucoup d’électeurs du PS et notamment de Jean-Yves le Drian qui s’y était engagé, s’estiment déçus, trahis. Quelle est votre position ?
Philippe Noguès : Le choix du gouvernement de construire de grandes régions à partir de celles existantes a fermé la porte à une Bretagne à 5 départements. Face à cette position, j’avais à l’époque pensé qu’une région Bretagne – Pays de Loire, au sein de laquelle une Assemblée de Bretagne aurait regroupé les 5 départements historiques pour peser sur des problématiques spécifiques, aurait pu être une solution de repli. Malheureusement la majorité a préféré le statu quo actuel. Ce n’était sans doute pas le meilleur choix. C’était malheureusement prévisible dès le départ et je le regrette.
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Une réponse à “Philippe Noguès (PS). «Sur les problèmes de sécurité, la gauche a depuis longtemps pris ses responsabilités ». [interview]”
Enfin un PS fréquentable, c’est rare.