Goethe, Johan Wolfang von Goethe (1749-1832) est aujourd’hui peu lu. En tout cas en France où seul son Faust eut un véritable écho, popularisé par les gravures de Delacroix et l’opéra de Gounod. Mais, pour le reste, on finit par ricaner des Souffrances du jeune Werther (1774) qui tirèrent des larmes au jeune Napoléon Bonaparte et on passa outre Les Affinités électives (1809) qui restent un vrai chef d’œuvre.
Paul Claudel (qui en la matière était expert) le décréta un jour : « Un âne solennel ». Gide l’avait mieux évalué : « Rien ne fausse plus perfidement la figure de Goethe que l’image sereine que l’on s’en fait… Cette sorte de félicité suprême… » et d’ajouter que loin de tenir à distance les passions, « il s’abandonne d’abord à chacune, sachant s’en instruire, et ne cherche à s’en délivrer que lorsqu’elle n’a plus rien à lui apprendre. Son but… c’est la culture non le bonheur. »
Mais c’est André Suarès qui l’a le mieux cerné. Encore un auteur à retrouver. Suarès (1868-1948) avait une double ascendance, juive et bretonne. Il était catholique, du côté de Pascal. Entré tôt dans la vie littéraire, il fut proche de Charles Peguy. Amoureux des cultures européennes, il multiplia les études littéraires de haute qualité. Sa connaissance de l’Italie lui inspira Le Voyage du Condottière. Il se pencha sur les géants du XIXème siècle, Napoléon, Tolstoï, Dostoïevski, Baudelaire… En 1932, il donna un « Goethe, le grand Européen » qui était la bonne réplique au national-socialisme furieusement pangermaniste.
Voilà deux extraits de ce formidable essai :
– D’abord, la mise à l’index des deux universalismes qui ont prétendu faire l’Europe :
« Le communiste est un essai à l’Européen, sous le signe du nombre et de la matière. Il n’est pas plus un Européen que le chrétien des premiers siècles, dans les catacombes. D’ailleurs, c’est le même homme. Les catacombes ne sont plus dans le sous-sol de Rome. Ces termitières de la cité future vont en tunnels de Glasgow à Canton et de Séville à Tokyo. La foi mène les religions et celle de Lénine comme celle de Jésus-Christ. »
– Puis l’Europe souhaitée par Goethe :
« La véritable Europe est un accord et non l’unisson. Goethe tient pour toutes les variétés et toutes les différences : l’esprit qui interprète la nature ne peut pas se donner une autre règle ni un autre jugement. Il n’est d’Europe que dans une harmonie assez riche pour contenir et résoudre les dissonances. Mais l’accord d’un seul son, fût-ce à des octaves en nombre infini, n’a aucun sens harmonique. Pour faire une Europe, il faut une France, une Allemagne, une Angleterre, une Espagne, une Irlande, une Suisse, une Italie et le reste. »
« Dans Goethe, l’Europe est une mère aux fils innombrables ; par la voix du poète, elle les invite à se reconnaître. Goethe leur ouvre les yeux ; qu’ils consentent enfin à prendre conscience les uns des autres ; qu’ils aient honte de se calomnier et de se haïr. Goethe, puissant Allemand, n’entend pas que l’Europe soit allemande, ni que la France ou la Chine le devienne. Pour que l’Europe soit vraiment elle-même, il faut que l’Allemagne soit le plus allemande et la France le plus française que faire se pourra : moins le mal, ici et là, moins le mépris, la violence et la haine. »
Allez donc raconter ça aux eurocrates de Bruxelles. Ils vous riront au nez !
Jean Heurtin
Illustration : Goethe dans la campagne romaine, toile de Johann Heinrich Tischbein, 1787, Städel-Museum Frankfurt a.M.
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Une réponse à “Goethe, le grand Européen”
Lors de ce séjour à Weimar, Goethe est initié dans la loge maçonnique « Amalia » le 23 juin 1780.
Un an après, le 23 juin 1781, il est promu « Compagnon » et il est
élevé à la Maîtrise le 2 mars 1782, en même temps que le duc Charles Auguste qui est pour lui un ami et un protecteur. Le 4 décembre 1782 il atteint le quatrième degré écossais de la « Stricte Observance » et il signe son obligation d’« Illuminé » le 11 février 1783….Quelqu’un en sorte de parfaitement recommandable.