Deux scènes dans une famille ordinaire américaine. Pendant un repas, le père explique à ses deux fils que toute société comprend les moutons qui subissent, les loups qui agressent, les gardiens du troupeau qui protègent. Il les incite à suivre cette dernière voie. A l’occasion d’une journée de chasse, le fils aîné abat un cervidé. Tout à sa joie, il court vers l’animal et laisse tomber son fusil à terre. Son père l’arrête d’un sévère « un homme ne doit jamais abandonner son arme ». Le destin du héros du film, Chris Kyle, interprété par l’excellent Bradley Cooper, est fixé.
American sniper, le dernier film du toujours jeune Clint Eastwood, malgré ses 85 ans, raconte la vie du véritable Chris Kyle. Né en 1974, texan, il essaie de devenir cow-boy de rodéo avant de s’engager dans les Navy Seals, troupe d’élite de l’armée américaine. Exceptionnel tireur, il est affecté comme sniper à la protection des Marines. Alors qu’il vient de se marier et d’avoir un puis deux enfants, il va être envoyé en Irak pour des séjours de 9 mois à quatre reprises de 2003 à 2009.
Comme dans la plupart des films réalisés par Clint Eastwood, American sniper est d’abord une réflexion sur le sens de la vie et la destinée humaine. Chris Kyle va se trouver confronté à la violence et à la dureté de la guerre. En Irak, celle-ci est à la fois une guerre étrangère, une guerre idéologique et une guerre civile. Il n’y a pas de champ de bataille. Tout individu est un ennemi potentiel. Chris Kyle, dans sa mission de sniper, allongé sur un toit terrasse, devra décider s’il doit tirer sur des enfants ou des femmes pour sauver la vie de ses camarades de combat. C’est un premier conflit douloureux entre son devoir de patriote américain et les horreurs de la guerre.
Cela va le rendre de plus en plus coupé de ses proches et de la vie civile lors de ses retours au pays. Il a le sentiment d’abandonner ceux qu’il a mission de protéger. Il est déchiré par la nécessité de choisir entre ce qu’il considère comme son devoir, retourner en Irak, et la perte éventuelle de son confortable bonheur familial et de l’amour de sa femme.
Clint Eastwood ne porte aucun jugement. Il décrit la réalité dans toute sa crudité. American sniper, film remarquable, illustre le sens tragique de la vie.
Louis Cruau
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