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Ukraine. Vers la guerre totale ? Par Michel Lhomme

21/11/2014 – 08h00 Donetsk  (Breizh-info.com via Metamag) –Le président ukrainien Petro Porochenko a déclaré que son pays était «préparé à un scénario de guerre totale», dans un entretien au quotidien allemand Bild. Le président ukrainien a même ajouté : «Je n’ai pas peur d’une guerre avec les troupes russes. (…) Notre armée est actuellement dans un meilleur état qu’il y a encore cinq mois et nous recevons du soutien du monde entier». Pour ce soutien logistique, financier et tactique, on n’en doute pas : on n’a jamais autant travaillé dans les sous-sols de l’Otan.

Kiev dénonce depuis plus d’une semaine l’entrée massive dans l’est de l’Ukraine de chars et de troupes russes, une assertion confirmée par l’Otan mais démentie par Moscou. Des blindés, de toute évidence, (une trentaine avec des séparatistes volontaires pro-russes à la manœuvre mais pas de soldats russes) semblent avoir franchi la frontière. Le conflit entre l’armée gouvernementale et les séparatistes ukrainiens pro-russes a déjà fait plus de 4000 morts depuis la mi-avril. Un cessez-le-feu conclu en septembre par Kiev et les séparatistes est aujourd’hui caduc. Face à l’escalade militaire, l’ONU a dit craindre samedi «le retour à une guerre totale». C’est cette déclaration très opportune puisque faite en marge du G20 de Brisbane que Porochenko a dramatisée dans son entretien avec Bild.

On peut donc supposer que les combats risquent de reprendre et de s’intensifier cette semaine à l’Est de l’Ukraine. La mise en scène est en tout cas parfaite : si des cadavres jonchent les rues des villes du Donbass et en particulier de nouveau de Marioupol, la faute en sera à la Russie. La source du mal se situe forcément au Kremlin et le responsable en serait un nouvel  «Hitler» : Vladimir Poutine. Or, de manière unilatérale et profitant de la présence du Président russe au G20 de Brisbane, le gouvernement ukrainien a décidé samedi de suspendre les services publics à l’Est de l’Ukraine. En prenant cette décision, Porochenko a déclaré de facto la partition de l’Etat ukrainien et pousse délibérément à bout les séparatistes pro-russes tout en contraignant les soldats russes à intervenir pour des raisons humanitaires qu’on qualifiera bien sûr aussitôt de guerrières.

Apprenant la décision de Porochenko quelques heures avant de quitter Brisbane,  très tendu en raison de la crise ukrainienne, le président russe Vladimir Poutine a immédiatement réagi, dimanche 16 novembre, à cette décision annoncée par Kiev de fermer les services publics dans les régions de l’est du pays contrôlées par les séparatistes pro-russes. « J’ai appris dans les médias le blocus économique des régions de Louhansk et de Donetsk. Je pense que c’est une grosse erreur parce qu’ils coupent de leurs propres mains ces régions du reste du pays. Pourquoi ? », s’est interrogé avec sang froid l’homme fort du Kremlin devant les journalistes, lors d’une conférence de presse retransmise par la télévision russe. Le dirigeant russe, qui a quitté l’Australie avant la publication du communiqué final du sommet et sans assister au déjeuner officiel du G20, a fait l’objet d’incessantes critiques de la part de tous ses homologues internationaux.

guerre_ukraine

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Mais revenons à Paris

Le bourrage de crâne occidental sur l’Ukraine aura été tel, depuis le début de la crise  que l’opinion publique française est convaincue maintenant d’avoir derrière la Volga un tyran, un nouveau Taras Boulba ou Yvan Le Terrible qui pourrait fermer le robinet du gaz en Europe. La propagande de l’Otan a été tellement efficace que maintenant l’ennemi est formé dans les têtes. L’Europe peut donc entrer en guerre. De fait, l’historien qui aurait suivi avec attention les péripéties ukrainiennes depuis la chute du mur de Berlin et tous les rebondissements depuis l’indépendance ukrainienne le 16 juillet 1990 jusqu’à Sotchi et l’Euromaidan de février 2014 en passant par la révolution orange de 2004 et surtout le Mémorandum de Budapest du 5 décembre 1994  ne pourra qu’être frappé par la désinformation construite de toutes pièces et l’absence de tout regard critique sur les événements  des journalistes français.
Depuis le coup de force du 22 février 2014, depuis la démission le 24 juillet du Premier ministre issu de ce coup de force, Arseni Iatseniouk, on fait  croire que l’Ukraine est une démocratie  qui ne serait menacée que par l’ours russe totalitaire. Or, ironie de l’histoire, les Ukrainiens, qui ont cru naïvement à des lendemains européens enchanteurs, aux dettes épongées, au gaz circulant à flot et à prix cassé, à l’éviction des corrompus, se retrouvent aujourd’hui gouvernés par ces mêmes oligarques quasiment sous mandat de l’Otan dans un pays bientôt divisé et sous tutelle, avec un peuple déchiré et un territoire plus chaotique que jamais en guerre contre lui-même. La péninsule de Crimée s’est irrémédiablement détachée de l’Ukraine et qui oserait vouloir priver la Russie de Sébastopol ?

Rappelons enfin qu’après avoir accusé haut et fort les séparatistes russophones, puis la Fédération de Russie elle-même, d’avoir tiré le missile ayant détruit en vol le 17 juillet un transport commercial de la Malaysia Airlines, Kiev, Bruxelles et Washington sont toujours dans l’incapacité de fournir la moindre preuve tangible en appui de leurs allégations, ce que l’on appelle ici la version officielle du crash. A Brisbane, l’affaire du Malaysia Airlines a provoqué des manifestations anti-Poutine compréhensibles puisque 27 australiens se trouvaient dans l’avion mais aucun communiqué officiel n’a apporté la preuve qu’un missile sol-air ait été tiré de la zone contrôlée par les rebelles. Personne en fait ne s’aventure à dire très objectivement par qui aurait été tiré l’engin. Du coup, l’opinion publique française comme australienne entérine sans preuve et sans examen, pour tout ce qui passe en Ukraine le fait, qu’il y ait une culpabilité conjointe de Moscou et des séparatistes pro-russes. En quelques mois, on aura ainsi vu sous nos yeux la fabrication in vivo d’un « ennemi » à abattre. Il ne nous reste plus qu’à attendre maintenant le fracas de l’événement et comme en 14, la logique mortifère des somnambules vers le chemin de « la guerre totale » et de la confrontation.

La Fédération de Russie a compris

Il suffisait de regarder le visage quasi sidéré de Poutine au G20 pour comprendre que Moscou se mobilisera dorénavant pour se défendre. Par contre, ce que les Français ne semblent pas avoir compris, c’est que cette guerre ukrainienne se livrera sur le sol européen et qu’elle ne sera pas seulement pour l’Otan comme pour la Russie une opération de sécurité intérieure. La Croix-Rouge internationale a d’ailleurs demandé aux Nations Unies la requalification des événements du Donbass en « guerre » et non en soulèvement populaire. Il y a déjà eu cet été de nombreux corps mutilés qui ont jonché les rues de Donetsk et de Lougansk. Plus de 500 000 personnes ont franchi la frontière de la Fédération et ont trouvé refuge en Russie.  Moscou a déjà débloqué plus de 103 millions d’euros pour fixer ces populations ukrainiennes russophones sur la terre russe.

Malgré qu’il soit devenu l’ennemi numéro un à abattre, Vladimir Poutine paraissait serein sur le tarmac australien. C’est qu’il s’est préparé depuis des semaines à une autre guerre : la guerre économique. Il a acheté 55 tonnes d’or en prévision d’une forte baisse de la rouble liée aux sanctions économiques prises par l’Occident. Il sait bien que la monnaie russe fait l’objet d’intenses pressions sur les marchés internationaux avec en plus de l’embargo, la baisse  »calculée » des prix du pétrole par les pays du Golfe qui vise à nuire à l’économie russe, les revenus provenant de la vente de pétrole et de gaz représentant environ 45% des recettes budgétaires du Kremlin.

L’Inde et la Chine étaient présentes à Brisbane. Ils ont peu parlé mais ils ont sans doute beaucoup observé. En fait, plus rien ne se décide au G20. Les réponses mais aussi les ripostes aux crises internationales viennent d’ailleurs. Il est en train de se construire un plan anti-américain. C’est  par exemple l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ou les Brics qui visent désormais la dédollarisation des échanges internationaux qui sera comme le chant du cygne des Etats-Unis. L’embargo contre la Russie aura sans doute été la plus grande erreur stratégique américaine de ces vingt dernières années car non seulement elle oblige la Russie à se débrouiller seule mais elle l’a contraint à choisir non pas la mondialisation mais l’asiatisation du monde. Or rien ne l’obligeait à le faire.
russie-ukraine

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Ainsi, la Chine dans un soutien à peine voilé à la Russie est en train de négocier avec Moscou l’ouverture d’une nouvelle route de la soie, infrastructure de base de l’asiatisation du monde à venir. Au  projet  d’une ligne ferroviaire à grande vitesse reliant Pékin au Proche-Orient s’ajoute le projet d’un accord créant une zone de libre échange pour l’Asie-Pacifique (FTAAP) entre les pays de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) soit la création d’une zone concurrençant directement le traité trans-pacifique américain.

Cette décision de créer le FTAAP  semble avoir été acquise lors de la dernière réunion de l’APEC du 12 novembre à Pékin. Or, cette zone exclut explicitement les États-Unis, dont le propre projet de TransAtlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) se réduira ainsi à une peau de chagrin : l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la France du Pacifique !

Nous l’avons déjà écrit ici à maintes reprises : le monde est en train de basculer. Washington et Wall Street, le mondialisme anglo-saxon est aux abois et l’Europe n’a pas compris qu’en suivant aveuglement l’Amérique, la pire des cartes géostratégiques actuelles, elle se privera d’être présente dans la réorganisation asiate du monde. Dans ce cadre général, on comprend ainsi mieux pourquoi à Brisbane, Vladimir Poutine a finalement choisi de se taire mais on aura aussi remarqué dans les coulisses la réserve surprenante de notre Président. Affaiblie politiquement, laminée économiquement, la France autrefois si volubile (voir contre la Libye et la Syrie) semble avoir elle aussi compris mais un peu tard et peut-être avec effroi que de drôles de jeux se faisaient en réalité derrière son dos depuis longtemps.
Michel Lhomme pour Metamag
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
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Une réponse à “Ukraine. Vers la guerre totale ? Par Michel Lhomme”

  1. sav 73 dit :

    Les Russes n ont qu’ a couper le gaz a l Allemagne ,,alors la, nous allons rigoler………

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