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Devenir propriétaire en Suisse : un rêve bientôt réservé à une minorité ?

17/11/2014 ‑ 12H00 Sion (Breizh-info.com) – Actuellement, moins d’un Suisse sur deux (aux alentours de 40 %) est propriétaire de son logement, ce qui représente le taux le plus bas d’Europe. Ce sont les pays de l’Est, comme la Roumanie (97%), la Lituanie (93%) et la Slovaquie (90%) par exemple, qui détiennent les pourcentages les plus élevées. Chez nos voisins, les taux de propriétaires sont les suivants : Italie 73%, France, 63%, Autriche 58%, Allemagne 53%.

Si propriété ne rime pas forcément avec bonne santé financière du pays, il est normal d’être surpris par de tels chiffres concernant la Suisse quand on sait que les Helvètes ont le 2ème meilleur pouvoir d’achat d’Europe (derrière le Liechenstein).

Une majorité de Suisses aimeraient bien évidemment accéder à la propriété, et ainsi ne plus payer des loyers (de plus en plus élevés) « dans le vide ». Il est en effet compréhensible de préférer rembourser chaque mois une hypothèque et des intérêts, plutôt que de verser un loyer à un tiers. Les recherches faites par l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) démontrent qu’il est plus avantageux d’être propriétaire de son logement, que locataire. En effet le propriétaire économise 5 à 10% sur vingt ans, à la seule condition qu’il occupe son logement pendant au moins trois ans. De plus, il y a toujours plus d’offre pour un acheteur que pour un locataire.

Alors dans ce cas, pourquoi il n’est pas aisé pour un citoyen de la Confédération Helvétique de devenir propriétaire de son chez-soi ?

Offre foncière faible et peu de terrains constructibles

Cette faiblesse de l’offre a pour conséquence de faire augmenter les prix. Ces dernières années, on a ainsi pu constater que les prix au m2 des terrains dans certaines régions avaient flambé.

Dans la plaine du Rhône (Valais), en 2009-2010, les parcelles s’achetaient dans la plupart des communes à des prix situés entre CHF 150.- et CHF 200.- le m2 (CHF 160.- à Saxon, CHF 180.- dans des villages comme Leytron, Ardon, St-Léonard). Cinq ans plus tard, on voit des prix affichés aux alentours de CHF 300.- le m2 dans ces mêmes communes. Ils atteignent même parfois plus de CHF 400.- au m2 à Conthey ou à Fully.

Le canton de Fribourg connaît lui aussi une trajectoire similaire, avec des terrains dont le prix a plus que doublé en quelques années, voire même triplé dans certains cas (les personnes travaillant sur Lausanne étendent un peu leur zone de recherche, ce qui a pour conséquence d’augmenter le prix des terrains en raison de la forte demande).

Dans les communes voisines de Lausanne, très recherchées, il devient de plus en plus difficile de faire construire sa villa quand on a un budget inférieur à CHF 1.2 million. Et même à ce prix là, il faut le plus souvent s’orienter vers de la mitoyenneté (ce qui permet de diminuer l’incidence du foncier). C’est à partir de CHF 1.5 million que la plupart des projets neufs d’habitations individuelles sont proposés.

C’est sur l’axe très prisé Genève-Lausanne, où les prix des parcelles sont compris entre CHF 800.- et CHF 1’600.- le m2 qu’on assiste parfois à un tassement des prix. Certains propriétaires acceptent même des offres « à la baisse », quand ils ont un besoin rapide de vendre ou que leur bien est depuis de longs mois sur le marché et qu’il peine à trouver preneur. Mais il existe encore un certains nombres d’endroits, lorsque les parcelles sont très bien situées (proche des transports, vue sur le lac, etc.), où il suffit de quelques jours/semaines pour qu’un acheteur fasse une offre au prix demandé.

La tendance est donc désormais, pour la classe moyenne, à l’achat de terrains ayant des surfaces plus petites, ce qui réduit l’incidence foncière; à la construction de villas mitoyennes/contigües; ou à l’achat d’appartements avec des surfaces habitables optimisées.

Il convient de rappeler qu’en Suisse, la PPE (propriété par étage) a été interdite entre 1912 et 1965, ce qui explique aussi en partie le nombre peu élevé de propriétaire dans le pays, et le fait que le nombre d’anciens logements mis ou remis sur le marché limite l’offre.

La classe aisée, qui conserve un pouvoir d’achat élevé, continue de préférer des parcelles avec une certaine surface. Tout en sachant en plus que dans certaines communes, la règlementation (indice de construction notamment) font que pour construire une grande villa il faut un nombre de m2 de terrain assez important.

Durcissement des conditions nécessaires pour obtenir un financement

Les deux principales conditions à réunir pour obtenir un prêt hypothécaire auprès d’une banque, dans le cadre de l’achat d’un bien immobilier, sont les suivantes :

– 20 % de fonds propres;

– charge financière annuelle ne dépassant pas environ 33% (afin d’éviter qu’un ménage rencontre des difficultés à rembourser l’hypothèque et les intérêts notamment).

Depuis 2012, les 20% de fonds propres doivent au moins être constitués de 10% de liquidités en cash ne provenant pas du 2ème pilier (épargne obligatoire prélevée chaque mois sur les charges salariales et patronales). Un certain nombre de ménages rencontrent désormais des difficultés à réunir ces sommes : sur un bien à CHF 800’000.- par exemple, CHF 80’000.- minimum de liquidités en cash sont donc nécessaires. Quant au revenu brut annuel du ménage, il doit dans le cas présent être supérieur à CHF 139’000.-

Les taux d’intérêts sont encore très bas (inférieurs à 2% en septembre 2014), mais s’ils retrouvent dans quelques années leurs anciens niveaux (3.5% en 2008 par exemple), le chemin vers la propriété deviendra encore plus compliqué.

De leur côté, les banques doivent également faire face à certaines exigences (volant anticyclique relevé avec une augmentation de la couverture de fonds propres de leurs créances  hypothécaires de 1 à 2%). Le Conseil Fédéral et la BNS (Banque Nationale Suisse) souhaitent protéger les établissements financiers d’une éventuelle forte baisse des prix.

Ce durcissement des conditions de financement entraîne un nombre de refus nettement plus important qu’il y a quelques années de la part des banques lorsqu’elles sont sollicitées par des clients désirant devenir propriétaires. Il y a 5 ans, quand un client disait à un constructeur ou à un promoteur qu’il avait pris sa décision et qu’il allait à la banque, il ne faisait pratiquement aucun doute que l’affaire allait se conclure. C’est loin d’être le cas depuis 2013.

Un avenir imprévisible

Comment le marché immobilier va-t-il évoluer ? Les prix vont-ils continuer d’augmenter ou au contraire assistera-t-on à une stabilisation voire une baisse des prix ? Les taux d’intérêts ont entamé un retour à la hausse, mais jusqu’où iront-ils ? Les conditions d’obtention d’un crédit se durciront-elles de nouveau (il a été récemment question par le Conseil Fédéral d’interdire tout recours au 2ème pilier…ce qui a provoqué un véritable tollé dans les milieux immobiliers) ? La classe moyenne pourra-t-elle encore devenir propriétaire ?

De nombreuses questions sont posées, et il serait bien présomptueux d’y répondre avec certitude.

Nous regretterions que l’accès à la propriété devienne réservé à une minorité de la population. S’il n’est pas souhaitable que des ménages soient victimes de surendettement et se retrouvent dans des situations difficiles, il n’est pas non plus opportun de durcir plus que de raison les conditions nécessaire pour accéder à ce rêve, partagé par de nombreux Suisses, de devenir propriétaire de son logement.

Erwan, un Breton émigré en suisse qui travaille dans une entreprise de construction de villas

Sources : Bilan, Confédération Suisse.

Crédit photo  : DR
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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