Rosetta. L’Europe au septième ciel

13/11/2014 – 08H00 Darmstadt (Breizh-info.com) – L’Europe n’a pas de président titulaire d’un Nobel de la Paix, mais elle a des idées. Témoin celle d’aller voir de plus près la comète 67P/TG, autrement baptisée ‘Choury’. Observation réussie par la sonde Rosetta, ce mercredi 12 novembre.

 La décision d’exploration remonte à vingt-et-un ans. Elle fut prise en 1993 dans le cadre de l’Agence Spatiale Européenne (ASE), qui venait d’échouer dans la négociation de missions cométaires communes avec la Nasa américaine. La pression des astronomes spécialisés dans l’étude de la formation du système solaire fut décisive. Il s’agissait pour eux d’obtenir des renseignements ‘historiques’ sur l’état ancien de notre ensemble planétaire. La comète n’a pas croisé l’atmosphère terrestre ni aucune autre depuis des millions d’années. Si elle contient de l’eau et de l’oxygène, cela signifierait que les conditions chimiques pour l’apparition d’organismes vivants existaient dans notre coin d’espace avant la formation de notre planète.

L’histoire de la comète vaut d’être contée. Elle fut découverte en 1969 par un astronome ukrainien, Klim Tchouriomov, examinant une bizarrerie dans un cliché nocturne pris par sa collègue Svetlana Guerassimenko à l’observatoire d’Almaty, ancienne capitale du Kazakhstan. Les calculs menés par leurs collègues de Kiev permirent de déterminer que l’objet était bien une comète. Elle porta le n°67P dans le catalogue des Périodiques répertoriés, suivi des initiales des découvreurs (67P/TG). Mais son nom familier en cyrillique est devenu Tchouri en graphie francophone, ou Chury en graphie anglophone.

Sa trajectoire initiale, très éloignée du Soleil (plus de quatre fois la distance Terre-Soleil), a été en un siècle deux fois déviée par la gravitation de Jupiter, ce qui l’a rapprochée de l’orbite terrestre. Elle devenait dès lors plus ou moins accessible depuis la Terre en 2014, à condition de s’y prendre assez tôt. D’où la mission de l’instrument Rosetta, lancé par l’ASE en mars 2004 avec Ariane V pour aller déchiffrer, dix ans et 6,5 milliards de km plus tard, cette pierre de Rosette du système solaire. Le tout à l’aide d’un engin appendice, Philae (du nom du temple dont l’obélisque permit à Champollion de déchiffrer en 1822 l’alphabet égyptien de la pierre de Rosette), lequel devrait s’accrocher à la comète.

De loin, Choury ressemblait à un disque, renflé au centre comme un sombrero mexicain. De plus près, la sonde Rosetta la fit apparaître en juillet-août 2014 comme un objet bilobé, pincé au milieu, une sorte de diabolo plutôt asymétrique. Les renifleurs chimiques de la sonde livrent en septembre leurs analyses : oxygène, monoxyde et dioxyde de carbone, méthane et ammoniac attestés, et donc des synthèses chimiques d’oxygène et d’hydrogène qui sentent l’œuf pourri. De l’eau pure ? On verra. Mais si le peuple des comètes (mille milliards d’unités dans le système solaire et sa périphérie) est habité de la même manière, alors l’ensemble cométaire serait le premier réservoir d’eau (gelée) d’un système général apparu dans l’espace péri-solaire avant la Terre.

Une fois déterminé mardi le point d’impact de l’atterrisseur Philae, l’aventure exploratoire a commencé mercredi. Sol mou ? Oui. Boueux ? Ou seulement friable ? Composé de quoi ? Il faut encore attendre des transmissions d’informations plus précises. La sonde n’est pas accrochée. Pourquoi ? Défaut des harpons ? Nature du sol indéterminée ? Éjections de gaz (ses 100 kilos à terre pèsent 1 gramme là-haut) ? Le feuilleton des questions ne fait que commencer.

Au total, la mission européenne est déjà auréolée du succès des techniques utilisées : lancement réussi, poursuite décennale de l’objectif, électronique embarquée fiable, bonne analyse des données chimiques, gravitationnelles, magnétiques, thermiques, excellente transmission de celles-ci : toutes choses totalement neuves en aérospatiale, et qui connaîtront des retombées remarquables dans les transmissions terrestres, surtout en cette période de modification de notre pôle magnétique.

Évidemment, une polémique est déjà amorcée quant au coût de l’opération : 1,7 milliard d’euros, dont 20 % pour la France. Beaucoup de contraventions urbaines ? Un bon paquet ! Mais c’est cinq fois moins que le prix du ‘boson de Higgs’ au Cern, en 2012, une particule auréolée d’un prix Nobel de physique en 2013, mais dont personne ne sait quoi faire sinon un sous-chapitre théorique d’une théorie atomique datant de 1964. Rosetta et Philae étudient quant à elles, et toujours pour l’Europe, une langue physico-chimique encore à déchiffrer, datée d’avant l’apparition de l’astre terrestre et de sa vie biologique complexe. A chacun son calendrier…

Jean-François Gautier

Crédit photo : DR
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