Charles Robin offre, avec La gauche du capital, un regroupement de ses études sur la généalogie du libéralisme libertaire. Sa thèse est connue des lecteurs de Jean-Claude Michéa. Il n’y a pas un « libéralisme » économique, de « droite », qui s’oppose à un « libertarisme » sociétal, de « gauche ». Il y a un seul mouvement qui transforme la société, et passe par des acteurs socio-politiques qui se partagent le travail mais font, précisément, le même travail. Le libéralisme est en d’autres termes toujours en phase avec le libertarisme car il s’agit de déconstruire tous les liens, tous les enracinements, toutes les communautés pour aboutir à un homme nu, donc désaliéné selon l’extrême gauche, mais aussi totalement ouvert au libre marché, à la consommation mondiale unifiée, selon les libéraux. C’est le même homme suradapté à un monde de plus en plus intégralement marchandisé, postpolitique qui convient aux libéraux (dits de droite) et aux libertaires (dits de gauche).
Le travail de désencastrement de l’homme, de désincarnation (au profit de sa liquéfaction), de « libération » de toutes les valeurs et de tous les liens, est convergent, qu’il soit opéré par la droite « libérale avancée » ou par la gauche « libérale-libertaire », et concourt à un même résultat. Car, de fait, l’homme sans liens devient homme sans qualité, sans spécificité, sans identité culturelle, sans classe, sans syndicat, et est livré au marché, et celui qui est livré au marché est bel et bien « libéré », comme le rêve l’extrême gauche, de la famille, de la durabilité, de la transmission, de la « patrie », de la « solidarité de tribu » (ou de métier), du sexisme, du machisme, au profit de la consommation hédoniste de la sexualité et du relationnel en général (les « amis » que l’on a sur Facebook…).
Résumons. Le libéralisme n’est pas conservateur, il n’y a rien de plus révolutionnaire. Quant à la gauche elle n’est pas socialiste, elle est « la gauche du capital », elle est la pointe avancée de la déconstruction des peuples. Qui profite à qui ? Au capital.
Voilà notamment ce que développe, rigoureusement, Charles Robin. Autant dire que son livre est essentiel.
Pierre Le Vigan
Charles Robin, La gauche du capital, ed. Krisis, 244 pages, 18 €.
Source : Metamag