Août 1914, au Faouët, chef-lieu de canton du Morbihan. Mr Carré a déjà enfilé son uniforme militaire, pour répondre à l’ordre de mobilisation générale. Enfin la revanche de 1870 a sonné ! Son fils, Jean-Corentin, né le 9 janvier 1900, se démarque par son intelligence. Il rêve de partir au front… mais il n’a que 14 ans. Sa demande d’engagement volontaire est refusée par le maire du village. Sa mère espère de tout cœur qu’il restera bien au Faouët. Toujours décidé à porter l’uniforme, il se présente en mai 1915, au bureau de recrutement, sous une fausse identité. Pour être admis, il déclare s’appeler Auguste Duthoy et être né à Rumigny en 1897 dans le département des Ardennes. Puisque ce département est alors occupé par l’armée allemande, aucune vérification n’est possible…
Malgré son visage juvénile, Jean-Corentin parvient ainsi à être incorporé, à Rennes, au 410ème Régiment d’infanterie. Il se retrouve parmi ses compatriotes bretons. C’est en Champagne qu’il découvre la guerre, le 15 novembre 1915, dans le secteur du Mesnil-lès-Hurlus. Dans la boue des tranchées, les poilus tentent de le protéger. Puis le petit paysan du Morbihan souhaite rejoindre la prestigieuse armée de l’air. Il obtient son brevet de pilote. Affecté à un avion d’observation, l’adjudant Jean-Corentin Carré périt à Verdun lors d’une mission le 18 mars 1918…
L’histoire de Jean-Corentin Carré a captivé Pascal Bresson, qui vit dans le pays malouin. Pascal Bresson avait en 2011 réalisé le scenario de la BD Seznec aux éditions Glénat. Ce scénariste respecte le parcours du jeune Jean-Corentin. Pour donner de l’authenticité, il utilise même, par moments, la langue bretonne ainsi que des termes d’argot de l’époque.
Il précise que « l’idée de mettre en BD la vie du jeune Jean-Corentin Carré m’est venue par l’histoire de mon arrière grand-père Marcel Eugène Poulet. Il a certainement dû le croiser car les deux unités ont combattu côte à côte ». Il explique ainsi son intérêt pour ce jeune breton : « dans ce projet, j’aime beaucoup les valeurs transmises, le côté patriotique, un jeune enfant qui se sauve de chez lui et qui change de nom pour se battre. J’ai mis également en avant toute la propagande de l’époque, très importante pour faire des enfants de futurs soldats. À la mort de Jean-Corentin, la presse de l’époque évoquera Le petit poilu Breton ».
Le dessin est réalisé par Stéphane Duval, pour les douze premières pages, et Lionel Chouin pour les suivantes. Né à Rennes, Stéphane Duval a réalisé de nombreuses œuvres sur le monde celtique (Les Lutins et Red Caps aux éditions Delcourt) et les vikings (Aëla, aux éditions Delcourt). Le dessinateur Lionel Chouin vit à Rennes. Les couleurs sont réalisées par Jean-Luc Simon.
Le dessin accentue judicieusement l’expression des visages. La reconstitution des tranchées et du village du Faouët est convaincante. Stéphane Duval et Lionel Chouin dessinent admirablement les Halles, l’église paroissiale Notre-Dame-de-l’Assomption ainsi que les ruelles tortueuses du Faouët. La description des tranchées est également réussie et certainement proche de la réalité. Les auteurs ne dissimulent pas que de l’eau de vie était servie eux bretons avant un assaut périlleux.
Cette bande dessinée exalte ainsi le patriotisme de celui qui était considéré comme le plus jeune poilu de France. En quelques mois, le petit écolier du Faouët devient un héros en Bretagne. Aujourd’hui encore, on peut voir, dans sa commune natale du Faouët, le monument en l’honneur de Jean-Corentin Carré.
Jean-Corentin Carré, t.1 L’enfant soldat, Editions Paquet, 13,50 euros.
Photo : DR
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