A l’occasion des élections sénatoriales, voir ou revoir Monsieur Smith au Sénat (Mr. Smith Goes to Washington) est jubilatoire. Son ton léger permet de le regarder en famille. Il dénonce la corruption de politiciens pervertis par l’argent et la quête du pouvoir. Il oppose un patriote vertueux, Jefferson Smith, et un sénateur corrompu, Joseph Paine. La satire est telle que lors de la première projection du film à Washington, de nombreux sénateurs quittent la salle en signe de protestation. La controverse est née : ce film fait-il une apologie ou bien une critique de l’idéologie démocrate-libérale des Etats-Unis ? Qu’on en juge.
Jefferson Smith (James Stewart), jeune politicien patriote et idéaliste, est élu sénateur. Il a été choisi par les chefs du parti en raison de sa naïveté supposée, espérant ainsi qu’il vote les lois sans se poser de questions ! A son arrivée à Washington, il visite en effet pieusement, comme un pèlerin, les lieux symboliques du pouvoir politique. Mais chef d’un mouvement scout, il veut créer un grand camp où pourront venir les enfants défavorisés. Il admire le sénateur Joseph Paine (Claude Rains), sans savoir que celui-ci est corrompu. Soutenu par un homme d’affaires véreux et magnat de la presse, Paine propose la construction d’un barrage sans utilité, mais qui doit rapporter des millions, précisément là où Smith projette de placer son camp. Smith découvre alors la corruption des hommes politiques. Avec le soutien de sa charmante secrétaire Clarissa Saunders (Jean Arthur), il décide de dénoncer la corruption au sein même du sénat. Mais il est victime d’une machination politico-médiatique. Au Sénat, il fait un discours de 23 heures et finit par triompher, Paine avouant ses turpitudes…
Ce film moralisateur, sorti en 1939, est de Frank Capra (1897-1991). Né en Sicile dans une famille de paysans, il émigre avec sa famille en Californie. Il est le seul de sa famille à aller à l’école, qu’il finance lui-même. Il s’engage en 1918 dans l’armée américaine, pour se battre sur le front européen. Mais parce qu’il est ingénieur, l’armée le charge d’enseigner la balistique dans une caserne. Après la guerre, il réalise des comédies puis des sujets plus sérieux, comme la crise de 1929 (La Ruée, 1932). Pendant la Seconde Guerre mondiale, Frank Capra est chargé de réaliser la série de films de propagande Pourquoi nous combattons. Mais Capra reste surtout connu pour la défense des valeurs morales de l’Amérique traditionnelle. Dans L’extravagant monsieur Deeds (1936), écœuré par le monde des médias, le héros distribue sa nouvelle fortune aux chômeurs. Ses héros prônent en effet certaines valeurs de l’Amérique profonde, plus attachée à la terre qu’à l’argent. C’est ainsi que dans Monsieur Smith au Sénat, Capra exalte une certaine nostalgie de la pureté et de l’innocence. Ce sont les enfants qui conduisent Smith au pouvoir, qui applaudissent son projet et qui le sauveront en diffusant leur journal. Capra prône ainsi l’idéal démocrate-libéral américain, mais fait le constat pratique de son échec, les intellectuels new-yorkais étant pervertis par l’argent. Capra a remporté trois fois l’Oscar du meilleur réalisateur, en 1935 (New York-Miami), 1937 (L’Extravagant Mr. Deeds) et 1939 (Vous ne l’emporterez pas avec vous).
Un tel scenario ne pouvait qui séduire l’acteur James Stewart (1908–1997), excellent dans ce film. Né dans une famille d’ascendance écossaise, il s’est mis au service des plus grands réalisateurs : Frank Capra, Anthony Mann, Alfred Hitchcock et John Ford. Il apparait ainsi dans beaucoup de westerns classiques. Prônant les vertus de l’Amérique rurale, il joue le plus souvent le rôle d’un personnage simple avec de vraies valeurs morales. Il affiche ses opinions politiques favorables au parti républicain. Il connait une belle carrière militaire en s’engageant dans l’United States Air Forces un an avant l’attaque sur Pearl Harbor. Après la guerre, il poursuit sa carrière dans l’Air Force Reserve et obtient le grade de général de division en 1959. Sa dernière mission est en 1966 un bombardement sur le Viêt Nam, auquel il participe comme observateur. Contrairement à la plupart des acteurs, il a une vie privée très discrète et reste avec son épouse jusqu’à la mort de celle-ci.
Mr Smith au Sénat, Columbia classics, DVD 12,49 euros (ou disponible en téléchargement).
Photo : DR
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