08/09/2014 – 07H00 Paris (Breizh-info.com) – La mort de Jacques Friedel, le 27 août dernier, est restée inaperçue de la grande presse et de ses grand’messes. Certains silences sont des autoportraits.
Friedel avait hésité dans sa jeunesse entre la littérature et les sciences, preuve que l’abandon de cette double culture par le ministère de l’Instruction, plus qu’une erreur, fut une faute majeure contre l’esprit en général, et contre la Nation en particulier. Outre cette tare impardonnable, il incarnait une contrepèterie inacceptable : c’était un héritier.
Issu d’une longue lignée de banquiers alsaciens protestants, il eut un arrière-grand-père, Charles (1832-1899), ancien élève de Louis Pasteur à Strasbourg et encore connu de quelques étudiants en sciences pour la réaction dite ‘de Friedel-Crafts’ qui conditionne une grande partie de la chimie organique. Le grand-père Georges (1865-1933), patron de l’école des Mines de Saint-Etienne, avait développé en France les études de cristallographie. Le père, Edmond (1895-1972), dirigea l’École des Mines de Paris et créa le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), mondialement connu pour ses compétences charbonnières et pétrolières. Jacques (1921-2014), de la troisième génération familiale de polytechniciens, entrait à l’évidence dans la catégorie des ‘héritiers’ honnis par le Collège de France à l’époque où triompha la sociologie de Pierre Bourdieu et de ses disciples du CNRS.
Reste que Jacques Friedel, ancien des Chantiers de Jeunesse du Maréchal avant de passer au STO puis à la 2ème DB de Leclerc, créa en 1959, sous l’impulsion d’Yves Rocard, le physicien père de Michel Rocard, le laboratoire de Physique des Solides de l’Université d’Orsay. Une pépinière. Des dizaines d’anciens étudiants essaimeront tout azimut, notamment dans l’industrie, et parfois dans l’université, dont Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique 1991, qui passa dix années à ses côtés, et Albert Fert, qui développa la théorie friedélienne des alliages ferro-magnétiques, fut à l’origine des ‘disques durs’ actuels et obtint un prix Nobel de physique en 2007.
Jacques Friedel faisait partie de ces générations issues de la défunte section ‘grec-latin-mathématiques’, ferment d’imagination mais haïe et révoquée par l’institution que dirige aujourd’hui Mme Vallaud-Belkacem. De ses romans de littérateur rentré on ne saura jamais rien. Reste que les traces laissées par certains morts très actifs en leur temps parlent plus fort que l’inaction calculée de beaucoup de pseudo-vivants contemporains.
J-F. G.
Photo : Jean Friedel/Wikimedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.