En deuil de musées nantais (le musée Dobrée fermé « ad aeternam », le musée des Beaux Arts en chantier pharaonesque), je jette mon dévolu sur celui de Vannes, sis dans la vieille ville, à La Cohue, l’ancienne halle. Je l’avais vu il y a quelques années avec ses collections anciennes, un fonds plutôt régionaliste, des petits maîtres et quelques pièces majeures. Pierre Angrand dans son « Histoire des musées de province au 19ème siècle » évoque les origines souffreteuses des collections vannetaises, autour d’un beau « Calvaire » de Delacroix, donné à l’église Saint-Patern. Une toile qui « avait aussitôt déplu à la pruderie cléricale ; la poitrine de Madeleine prosternée au pied du Christ était quelque peu découverte. »
En 1884, le maire Etienne Burgaud installa le premier fonds dans le nouvel Hôtel de ville puis il déménagea et, dès lors il « continua de vivre d’une vie bretonne, somnolente et tranquille, et grandit peu. » (P. Angrand).
Ce bon républicain doit aujourd’hui s’agiter dans sa tombe. La Cohue est un bel endroit, bien agencé et désormais voué surtout à l’art contemporain. Sans doute un peu grincheux ce jour-là, j’en ai fait le tour, navré… Le « Delacroix » est fort bien mis en exergue mais ensuite… La « Suite Musicale » d’Alain Kirili (1946) déployée dans la nef centrale se compose de deux ou trois dizaines de cylindres, sorte de monolithes supposés nous révéler les mystères des alignements de Carnac. En fait du « Buren-Palais royal », version funérarium.
A l’étage, un espace immense désormais consacré à Geneviève Asse (1923), « grande dame de la peinture ». Des compositions, bleuâtres, si évanescentes qu’elles finissent par se fondre dans les murs. Grand-Croix de la Légion d’honneur madame Asse a toutes les caractéristiques d’une artiste officielle. Ce qu’elle montre ici est d’une fadeur à pleurer.
Le clou : l’exposition « Paysages peints, nature rêvée » (février 2014-février 2015). De belles choses, Rosa Venneman (1825-1909), Henry Moret (1856-1913), Isabel Duperray (1966), Cédric Guillermo (1986) qui alternent avec des non-figuratifs, Jean Bazaine (1906-2001), Tal Coat (1905-1985), Olivier Debré (1920-1999)… Tout est ici affaire de confrontations, entre les plus académiques et les plus « audacieux ». Une vieille antienne, une scie, une tarte à la crème, initiée il y a des décennies dans les expositions parisiennes et qui vient mourir ici à Vannes. L’ennui, c’est le manque d’œuvres majeures. Il est toujours possible de mettre face à face un Nicolas de Staël (allez le voir à Antibes ou au Havre) et un Ruysdael, pas un Olivier Debré, valeur sûre il est vrai du marché.
Avec tout cela, La Cohue évacue le plus possible tout ce qui puise dans l’identité locale, lui préférant une exaltation de l’ « harmonie du monde » qui justement n’existe pas. Il paraît que les « vieilles collections » sont à l’abri, bien entreposées. Une suggestion : vite les ressortir !
Jean Heurtin
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