Saint-Nazaire. Entretien avec Bernard Grua (no mistral for Putin) [interview]

21/08/2014 – 07H00 St Nazaire (Breizh-info.com) – Nous avons relaté en début de semaine l’organisation à venir à Saint-Nazaire d’une manifestation pour la défense de la Russie et de la vente des navires de type Mistral à cette dernière. Mis en cause par deux fois dans l’interview donnée par le responsable du collectif organisateur « Mistral Gagnons », Bernard Grua, porte-parole du collectif « no mistrals for Putin » – qui oeuvre depuis plusieurs mois contre la vente des Mistrals à la Russie – a souhaité également pouvoir exprimer son opinion.  C »est chose faite à travers l’interview ci-dessous, dans laquelle Bernard Grua se présente longuement , avant d’expliquer son combat et celui de son collectif, tout en faisant un point sur ses réflexions et ses avis concernant la situation en Ukraine.

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présentez ainsi que votre parcours militant / économique

Bernard Grua : Je suis né à Morlaix. Ma famille est originaire de la Cornouaille morbihannaise. J’ai passé l’essentiel de mon enfance et de mon adolescence à Lorient et à Vannes. J’ai toujours été passionné par la Bretagne, la mer et les bateaux. J’ai fait mon service militaire à Brest en tant qu’officier de Marine. J’ai été étudiant à Paris et j’y ai exercé le début de mon activité professionnelle dans l’audit financier. Etant breton, j’ai voulu revenir en Bretagne. Pour ce faire, et ne trouvant pas d’emploi, j’ai dû créer mon activité, une petite entreprise de service intervenant dans toute l’Europe de l’Ouest. 

Je n’ai pas été étudiant à Harvard contrairement à ce qui est écrit dans votre article. Je n’y ai fait qu’un « Business case Programm » de deux mois dans le cadre d’une « summer school ». Plus récemment, j’ai suivi pendant mes congés un cours d’espagnol de trois semaines à Grenade. Quand j’exerce mon métier en Espagne, je parle maintenant la langue du pays, comme je le fais en Allemagne. J’ai essayé d’apprendre, sans grand succès, le russe en prenant des leçons à St Petersbourg et à Irkoutsk, sur le bords du Baïkal, là aussi pendant mes vacances.

J’aime la Russie et les pays de l’ex-Union Soviétique. Au cours de mon deuxième séjour, j’ai traversé, seul, la Russie de Moscou à Vladivostok en passant par Irkoutsk, Severobaïkalsk, Tynda, Komsomolsk na Amure et Khabarovsk. Par la suite, je me suis concentré sur le lac Baïkal, la Iakoutie et les monts Saïan.

J’ai beaucoup d’amis russes même si ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine nous a considérablement éloignés. Il y a chez les Russes une très stricte séparation entre la sphère publique et la sphère privée. Toutefois, quand vous entrez dans la sphère privée, pour cela il faut voyager seul ou en très petit groupe, les Russes ont un accueil et une spontanéité que l’on ne trouve pas en Europe de l’Ouest, à l’exception, peut-être, de l’Espagne. Il y a une chose, néanmoins, qu’il faut absolument avoir en tête lorsque l’on est en Russie : ne jamais parler de politique, y compris avec ses meilleurs amis. J’ai sincèrement cru qu’il y avait une sorte de communauté internationale de gens attentifs au reste du monde et que l’ouverture de la Russie était une chance pour nous tous. J’ai souvent reçu des Russes, en France et en Bretagne, je ne l’ai jamais regretté. J’ai aussi voyagé, toujours en individuel, dans d’autres pays de l’ex-URSS : Tadjikistan, Kirghizstan, Ouzbékistan. L’accueil, hors des endroits touristiques, y est aussi spontané et chaleureux. 

Je ne suis pas militant. Je ne suis membre d’aucun parti politique. Mes convictions sont plutôt humaines et sociales. Je suis, avant tout, un Breton, même si je n’ai pas la chance d’en parler la langue. Je suis partisan de la réunification de la Bretagne dans ses frontières historiques, culturelles et géographiques. J’aime mon pays, la Bretagne, qui n’est plus un Etat. De même que je suis attaché à ma nationalité bretonne qui est différente de ma citoyenneté française. Je me sens breton et citoyen du Monde. 

Mon appartenance, très locale, n’est pas une fermeture. J’ai de la sympathie pour le mouvement des « Bonnets Rouges » mais je pense néanmoins qu’il devrait s’internationaliser afin d’exercer une contrainte sur l’Etat jacobin qui, autrement, ne pliera pas. Mais cette internationalisation doit être prudente. Il ne faut pas se jeter sur les premières manifestations de « bienveillance » ou vers les premiers micros tendus. Nous avons tous en tête les compromissions de l’occupation qui ont tant pénalisé le mouvement breton.

Avant 2013, j’ai visité deux fois l’Ukraine pendant mes vacances, une fois en été et une fois en hiver. Ayant suivi le mouvement Maïdan depuis son début, connaissant les aspirations d’une partie de la jeunesse ukrainienne, je me suis dit que l’histoire était en train de s’y écrire. J’ai passé Noël 2013 et le Nouvel An 2014 sur Maïdan. Entre deux missions professionnelles, j’ai eu l’occasion d’aller y passer quatre jours en février. Je me suis trouvé au cœur des affrontements.

Je regrette qu’il n’y ait pas plus de Français qui aient fait ce voyage. Cela aurait évité bien des malentendus. En ce qui me concerne, j’ai été absolument fasciné par ce mouvement. J’y ai vu toutes les valeurs auxquelles nous aspirons sans l’individualisme de nos sociétés occidentales. La volonté d’être maître de ses choix et de son destin, la volonté d’avoir une histoire qui ne soit pas réécrite par l’occupant, la volonté de sauvegarder la culture et la langue nationale trouvaient, de plus, chez moi, un écho particulier avec la cause bretonne. J’ai observé Maïdan, la « Révolution de la dignité » du mieux que j’ai pu. J’ai compris la tiédeur de notre gouvernement à son égard. Maïdan est une bombe pour tout pouvoir centralisé et auto-centré qui ne tient pas compte des souhaits de sa population. Maïdan pourrait être un modèle pour le mouvement breton. On comprends que cela ait déplu à Monsieur Ianoukovitch. On comprend que Maïdan soit un repoussoir et un véritable danger pour Messieurs Poutine et Hollande.

Mon curriculum vitae est ici.

Breizh-info.com : Que reprochez-vous au collectif Mistral-Gagnons organisateur d’une manifestation à venir début septembre ?

Bernard Grua : Dans notre pays, le Peuple, est censé être souverain. Il doit être informé. Ce ne sont pas les éléments contradictoires distillés au compte-gouttes par un pouvoir invoquant tour à tour le caractère commercial d’un contrat et le fait qu’il soit couvert par le secret militaire qui doivent nous satisfaire. Il s’agit d’un choix historique de société, voire de civilisation. La façon dont cette affaire est menée contrevient aux principes fondateurs du pacte social. Nous ne nous expliquons pas, non plus, comment on peut accepter que le parlement français en soit écarté.
Nous pensons que l’existence d’un collectif tel que « Mistral-Gagnons » est saine. Il ne peut pas y avoir de démocratie sans expression des opinions divergentes.
« Mitral-Gagnons » en écho avec « No Mistrals for Putin » pourrait être l’occasion d’un véritable débat citoyen pour mettre fin à l’omerta et au black-out gouvernemental sur les modalités du contrat Mistral et sur notre alliance, de facto, avec le régime de Poutine.

Dans un pays civilisé, nous avons besoin de transparence et de réflexion. Nous devons éviter les slogans à l’emporte pièce qui font appel aux pulsions et à l’incompréhension. Nous devons viser l’intérêt général et non pas la récupération politique intéressée. Il faut parler à visage découvert. A chaque fois que nous sommes exprimés face aux médias français ou internationaux, nous nous sommes présentés. Nous avons dit qui nous étions. De même que je l’ai fait ici. Pour certains d’entre nous, cela a valu des coups de téléphones d’insultes, voire de menaces. Cela nous a valu aussi d’être diffamés sur internet. Mais il faut comprendre que c’est le prix à payer même s’il n’est pas très agréable de se faire publiquement traiter de « fasciste », de « néo-nazi » ou de « valet de l’impérialisme américain ». 

Nous ne comprenons pas comment Presse Océan a pu être le premier à publier le communiqué anonyme de « Mistral-Gagnons » qui a, ainsi, pris de bien mauvaises habitudes. Ce n’est pas conforme à l’exigence déontologique du groupe Ouest France. Faut-il y voir le résultat d’une parution, à la va vite, pendant un week-end ?
Nous nous sommes renseignés. « Mistral-Gagnons » ne semble pas réellement être une émanation des commerçants de St Nazaire, comme nous l’a fait comprendre Monsieur Laurent Dupont, Président de l’association des commerçants du centre ville de St Nazaire, pourtant auteur d’un lexique commercial multilingue incluant la langue russe.
« Mistral-Gagnons » n’est pas non plus une association déclarée en Préfecture. La « société » Concepcom qui a développé son site web ne parait pas être enregistrée au registre du commerce.
A St Brévin, à l’adresse de sa domiciliation, qui correspond aussi à celle de « Mistral-Gagnons »,  se trouve une maison bourgeoise de bord de mer sans aucune enseigne.
Quand on va sur la page Facebook de « Mistral-Gagnons » et que l’on examine qui « aime » cette page, on observe que la majorité des « fans » sont à Paris :  

Pourtant Mistral-Gagnons vous a fait écrire : « …L’aspect le plus positif est peut-être que ce soutien déborde en fait des chantiers et qu’à l’origine, il venait plutôt des commerçants du centre-ville…. C’est un peuple sain, dans une ville industrielle… »

Le seul nom que ce comité cite est « Bernard Grua », à qui il s’oppose, en présentant un profil réducteur et tendancieux. Là n’est pas le problème. Il réside dans l’anonymat qui rappelle des pratiques que l’on croyait d’un autre temps et d’autres systèmes politiques.

Le jeudi 7 août nous avons lancé notre troisième manifestation internationale contre la livraison des BPC Mistral à Vladimir Poutine. Elle est prévue pour le 7 septembre.
« …Manifestons devant tous les ministères de Affaires Etrangères appartenant aux pays qui se sont officiellement opposés à la livraison des Mistrals à Poutine. Exigeons qu’ils fassent seuls ou groupés une offre que François Hollande ne pourra pas refuser Au même moment, nous manifesterons en France devant les Mistrals et devant les 400 marins de Poutine qui sont formés à St Nazaire. »

Depuis lors, nous avons envoyé notre demande à la sous-préfecture de Saint-Nazaire.

Le jeudi 14 août, « Mistral-Gagnons » annonçait, sur son site, une manifestation le 7 septembre aux même lieux et aux même heures que la nôtre. Le lundi 18 août, il créait l’événement du 7 septembre sur Facebook. 

Nous sommes prêts, comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, à donner la parole, au cours de nos manifestations, aux partisans du contrat Mistral avec la Russie de Poutine. Monsieur Jean Claude Blanchard, élu Front National de St Nazaire, et partisan de la livraison des BPC à la Russie de Poutine, a participé, fort discrètement il est vrai, à notre manifestation du 30 juin. Il peut témoigner de notre caractère pacifique et accueillant. Il a pu constater que nous avons dans nos activistes des citoyens russes. Mais il ne semble pas très judicieux, ni très élégant de la part de « Mistral-Gagnons », de créer une manifestation en réaction à la manifestation de «No Mistrals for Putin ». Nous poursuivons des objectifs diamétralement différents. Nous recherchons le dialogue et la communication.
Nous ne recherchons pas l’affrontement. Nous manifestons de façon pacifique et familiale. Il aurait été plus pertinent que « Mistral-Gagnons » prévoie sa manifestation à un autre moment. 

Breizh-info.com : Vous êtes l’organisateur de manifestations contre la vente du Mistral par la France à la Russie et pour la défense du Maïdan et de l’Ukraine.

Bernard Grua : Il est vrai que nous sommes trois Français à l’origine du mouvement mondial concernant le contrat Mistral. En revanche, si le Maïdan et l’Ukraine, sans Ianoukovitch, ont toute notre sympathie, nous laissons la défense de ces deux sujets à d’autres bien plus qualifiés que nous. Cette défense n’entre pas dans le cadre des manifestations que « No Mistrals for Putin » a organisées en France ou dans des dizaines d’autres villes situées en dehors du territoire national.

Breizh-info.com : Quel est votre point de vue sur la situation en Ukraine actuellement ?

Bernard Grua : Ceci est un point de vue personnel. L’Ukraine doit être indépendante et souveraine. Elle doit être en paix, comme elle l’aurait été sans intervention extérieure. L’Ukraine doit décider seule, de façon démocratique, des orientations qu’elle souhaite prendre et des alliances qu’elle souhaite nouer. L’Ukraine appartient aux Ukrainiens et à personne d’autre. L’Ukraine doit arrêter d’être en permanence sous la menace, voire sous les tirs, de son encombrant voisin. Les conseillers militaires, les mercenaires et les terroristes étrangers doivent quitter ce pays. J’aurais la même position si la France était confrontée à ce que subi l’Ukraine en ce moment

Breizh-info.com : Pourquoi vous opposez vous à la vente du Mistral ? 

Bernard Grua : Chez « No Mistrals for Putin », nous ne nous opposons pas à la coopération entre pays en ce qui concerne leur défense. Nous ne nous opposons pas à la vente de navires, même militaires, à la Russie. Nous nous opposons à la Collaboration militaire entre la France et la Russie de Poutine. A ce titre, nous nous opposons à la livraison à la Russie – de – Poutine – de navires de classe Mistral pouvant servir à des fins d’invasion. 

Nous ne contestons pas le fait que la France doive vendre les BPC construits à St Nazaire. Notre but est de trouver un autre acheteur et d’avoir une offre ferme faite à la France afin de l’aider à se sortir de l’ornière dans laquelle elle s’est mise. L’OTAN, l’UE, le Canada, entre autres sont des candidats potentiels sérieux et un groupe de travail est en cours d’étude de la faisabilité de la chose.

Breizh-info.com : Qu’allez vous expliquer aux personnes qui se trouveraient au chômage technique à la suite d’une telle décision et en cas de non-paiement de la Russie ?

Réponse élaborée principalement par Dimitri Halby, citoyen français résidant en Irlande, membre co-fondateur de « No Mistrals for Putin ».

a) En ce qui concerne les termes de paiements, on peut lire tout et sont contraire car le contrat est couvert par le secret militaire. A ce jour ce que l’on peut considérer comme vraisemblable est que le contrat Mistral est signé entre « Rosoboronexport » et « DCNS ». Il y a lieu de penser qu’il y a un calendrier de règlement comme dans tout contrat à long terme.
Il est impossible d’imaginer que l’ensemble des règlements ne seraient dûs qu’à la livraison du deuxième Mistral, le « Sébastopol ». Le chantier «STX » de ST Nazaire n’est que le sous-traitant de « DCNS ». « STX » est payé au pourcentage d’avancement par « DCNS ». Il est difficile de dire qu’un quelconque non-paiement par « Rosoboronexport », si tant est que cela soit possible, puisse mettre en péril l’emploi à St Nazaire. Rappelons aussi que le « Vladivostok » est achevé et que le « Sébastopol » est très avancé. L’essentiel des heures du contrat a déjà été passé.

De toute façon, notre but n’est pas la destruction d’emploi mais la création d’emplois. Le meilleur moyen pour créer ou sauvegarder des emplois, y compris à St Nazaire, est de ne pas livrer les Mistrals à la Russie de Poutine comme nous l’expliquons ci-dessous.

b) A l’heure actuelle, la livraison des Mistrals à la Russie de Poutine est un mauvais calcul économique sur le court et sur le long terme. La Russie de Poutine ferme son marché de l’armement aux industries étrangères. L’ouverture aux Mistrals n’a été qu’une brève fenêtre. Les livrer en espérant obtenir de nouvelles commandes est un pari perdu.

La position ouvertement belliciste de Poutine envers les pays voisins de la Russie entraîne une conséquence majeure qui doit être prise en considération: La Pologne et d’autres pays augmentent fortement leur budget de la défense pour se préparer à une agression russe. Ils ont d’énormes besoins, que leur propre industrie ne peut pas couvrir. 

Le marché polonais de la défense prévoit à lui seul une dépense de 31 milliards d’Euros à l’horizon 2022 (130 milliards de zlotys) pour moderniser son armée. Regardons en détail les différents appels d’offre pour lesquels la France se retrouve dans la « short list » de la Pologne:

système de missiles anti-aériens: 5 milliards d’Euros

70 hélicoptères (EC725 Caracal): 2,5 milliards d’Euros

30 hélicoptères d’attaque (Tigre EC-663): 600 millions d’Euros

6 corvettes (Gowind, construits par STX à St Nazaire): 1,3 milliards d’Euros

3 sous marins (Scorpène): 1,9 milliards d’Euros

1 navire de type Mistral (BPC-140), construit par STX à St Nazaire

La seule valeur du marché que STX (qui construit les Mistrals à St Nazaire) risque de perdre auprès de la Pologne est de l’ordre de 1,5 milliards d’Euros. Des centaines d’emplois potentiels, à St Nazaire, sont mis en danger par la livraison des Mistrals à la Russie de Poutine. La Pologne, dans ces appels d’offre, risque fortement de ne pas choisir un pays qui décide d’armer Poutine alors que celui ci menace ses voisins.

Si l’on considère le marché de l’industrie de l’armement français en dehors de St Nazaire, on peut ajouter une perte potentielle de 10 milliards d’Euros et autant d’emplois en France. A cela s’ajoute le projet d’une centrale nucléaire polonaise d’un montant de 19,5 milliards d’Euros. Ce marché risque d’être fermé à la France également.

Un appel au boycott de l’industrie militaire française à déjà été lancé dans un journal polonais. Le danger pour l’économie française devient donc de plus en plus précis à mesure que la livraison des Mistrals à la Russie de Poutine se rapproche. Il est urgent d’agir. L’appel polonais au boycott envers l’industrie de l’armement française a été traduit dans un journal français ici: « Vente des navires Mistral : appel au boycott de la France dans les pays qui se sentent menacés par la Russie »

c) François Hollande doit, pour la défense de l’emploi et de l’économie française trouver un moyen de vendre les Mistrals ailleurs. Si aucun pays n’a fait une offre tout en critiquant le contrat, François Hollande quant à lui, ne fait pas mieux en ne cherchant pas d’autre acheteur potentiel. Qui pâtira de tout cela? L’économie française et l’emploi en France et, plus particulièrement, à St Nazaire. Qui profitera du fait que les Mistrals seraient livrés à Poutine? Les USA et les autres pays de l’UE dont le marché deviendra préférentiel en Pologne et autres pays voisins de la Russie…

d) La Pologne n’est qu’un pays parmi tant d’autres qui risque de fermer son marché de l’armement à l’industrie française. La République Tchèque à annoncé fin mai qu’elle augmentait son budget de la défense de 40% suite à la crise en Ukraine. La Lituanie et la Lettonie ont également annoncé leur intention d’augmenter considérablement leur budget dans ce domaine pour contrer la menace que représente les intentions guerrières de Poutine largement exprimées.

Enfin il ne faut pas exclure des sanctions ciblées de la part des USA qui viseraient spécifiquement le chantier STX. Si l’on peut penser qu’Oasis III ira jusqu’à son terme, il est probable qu’il en serait, alors, fini de la construction, à St Nazaire, du plus grand paquebot du monde, l’Oasis IV

Dans l’intérêt de l’économie et de la croissance française, il devient urgent de trouver un autre acheteur que la Russie de Poutine pour les Mistrals. Ceux qui prétendent le contraire, y compris chez nos Dirigeants, ont des intérêts cachés qu’ils n’osent pas avouer. Ce n’est pas au peuple français, et encore moins aux travailleurs de St Nazaire, d’en subir les conséquences.

Breizh-info.com :  Ne pensez-vous pas que les habitants de Crimée étaient tout aussi souverains que les Ukrainiens de Kiev afin de choisir leur destin par référendum ? Pourquoi cette conception de la démocratie à deux vitesses ?

Bernard Grua : J’attire votre attention sur le fait que je parle ici, à nouveau, en mon nom personnel. Je n’ai pas une conception à deux vitesses de la démocratie. La démocratie, c’est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Il n’y a qu’une seule définition. Les Ukrainiens, dont les habitants de Crimée, ont le droit, à mon sens, de se prononcer sur leur destin, leur unité et leur appartenance nationale, comme les Bretons devraient en avoir le droit. Le referendum devrait être l’outil privilégié de cette expression. Mais ce qui s’est passé en Crimée n’est pas le type de référendum que je voudrais voir se tenir chez nous. Il s’agissait d’un plébiscite organisé par des forces armées étrangères, russes en l’espèce, comme l’a reconnu Monsieur Poutine, a posteriori, en dépit de ses affirmations lors du déroulement de cette « consultation ». Il n’y avait que deux questions posées : « Pour l’indépendance de la Crimée » ou « Pour le rattachement de la Crimée à la Russie ». Nulle part il n’était prévu de maintenir le statu-quo, c’est à dire la permanence d’une Crimée autonome au sein de l’Etat ukrainien. 

Le plébiscite a été entaché de très nombreuses irrégularités. Les observateurs internationaux ont été interdits par la Russie. Seuls ont été invités, à titre d’« observateurs », les membres des partis de l’Extrême Droite européenne. La participation dans Simferopol, la capitale de la Crimée, a été de 120%… Les résultats officiels globaux n’ont pas grand chose à voir avec les chiffres réels qui ont été exposés très provisoirement sur le site web du Kremlin : participation effective 30% des électeurs, vote pour le rattachement à la Russie 50% des suffrages exprimés. Ma conception de la démocratie n’est pas qu’un territoire se voit annexé par un autre pays lorsque seulement 15% de sa population s’exprime en faveur de cette annexion. Je comprends que les faits que j’énonce puissent être mis en doute. C’est pourquoi, je propose de lire deux communiqués de la France au Conseil de sécurité de l’ONU
http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/espace-presse/interventions-en-seance-publique/conseil-de-securite/article/03-mars-2014-conseil-de-securite
http://www.unmultimedia.org/radio/french/2014/03/ukraine-il-etait-necessaire-pour-lavenir-des-nations-unies-de-montrer-que-la-russie-est-seule-declare-gerard-araud/

Breizh-info.com : Trouvez-vous normal que les forces armées américaines épaulent, sur le sol européen, les Ukrainiens contre d’autres Ukrainiens, c’est à dire des européens ?

Bernard Grua : C’est à nouveau un point de vue personnel. Le raisonnement géopolitique est pernicieux. Il oublie les hommes. L’Ukraine n’est pas un terrain de football vide où l’on assisterait à un match entre la Russie de Poutine et les USA d’Obama et où chacun, Ukrainiens exclus car inexistants, devrait choisir son camp. L’Ukraine est pays avec une très longue histoire et une grande culture. C’est un pays qui, depuis Anne de Kiev, fille de Iaroslav le Sage, épouse du roi de France Henri 1er, a eu des liens plus ou moins étroits avec différents pays d’Europe. L’Ukraine est le plus grand pays d’Europe, peuplé de 45 millions de citoyens instruits qui veulent être maîtres de leur destin sans intervention étrangère. Les USA n’ont aucun « droit sur l’Ukraine ». Pas plus que la Russie n’a de «droit sur l’Ukraine ». Pas plus que l’Union Européenne n’a de « droit sur l’Ukraine ». On pourrait, aussi, y ajouter l’OTAN et le pacte Eurasiatique.

La présence de forces armées américaines sur le territoire ukrainien ne serait pas plus acceptable que ne l’est la présence de membres du FSB ou du GRU sur le territoire ukrainien. Il en est de même pour les différents mercenaires russes ou tchétchènes dont certains sont repartis en « convois 200 ». Les Moscovites, chefs autoproclamés de la « rébellion » du Donbass, tels qu’Igor Girkin (alias Strelkov)  ou Alexander Borodai, n’auraient jamais dû mettre les pieds dans le Donbass. Les convois blindés qui rentrent par la frontière Est sont inacceptables. Sans financement extérieur du terrorisme, sans transfert d’armement, sans intervention étrangère, le Donbass serait en paix aujourd’hui. Cette espèce de « guerre d’Espagne » qui s’y rejoue avec son cortège d’horreurs est indigne de notre siècle. C’est absolument terrible pour l’Ukraine qui y perd toute une jeunesse bien formée, indispensable à la reconstruction du pays, sans parler du deuil des familles. C’est aussi véritablement catastrophique pour la Russie qui se referme de plus en plus dans un nationalisme ombrageux et xénophobe. Après la chute de l’URSS, il y avait des liens transnationaux  à conserver et à développer. La guerre du Donbass détruit ce qui pouvait subsister de positif dans les ex-fraternités soviétiques. C’est le peuple russe qui, in fine, sera réellement perdant. Cela a déjà commencé, chez nous. Vous verrez dans le journal Ouest-France du 20 août l’histoire d’une réfugiée russe du Donbass qui vient d’arriver, à Nantes, avec, ce qui lui reste, trois valises et ses deux filles dont une d’un an et demi. Elle n’a pas choisi « l’hospitalité » de son « protecteur » Vladimir Poutine. Elle a préféré l’extrême précarité en France. Je vous laisse en lire les raisons.  

Quant à l’Ukraine, je lui souhaite d’être indépendante et souveraine. Elle devra choisir librement ses alliances, si tant est qu’elle veuille en avoir, en étant en paix et sans intervention extérieure.

Breizh-info.com : La désunion avec la Russie n’est elle pas un danger pour la construction Européenne, actuellement soumise à l’influence américaine ?

Bernard Grua : Je vous laisse la responsabilité de vos propos : « la construction Européenne, actuellement soumise à l’influence américaine » De mon côté, je ne peux pas dire si la « désunion » avec la Russie est un danger pour la « construction Européenne ». En revanche, j’ai parcouru des milliers de kilomètres en Russie comme je vous l’ai expliqué précédemment. Je suis allé dans les endroits les plus reculés. Il y a un intérêt humain certain des Russes pour les pays européens et pour la France. Nous n’avons généralement pas idée de la sympathie que nous y suscitons et du degré de connaissances, certes idéalisées, que les Russes ont de nos pays. Des relations conflictuelles avec la Russie sont une perte aussi bien pour les Européens que pour les Russes. Ces relations sont aujourd’hui très dégradées. Je le constate auprès de mes plus proches amis russes. Je crains que cette perte ne soit irréparable.

L’Eurasisme, idéologie du régime actuellement au pouvoir en Russie, est celle qui a été formalisée par Alexandre Douguine

Ce n’est pas une idéologie pro-européenne. En ce sens, elle ne contribue pas à la « construction Européenne ». Il n’est que de voir l’accueil et les encouragements prodigués par le Kremlin aux partis ou mouvements anti-européens. La réception organisée pour Madame Marine le Pen en avril 2014 en est un exemple récent :  

L’Eurasisme ne vise pas à « l’union avec l’Europe» il s’y oppose même, tant en terme de souveraineté qu’en terme de valeurs sociales et démocratiques.

Il nous faut reconnaître que, sous l’impulsion de Poutine, la Russie choisi une chemin différent du nôtre. Je suis le premier à le regretter. J’aime la Russie et les Russes mais je voudrais à aucun prix avoir dans notre pays le régime que Vladimir Poutine verrouille, de plus en plus, dans le sien. L’Europe devra s’approfondir sans Vladimir Poutine. Espérons qu’un jour elle pourra le faire avec la Fédération de Russie  

Breizh-info.com : La Russie apparaît dangereuse aux yeux de nombreux occidentaux, sans mener la guerre nulle part dans le monde, hormis à ses frontières directes, ce qui n’est pas le cas des USA ou de certains pays occidentaux érigés en modèle de démocratie..n’est ce pas contradictoire ?

Bernard Grua : Ce paragraphe ne comprend que des considérations personnelles. Il est faux de dire que la Russie est dangereuse. C’est aujourd’hui une puissance de taille moyenne si l’on en juge par son PIB, proche de la France mais qui se situe très loin de l’Union Européenne, des Etats Unis et de la Chine. C’est de plus, une économie de rente, extrêmement dépendante des exportations et du prix des matières premières. Cette rente est accaparée par une minorité, même si la satisfaction des besoins de cette minorité assure un semblant de redistribution.
Depuis l’effondrement de l’URSS, par manque d’investissement, le pays ne fabrique quasiment plus de  produits finis et semi-finis. Le nec plus ultra, en Russie, est de dire qu’un produit est de « qualité européenne ». Le retard technologique de la Russie est considérable. Son système médical est dans un état déplorable. L’alcoolisme et les stupéfiants, qui arrivent directement d’Asie Centrale, ravagent sa population. Son espérance de vie est au niveau de celle du Bengladesh. Elle a besoin de l’Occident pour se développer et pour se moderniser. Sa marine est dans un état déplorable. Son armée de terre n’est pas au standard opérationnel des principaux pays dont l’avis compte dans le concert international. Elle n’est pas capable de mener des opérations lointaines. 

Il est rassurant pour les Russes de se croire les rivaux des USA. J’ai bien souvent entendu ce discours de la part de mes amis russes. Cela leur donne l’illusion d’être encore une grande puissance. Rien ne sert de les humilier en leur expliquant la réalité. Chaque peuple a besoin de ses rêves de grandeur. De notre côté, ne tombons pas dans le même travers. Le choix n’est pas à faire entre la Russie et les USA. D’abord parce que ces pays ne sont absolument pas comparables, ensuite parce que nous avons notre propre voie à trouver et enfin parce que l’Union Européenne est la première puissance économique mondiale.

La Russie sans Poutine n’est pas inquiétante. Elle est respectable. En revanche, la Russie de Poutine est véritablement dangereuse. Sa force ne réside pas dans sa puissance mais dans sa capacité de nuisance. Le régime de Poutine n’a aucune considération pour la vie de ses propres concitoyens comme l’ont montré les trois attentats (celui de Ryazan a été déjoué) et la seconde guerre de Tchétchènie qui l’ont porté au pouvoir. On peut y ajouter, entre autres, la façon dont ont été traitées les prises d’otage de la Doubrovka ou de Beslan Tout ceci a été raconté par Anna Politkovskaïa avant qu’elle ne fusse assassiné, le jour de l’anniversaire de Vladimir Poutine. 

Le régime de Poutine fonctionne sur des « valeurs » qui ne sont pas les nôtres. Il nous apparaît comme imprévisible et irrationnel. Nous ne savons pas comment dialoguer avec ce type d’interlocuteur. N’ayant pas les moyens de son ambition mondiale, Vladimir Poutine pour financer sa politique de plus en plus expansionniste, sacrifie les ressources qui devraient concourir au bien-être de sa population et à la remise en état de son appareil productif. Afin de maintenir, malgré tout, une certaine cohésion du lien social, Poutine est conduit à aller toujours plus loin dans une surenchère nationaliste, où la haine et la crainte de l’autre remplace la raison. Cet expansionnisme passe par le contrôle des médias en Russie et ailleurs, le financement de lobbies, l’implication de personnalité dans des affaire (cf. Schröder, Margerie, Villepin, Chevènement etc…), l’organisation d’un véritable terrorisme d’Etat et des guerres asymétriques. 

Il faut ajouter que les interventions extérieures, ouvertes ou cachées, de la Russie poutinienne ne sont pas approuvées par les instances internationales telles que l’ONU. Elles ne peuvent donc pas être comparées à d’autres théâtres d’opérations. Elles sont suscitées, organisées et déclenchées unilatéralement. Dans un tel contexte, armer Poutine en lui livrant des navires d’invasion aussi sophistiqués que les Mistrals, c’est purement et simplement contribuer au désordre et à la violence dans le monde.

Pour revenir aux USA, il est indéniable que la présidence de Georges W. Bush a été une calamité dont « l’effet Poutine » est un peu « l’effet miroir ». Les deux hommes et leurs modes d’actions sont assez similaires. La principale différence réside dans les modules de contre-pouvoir que l’ont trouve aux USA. Aveuglés par la propagande massive du clan Rumsfeld/Cheney/Rice, ces contre-pouvoirs ont été très longs à se mettre en place. Ils ont néanmoins permis, aux USA, d’éviter le règne autocratique pendant 24 ans d’un Vladimir Poutine, si l’on inclus la pseudo alternance de Medvedev : deux mandats de quatre ans en tant que Président, un mandat de quatre ans en tant que Premier Ministre, deux mandats de six ans en tant que Président. Les mensonges de la guerre d’Irak de Bush ont ouvert la boite de Pandore aux mensonges de la propagande poutinienne. On voit encore les métastases de cette politique extérieure insensée en Irak et en Afghanistan plus particulièrement. L’ignorance, l’inculture et la suffisance de la nation la plus puissante du Monde suscitent des rancunes. Ces phénomènes alimentent un anti-américanisme qui est, bien souvent, justifié. Mais c’est faire beaucoup trop d’honneur à un autocrate criminel, chef d’une puissance moyenne, que de faire systématiquement rimer anti-américanisme et pro-poutinisme. L’Ukraine et notre pays valent mieux que cela. 

Bernard Grua, Nantes

19 août 2014

https://www.facebook.com/NoMistralsForPutin?fref=ts

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4 réponses à “Saint-Nazaire. Entretien avec Bernard Grua (no mistral for Putin) [interview]”

  1. Gilles helger dit :

    Ce type est effarant d’ignorance historique et de manipulation :
    2 exemples parmi d’autres
    L’ukraine est une association de territoires montée par l’URSS, pour la plupart après 45 : Bessarabie, Bukovine, Volhynie, Transcarpathie, etc n’ont pas plus que la Crimée à voir avec Kiev. Ils étaient en Pologne Slovaquie Roumanie Hongrie avant 45; D’ailleurs ces états n’ont jamais donné leur accord à la délimitation de la frontière Ukrainienne. L’Ukraine n’est pas, dans ses limites actuelles, une nation unitaire millénaire !
    Il ose nous parler de commandes polonaise en matière d’armement c’est risible! Ces commandes sont payées dans le cadre des programmes américains de financement et la Pologne achétera américain comme elle l’a déjà fait pour les avions! Pour un type qui se prétend chef d’entreprise ne pas comprendre que l’absence de livraison tuerait définitivement notre industrie de la défense et pas qu’elle d’ailleurs, est étonnant!

  2. Esteban95 dit :

    J’aimerais que le rédacteur de cet article nous explique pourquoi, arguments à l’appui, la Crimée, Sébastopol et Kiev n’ont absolument rien de commun avec la Russie …
    Poutine est descendu en flammes comme le pire des dictateurs pendant que nous passons sous silence les terribles décennies staliniennes du communisme, époque durant laquelle nos « bons occidentaux » s’abstenaient de tout commentaire péjoratif à l’endroit d’un régime qui a servi de modèle au nazisme, ne vous en déplaise !
    Pour vos prochains articles, essayer de ne pas faire des copié-collé des dépêches de l’AFP, documentez vous, ce sera mieux.

  3. Lambert dit :

    Excellent article qui rétablit la réalité d’une nation millénaire par trop méconnue en France et anéantit la désinformation néo-soviétique dont sont friands tant de pseudo « patriotes » français.

    Merci aussi à Breizh Info de m’avoir fait connaître Bernard Grua.

    Continuez à nous réinformer de la sorte et n’hésitez jamais à envoyer au diable les petits télégraphistes de la haine anti-européenne qui s’expriment ci-dessus …

  4. Joel Andre dit :

    Oh là, il a besoin de prendre des cours d’Histoire et de géopolitique ce petit, et aussi d’ouvrir les yeux, incroyable de bêtise, c’est perroquet qui ne répète que ce que la TV lui a dit, enfin……………

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