Dès le réveil je le pressens, c’est une «journée inutile*», infructueuse au possible, un dimanche apathique perdu dans la langueur du mois d’août. Une invitation de ma belle-sœur vient rompre le rythme lambin de cette matinée dominicale : « Venez nous voir à Saint-Jean-de-Monts » .
Bon Dieu ! Le nom de cette station balnéaire fait ressurgir les frasques de mon adolescence. Il est vain de vouloir réfréner les ardeurs de sortie, mon sens de la diplomatie familiale me convainc de céder à la pression.
L’arrivée sur Saint-Jean-de-Monts réveille les vieux souvenirs, je retrouve notamment la rue des mangeoires et son enfilade d’enseignes racoleuses. La crêpe vendéenne abâtardie dans le mercantilisme touristique triomphe aux côtés d’une pléthore de pizzerias. Mouleries et brasseries tristounettes viennent compléter une offre de restauration affligeante de médiocrité.
Ma belle-sœur s’est claquemurée dans une « merlinade » au droit de la base nautique. La vue des immeubles me glace d’effroi, leur modénature balourde, typique des années 70 n’a décidément pas réussi à conquérir ce charme futuriste que lui prêtaient les grands visionnaires de l’architecture. La silhouette des façades biseautées se repère au loin. La sur-fréquentation de la station rend le stationnement délicat, je me gare avec une certaine appréhension sur une place numérotée du parking privé. L’occupation paraît clairsemée, « ça devrait le faire »…
L’entrée dans l’immeuble tient toutes ses promesses : un hall défraîchi figé dans le formol décoratif de l’époque. Le balatum délavé, tout juste égayé par le blanc d’une peinture en projeté donnant un aspect granuleux aux murs nous téléporte dans une ambiance surannée. L’appartement est dans la parfaite continuité stylistique, un clapier d’un seul tenant parvenant à réunir la kitchenette, salon et chambre dans moins de 20 mètres carrés. Sitôt entrés, malgré quelques échappées sur le balcon étriqué donnant vue sur mer, l’exiguïté de l’appartement devient oppressante, une ballade au grand air s’impose !
Nous sommes à l’orée du 15 août, la station grouille de monde, un contexte idéal pour une plongée ethnographique dans la sociabilité vacancière de nos compatriotes.
Le trajet qui nous mène au cœur du centre-ville de la station ne manque pas de piquant et me prépare à l’entrée dans un monde surréaliste. Frappé par la décontraction vestimentaire versant tantôt dans le relâchement de mauvais goût, tantôt dans l’exhibition sans retenue, je comprends que le touriste de Saint-Jean-de -Monts aime afficher son statut de vacancier. Chemin faisant, je me fonds dans une populace à l’allure négligée, les hommes ventrus sont torses nus, leur inélégance quasi obscène le dispute au « look » criard des rombières de plage. La jeunesse s’aligne sur le même ton avec un brin de fantaisie pour leur défense et l’indulgence qui sied à l’âge de l’insouciance.
J’approche de l’épicentre, le débouché de la grande artère commerçante, véritable « strip » de la station. Comme à son habitude la rue est comble, notre convoi familial s’ébranle dans le flot dense et informe de la plèbe touristique.
Assez surprenant de constater un chaos ambiant régi par une discipline de circulation, une règle tacite institue un aller et un retour que la psychologie grégaire enjoint de respecter. Très vite, je suis happé par des relents d’odeurs hétéroclites. Le graillon des Kebab se mêle aux parfums des gaufres dans un cocktail de senteurs un tantinet écœurant. Tour à tour, marchands de glaces et friteries répandent une atmosphère de débauche alimentaire.
A chaque pas, une personne pourlèche sa glace dégoulinante, le sucre et la graisse sont les viatiques des vacances. Devant moi, une dame est en plein lâcher-prise, elle tient dans une main une pomme d’amour confite dans le sucre et dans l’autre un chichi suintant de gras. Sur la fin du parcours, le tintamarre d’un casino pour enfant agit à merveille sur mon rejeton. Nanti d’un budget de 5€, il tente sa chance au pouce-jetons, la plus belle arnaque légale du monde des jeux. Soudain, un message comminatoire laissé sur mon portable m’avertit de l’enlèvement imminent de mon véhicule. Ma voiture commerciale affiche mon numéro de portable et le propriétaire de la place n’a pas manqué de s’exciter dessus. Je m’arrache à l’enfer du jeu enfantin, tente de m’extraire du tumulte pour réparer le préjudice.
Arrivé sur les lieux du forfait, je découvre sur mon pare-brise un post-it : « je veux récupérer mon parking, monsieur Lacaque , appartement 383 ».
Finalement, même dans un univers de plage aussi bêtifiant, gangréné par la voracité touristique, il se trouve encore des gardiens du droit de la propriété. J’aurais bien ajouté un « l » à son nom, mais trop pressé de quitter cet endroit décadent et horrifique !
*Une journée inutile : Titre d’un roman de Janine Brégeon, paru chez Gallimard en 1966.
Raphno
Crédit photo : DR
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5 réponses à “Saint-Jean de Monts. Une après-midi à « cauchemar-land »”
[…] http://www.breizh-info.com/15119/actualite-societale/saint-jean-monts-apres-midi-cauchemard-land/ […]
Vous rendez vous compte que vous êtes en train de critiquer la deuxième station balnéaire de France, labellisé 4 fleurs.
Aucune tolérance pour les gens et pour cette ville tant fréquenté.
Vous insultés ici par cette article des milliers voir des millions de personnes fréquentant la ville de Saint Jean de Monts.
Restez dans votre Bretagne qui est si belle, ou il fait si chaud et ou les gens sont très accueillants….
Cordialement
Maureen
Touriste aimant aller à Saint jean de Monts
Le week-end du 15 août, c’est sûr il y du monde, c’est un peu comme le 14 juillet sur les Champs Elysées quand on aime pas la foule on n’y va pas !!
Faut rester à la Baule si St Jean c’est trop plouc pour vous
Bonjour Monsieur,
A la lecture de votre texte, il semblerait que votre « plongée ethnographique » ne vous ait pas permis de conserver une vision très enthousiaste de St Jean de Monts, je m’en voudrais de vous laisser sur cette idée et je vous invite à enrichir votre point de vue au travers d’une balade guidée.
La balade s’intitule : « Balade Découverte – Raconte-moi Saint Jean » et vous guidera au milieu d’autres quartiers et époques de St Jean de Monts. Elle vous permettra de retracer la métamorphose d’un petit village du marais vendéen en station balnéaire et d’entrevoir la richesse sociale et architecturale qui se cache dans la station.
Ne tardez pas à vous inscrire, la dernière balade est programmée pour le 19 septembre :
http://www.saint-jean-de-monts.com/sports-nature-balade-a-pied.html
Bonne balade à vous.
PS : Je vous propose en attendant un début d’information sur cette page.
Bonne lecture à vous !
http://bit.ly/webmag_stjean_1histoire
Xavier DRUHEN,
Office de Tourisme de St Jean de Monts