La saison pousse à la rebellitude. C’est la polémique intello de l’été, engagée par le romancier Edouard Louis (En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, 100 000 exemplaires) et le sociologue Geoffroy de Lagasnerie (Logique de la création, 2011). Ils refusent de participer à un colloque de la série ‘Rendez-vous de l’Histoire’ programmé pour le mois d’octobre prochain à Blois, sur le thème ‘Les Rebelles’. Prétexte : le premier invité, Marcel Gauchet, patron de la revue Le Débat, serait un réactionnaire patenté. Les deux rebelles refusent donc d’y participer. Ils le font savoir par Libé interposé, avec appel au boycott de la manifestation confidentielle.
Quiconque a entendu Gauchet secouer les amphis de l’université de Caen, dans l’après 1968, se frotte les yeux. Il est vrai qu’à cette époque l’agitateur n’aimait ni les militants de la Ligue communiste révolutionnaire ni ceux du Parti communiste. Et quand il se présentait à l’agrégation de philosophie, c’était pour imposer aux correcteurs la lecture de pamphlets contre l’agrégation. Autant dire qu’il choisissait de n’être pas reçu. Ses deux contradicteurs d’aujourd’hui, quant à eux, ont fréquenté les locaux de Normale Sup’, et Lagasnerie a passé l’agrégation d’économie. Question rébellion, ils n’ont pas le même curriculum.
D’où vient le conflit ? Petit dossier égale simplicité. La livraison du Débat de mai-août 2014 plaide ouvertement contre l’homoparentalité. Les deux militants de la rebellitude, eux, sont pour. Voilà qui, mutins historiques autoproclamés, les qualifie pour détecter les vrais réactionnaires.
La sédition les rend cependant sensibles aux protections. Le livre de Louis a été primé par SOS Homophobie, qui défend les LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) et assure la communication. Et Lagasnerie, après avoir enseigné à Sciences-Po, s’est réfugié dans le professorat subventionné à l’École Nationale supérieure d’arts de Cergy-Pontoise (ENSACP). Il suit en cela l’exemple du polémiste Peter Sloterdijk qui, après des études de philosophie à Munich, a pris la direction de l’École des Beaux-arts de Karlsruhe. L’un et l’autre piratent les habitudes des ‘artistes’ qu’ils fréquentent : substituer à l’élaboration d’une œuvre (picturale, ou philosophique) une accumulation d’accrochages, installations et autres performances. Tout ce que la tradition qualifiait de trompe-l’œil.
La rébellion en chambre de Louis et Lagasnerie glisse vers un trompe-l’entendement que balisent déjà des milliers de twit’s. Sans doute un programme pour les performances à venir, sitôt oubliées que publiées.
Jean-François Gautier
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2 réponses à “Rébellion en chambre [chronique]”
« Quiconque a entendu Gauchet secouer les amphis de l’université de Caen, dans l’après 1968, se frotte les yeux. »
Quiconque sait que Gauchet a pour idole le philosophe nazi Heidegger en 2005 se frotte les yeux devant votre article http://www.lemonde.fr/livres/article/2006/09/28/heidegger-a-perdre-la-raison_817949_3260.html
Gauchet nazi ? Bon sang, mais c’est bien sûr !
Quand les khmers roses se déchaînent…on pense à Audiard, bien sûr : « les c. ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait… »