21/07/2014 – 07H00 Histoire (Breizh-info.com) – On savait l’auteur amoureux des archives et toute sa bibliographie en atteste mais ici il nous montre à quel point il les maîtrise. Sur un thème transversal, toujours difficile à conduire, un parcours sans faute qui traite des lettres, suppliques, placets, doléances, lettres d’avis, pétitions, requêtes présentés par des « petits » aux puissants. De la fin du Moyen Age à nos jours, de Charles V à Ménie Grégoire, Bercé suit ces tentatives de la dernière chance à travers toute l’Europe. La pratique est commune aux monarchies, depuis la France qui codifie (dès 1413) le cheminement des suppliques jusqu’à la Russie où le tsar Paul Ier fait poser une « boite jaune » à l’entrée de son palais.
Les dictateurs du XXème siècle sont à l’écoute de la « vox populi ». Des plaintes qui montent vers eux, ils font un moyen de maîtrise de l’opinion. Le secrétariat du Duce traite 1500 lettres par jour ; le Führer en reçoit 294 000 en 1940. En U.R.S.S., la Pravda est inondée de lettres, 10 000 par mois, dont elle ne publie qu’une part insignifiante. Les démocraties n’échappent pas à la pratique. En France, l’habitude de solliciter le locataire de l’Elysée remonte au début de la République. En 1983, il reçoit 1 000 lettres par jour.
Hors du domaine public, les médias s’en mêlent, la radio en premier. On se souvient des dialogues engagés par Max Meynier avec « ses routiers ». La confidentialité n’est plus de mise, l’exposition jusqu’à l’obscène s’impose, on le voit avec les réseaux numériques.
Bercé n’oublie pas le versant déplaisant, odieux de cette histoire des suppliques : les lettres de dénonciation que les auteurs présentent comme des actes de vertu civique, de fidélité au pouvoir et qui servent le plus souvent de sordides intérêts. Tout cela à découvrir avec curiosité et même jubilation. A noter, en annexes, deux douzaines d’exemples.
Jean-Joël BREGEON
YVES-MARIE BERCĖ, La Dernière chance, Perrin, Tempus (inédit), 273 pages, 9 euros.