14/07/2014 – 08H00 Rennes (Breizh-info.com) – Jean de Legge a été pendant plusieurs années directeur de la communication de la ville et de la métropole de Rennes. Il vient de publier un livre de réflexion sur cette expérience, Les Propagandes nécessaires – Éloge critique de la communication locale. Ce témoignage est intéressant car il vient d’un professionnel renommé. Sa lecture laisse cependant un sentiment de malaise. Comme son titre l’indique, c’est tout sauf un aveu de repentance. Ce n’est pas non plus l’apologie du genre « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » que cultive si volontiers la corporation de l’auteur.
Jean de Legge, qui fut aussi journaliste chez Ouest France et directeur du cabinet d’études TMO Ouest, ferait-il un complexe vis-à-vis des communicants parisiens ? L’identité, de nos jours, est locale et non plus nationale, estime-t-il. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit une expression populaire : l’identité doit être fabriquée. « Qu’est-ce qui fait tenir les gens ensemble ? Ce qu’ils croient, ce qu’ils vivent, ce qu’ils voient, c’est-à-dire ce que le système de communication porte et encadre. » La communication est « un travail stratégique et politique qui consiste moins à accompagner les pouvoirs et à valoriser les élus qu’à construire, dans la durée, un rapport positif des habitants à leur ville et à leur avenir ».
Construire un rapport positif… : ainsi, la fonction manipulatrice de la communication municipale n’est pas niée, ni admise du bout des lèvres, elle est revendiquée. Ailleurs, l’auteur évoque ouvertement « les fictions qu’il faut construire pour fabriquer du rassemblement ». Cette démarche a un nom, que Jean de Legge revendique aussi : « L’emploi du terme propagande se justifie lorsqu’il s’agit de proposer des interprétations du monde ». Et il insiste : « Ces propagandes sont nécessaires parce que sans travail de communication, pas de cohésion sociale, pas d’appartenance partagée, pas de lecture d’un avenir commun ». Il s’agit de « produire un roman local » ‑ mais les héros de ce roman sont les hommes au pouvoir. Sous couvert de communication locale, ces derniers font donc payer leur propagande politique par les contribuables ; on se rappelle au passage que Daniel Delaveau fut dircom de Rennes avant de devenir maire de la ville.
Est-il légitime que l’établissement public de coopération intercommunale qu’est une métropole s’arroge le droit de façonner les sentiments de sa population ? Jean de Legge ne se pose même pas la question : « jouer avec les sentiments d’appartenance et valoriser l’identité du territoire constituent le cahier des charges du communicant local, c’est l’impératif que personne ne discute. » Sans chercher à expliquer pourquoi, il affirme nécessaire « d’entreprendre un travail idéologique créant du ciment social et légitimant les élus ».
Jusqu’où pousser le cynisme ? Jean de Legge ne le dit pas. On n’invoquera pas le 1984 de George Orwell : le ministère de la propagande y est camouflé en ministère de la Vérité. Pas de camouflage chez Jean de Legge, qui a au moins le mérite de la franchise. Mais on ne peut oublier que le ministère dirigé par Goebbels couvrait à la fois la Propaganda et la Volksaufklärung (éducation du peuple).