Présenté en compétition lors du dernier Festival de Cannes, Jimmy’s Hall, de Ken Loach, n’y aura pas reçu un accueil enthousiaste. Bien à tort. Si ce film n’atteint peut-être pas la force de celui qu’il avait déjà consacré à l’Irlande – Le vent se lève (Palme d’or en 2006) – il s’inscrit parfaitement dans cette continuité.
On est au début des années 30. Jimmy Gralton, après un exil de 10 ans aux USA, retourne en Irlande pour aider sa mère à s’occuper de la ferme familiale. Dix ans après la guerre civile, alors que l’Irlande s’est dotée d’un nouveau gouvernement, les jeunes de son village s’ennuient fermement. Ils vont lui demander de rouvrir le « Pearse and Connolly Hall », un foyer dans lequel on pourra danser, lire, apprendre à chanter ou à dessiner, faire de la musique ou même de la boxe. Mais le succès remporté par ce patronage populaire ne sera pas du goût de tout le monde. L’Eglise y voit l’œuvre du diable et les autorités un foyer de subversion communiste…
Derrière la caméra de Loach, plus que jamais cinéaste de la « common decency », c’est toute la vie une communauté rurale du Comté de Leitrim qui est représentée. Interprété par l’excellent acteur irlandais Barry Ward, Jimmy Gralton incarne la figure du héros ordinaire vers lequel se tourne spontanément le petit peuple. Autour de lui gravitent tout un ensemble de personnages secondaires hauts en couleur que le réalisateur met en scène avec tendresse et retenue.
Au travers de cette histoire, Ken Loach a voulu remettre en cause « l’idée que la gauche est moribonde, déprimante et hostile à l’humour, au plaisir et à la fête » (Marianne 27/06/14). Dans un entretien accordé à L’Express (03/07/14), il affirme « qu’il y a toujours des batailles à mener. Lutter contre l’orthodoxie ultra -libérale est le plus grand défi actuel. Cette politique mène au chaos. Elle nous tue. Jimmy Gralton luttait, lui aussi, contre la pensée dominante. A l’époque c’était l’Eglise, aujourd’hui c’est le pouvoir économique. » Selon le réalisateur, Jimmy’s Hall devrait être son dernier film. On espère vivement qu’il n’en sera rien.
P. Elgey
Jimmy’s Hall, de Ken Loach. 1h49. En salles