On connait la phrase historique de Christian Troadec : « les ministres bretons, quand ils sont à Paris, pensent comme des Parisiens ».
Formule qui s’applique parfaitement à Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique.
En décembre 2011, elle avait activement participé au complot des huit députés bretons qui avaient tenté de faire adopter un amendement facilitant le retour de la Loire-Atlantique dans le giron de la Bretagne.
La manoeuvre avait démarré en douce de manière à contourner l’obstacle Ayrault : les huit s’appelaient Lebranchu, Urvoas, Benoist, Hunault, De Rugy, Le Nay, Le Fur et Grall.
Une photo prise dans les jardins du Palais-Bourbon illustre ce grand moment d’unité bretonne (22 décembre 2011, Ouest France).
Mais, depuis, Marylise Lebranchu est devenue ministre. Ce qui change tout dans le comportement de la dame devenue, subitement, une grande prêtresse de la fusion entre la Bretagne et les Pays de la Loire. Rejoignant de ce fait le camp des anti-Le Drian.
Or, il se trouve que madame Lebranchu est non seulement député de Morlaix, mais encore conseiller régional de Bretagne. Lorsque la droite (Josselin de Rohan) dirigeait la Région, on sentait bien qu’en prendre la présidence la démangeait. Mais difficile d’être au four et au moulin lorsqu’on est ministre de de la Justice (gouvernement Jospin).
Elle se contentait donc, lors des sessions, de prononcer un speech, dès l’ouverture de la séance, histoire de montrer qu’elle existait, puis elle s’enfuyait vers ses responsabilités parisiennes.
Ce qui favorisait le face-à-face de Rohan Le Drian puisqu’à cette époque, le conseil régional fonctionnait avec une sorte de co-gérance.
L’assiduité de Le Drian fût récompensée puisque c’est lui qui succéda au Duc. On ne pouvait que s’en féliciter puisque Le Drian a la tripe bretonne.
Aujourd’hui, en privé, Lebranchu n’exclut pas de se présenter aux élections régionales de décembre 2015. Se trouvera t-elle en position de force pour imposer sa présence sur la liste « de gauche » qu’il serait plus réaliste de dénommer « liste le Drian » ?
Rien n’est moins sûr. D’une part, depuis le remaniement, son champ ministériel ne cesse d’être grignoté. Sa dernière déconvenue : on lui a enlevé la « réforme de l’Etat » pour confier ce morceau de son maroquin à Thierry Mandon, directement rattaché à Matignon.
D’autre part prendre position, à l’occasion de la réforme territoriale, contre Jean-Yves le Drian ne constitue certainement pas l’action la plus habile de sa carrière politique.
Aux prochaines élections régionales, M. Le Drian aura-t-il envie de faire monter dans son service une femme coupable d’avoir joué contre les intérêts bretons ? Et d’avoir ainsi compliqué la vie du « parrain » Le Drian en défendant le même projet par l’équipe Ayrault ?
Mme Lebranchu appartient à la catégorie des ministres essorés, victimes des volte-face de l’Elysée, elle patauge dans la réforme territoriale depuis plusieurs mois. Sa spécialité : « avaleuse de couleuvre », dixit le Nouvel Observateur. Bref, un petit ministre. Il est vrai qu’il n’en manque pas au gouvernement…
Bernard Morvan