En tant que président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, il revenait à François de Rugy, député de Nantes-Orvault, de répondre au Premier ministre Manuel Valls, après sa déclaration de politique générale (8 avril) qui suivait sa nomination à Matignon. Pour ce qui relève de la « nécessaire réorientation des investissements publics », M. de Rugy a fait le service minimum : on le sentait désireux de ne point fâcher le nouveau chef du gouvernement :
« En matière de transport et d’infrastructures notamment, un certain nombre de projets sont contestés et doivent être réexaminés, remis à plat, comme le canal Seine-Nord, le tunnel Lyon-Turin ou le projet d’aéroport de Notre-dame-des-Landes« . Fermez le ban.
Cinq petites lignes sur les 274 de son intervention. Là, on sent le parlementaire prudent, voire habile, soucieux de ne pas insulter l’avenir. On ne sait jamais, à l’occasion d’un prochain remaniement ministériel, une petite place pourrait revenir au sieur de Rugy – le siège de député reviendrait alors à son suppléant Pascal Bolo (PS), actuellement premier adjoint de la Ville de Nantes.
Même ton évasif pour la future réforme territoriale. Demeurer dans les généralités permet d’éviter la question du redécoupage des régions, donc de la réunification de la Bretagne. Puisqu’« à propos du millefeuille territoriale », Manuel Valls a « annoncé des mesures fortes pour le réformer », M. de Rugy annonce haut et fort : « nous vous soutiendrons, et, en la matière, vous aurez besoin de tous les réformateurs, où qu’ils soient, car entre chaque feuille de ce millefeuille se loge manifestement une couche d’immobilisme et de conservatisme ». Une nouvelle fois, fermez le ban. Le député de Nantes-Orvault ne se mouille pas.
La volonté de bien faire le conduit même « à saluer également l’engagement désintéressé et le courage déployés par Jean-Marc Ayrault dans le redressement entamé depuis deux années, au cours desquelles les députés écologistes ont apporté leur soutien au gouvernement, lors du vote de confiance de 2012, comme lors des différents votes budgétaires. » Un bon petit soldat ce M. de Rugy. De la bonne volonté à revendre, qui finit par ressembler à une échine trop souple ..
Mais M. de Rugy aura l’occasion de se rattraper prochainement. En effet, le samedi 5 et le dimanche 6 juillet, aura lieu le rassemblement annuel des opposants au projet de l’A60 (Aéroport du Grand Ouest). A Notre-Dame-des-Landes, le député écologiste pourra prendre la parole le dimanche matin à l’occasion du « meeting politique » organisé sur la grande scène. Inutile de préciser que le public présent attendra des positions claires, pas de l’eau tiède.
Autre occasion de s’illustrer pour François de Rugy : le projet de loi de réforme territoriale qui sera examiné par le Parlement en juillet. Tout au moins un premier texte concernant le découpage régional et le scrutin. Démarrage des opérations : le 4 juillet au Sénat. Jean-Marc Ayrault tentera au cours du débat d’obtenir la fusion de la Bretagne et des Pays de la Loire. Autant dire que tous les sénateurs et les députés bretons hostiles à la disparition d’une région bénéficiant d’un socle solide – une histoire, une âme, un sentiment d’appartenance – au profit d’un magma sans queue ni tête, auront fort à faire pour empêcher l’ancien Premier ministre d’imposer ses vues.
La Bretagne aura besoin de François de Rugy pour empêcher ce coup funeste. En effet, en tant que président de groupe, il dispose d’un temps de parole appréciable au Palais-Bourbon. Ce sera l’occasion pour lui de se dépasser en prononçant un beau et noble discours susceptible de frapper les imaginations et les coeurs. En effet, avec une région « Grand Ouest », celle dont rêve Jean-Marc et l’oligarchie nantaise dont il est le porte-parole, c’est l’existence même de la Bretagne qui serait en jeu. Elle ne serait plus qu’un souvenir avec le Parlement à Rennes et le château des ducs à Nantes. Deux équipements touristiques en quelque sorte ….
Bernard Morvan
Crédit photo : DR [cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.