Après « l’histoire du terrorisme » rédigé par Dominique Venner aux éditions Pygmalion en 2002, les éditions Perrin publie cette année une histoire du terrorisme écrite par Gilles Ferragu.
Agrégé d’histoire, ancien membre de l’Ecole française de Rome et maître de conférence en histoire contemporaine à l’université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense, il est également l’auteur d’un dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège ou encore d’un ouvrage sur le XXème siècle (1914-2001).
Parcourant un peu plus de deux siècles de terrorisme (le mot étant apparu à la fin du 18ème siècle notamment dans le cadre de la révolution française) l’ouvrage évoque cette violence politique qui frappe le monde entier, qui peut émaner de groupes minoritaires comme d’Etats et qui pèse désormais lourdement dans l’Histoire.
Se basant sur une bibliographie impressionnante, l’auteur dresse un vrai panorama d’historien, avec analyses des mouvements, des différents attentats qui ont parsemé le monde ainsi que les liens entretenus de façon temporelle ou historique entre différents mouvements. L’approche est à la fois historique et thématique, chaque chapitre s’attachant à saisir, dans une aire géographique ou au prisme d’une idéologie particulière, l’émergence de la violence, ses principaux acteurs et ses hauts faits, ainsi que les réponses politiques que s’efforcent d’apporter les sociétés ou les pouvoirs.
Même si le lecteur peut rester sur sa faim par manque d’approfondissement de l’historique de chaque mouvement, il est entendu que l’analyse de chaque mouvement politique rentrant dans une lutte armée ferait lui même l’objet de plusieurs ouvrages, d’où la tentative plutôt réussie de Gilles Ferragu de synthétiser, et de terminer par cette conclusion au titre choc : « le terrorisme, une histoire en devenir »…
Histoire du terrorisme – Gilles Ferragu – Perrin – 23,50€
L’auteur a bien voulu répondre aux questions de Breizh-info.com
Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter ?
Gilles Ferragu : Je suis historien, j’enseigne à l’université Paris Ouest – Nanterre ainsi qu’à Sciences Po Paris. A l’origine, je m’intéresse aux questions de relations internationales et de religion, notamment à la politique extérieure du Saint Siège, puis je suis venu à l’histoire du terrorisme en m’interrogeant la manière dont la foi, le sacré, peuvent motiver des individus, tant au service d’un idéal humaniste qu’au nom d’une cause politico-religieuse, jusqu’au martyr ou à la violence. Après avoir travaillé récemment à un Dictionnaire du Vatican (Robert Laffont, 2013) et après avoir réfléchi à la place des Eglises durant la Seconde guerre mondiale (à paraître, chez Folio, au sein de la nouvelle histoire de la Seconde guerre mondiale), je me suis engagé dans cette recherche, passant de la violence d’inspiration religieuse à la violence politique tout court, dans ses divers ressorts. Je m’intéresse maintenant au versant étatique, c’est à dire à l’anti-terrorisme, depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours.
Plus largement, il s’agit d’une synthèse, c’est à dire que je tente d’embrasser, largement, le phénomène, pour lui donner un sens, celui d’une violence politique que la société moderne ne parvient pas à refouler : il faut se demander ce que « dit » le terrorisme d’une situation, d’un problème politique.
Sur les Etats-Unis, je parle des bombardements et des stratégies de « bombardement psychologique », j’évoque la « guerre contre le terrorisme » initiée en 1970 dans le cadre du plan Condor, et réactivée par G.W. Bush, de même que les méthodes employées contre la gauche radicale américaine ou encore le soutien apporté à l’islamisme en Afghanistan jusqu’en 1989… on est là dans le registre du terrorisme, – terreur d’Etat ou instrument dans le cadre d’un conflit larvé.Mais la politique américaine, notamment durant la guerre froide, ne me semble pas relever systématiquement de cette acception, pas plus que maintenant : il s’agit d’une politique de puissance, qui use de la guerre, de la déstabilisation (cf. Allende, etc.) entre autres instruments.
Le terrorisme n’est pas la guerre, c’est une violence autre : la terreur d’Etat relève plutôt des dictatures, quant au terrorisme des minoritaires, il est plutôt dirigé contre les Etats-Unis. Reste la question de l’implication des grands Etats dans des attentats. Et là, faute d’archives, je suis extrêmement prudent.
En outre, dans un contexte de crise, la violence politique semble à certains la voie la plus rapide pour obtenir un résultat (cf l’émergence du terrorisme dans la Grèce actuelle).Les médias, le web 2.0 sont de parfaits relais pour ce type de discours et de pratiques, qui éclairent également les tentatives des Etats pour contrôler, prévenir la violence politique, via notamment le système des Big Data (type NSA)… au risque des libertés. Le dilemme qui s’instaure – sécurité/liberté – est latent depuis les années 70 et l’introduction des portiques dans les aéroports : à quel moment l’exigence de sécurité autorisera-t-elle le déclin des libertés (cf le 11 septembre et le Patriot Act, temporaire il est vrai).
Campi/Zabus/ Bourgaux, Les larmes du seigneur afghan (Dupuis, Aire libre, 2014) : une belle illustration dessinée de la complexité des enjeux afghans
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