Européennes : Le souverainisme, le suicide des Européens [tribune libre]

Alors qu’une vague dite « souverainiste » s’apprêterait à déferler  lors des élections Européennes de dimanche prochain, les défenseurs d’une Europe unie semblent avoir du mal à se faire entendre tant l’idée Européenne est actuellement incarnée par  la Commission de Bruxelles – constituée de membres nommés par les gouvernements souverains des Etats d’Europe – et par une alliance économique et politique inféodée aux intérêts américains et aux marchés économiques mondiaux.
Pourtant, cette construction européenne possède une légitimité notamment au regard de l’histoire de sa civilisation pluri-millénaire. Celle-ci a vu en permanence les peuples d’Europe s’unir, partager, inventer, construire ensemble, découvrir le monde, sans empêcher toutefois les guerres fratricides et les conflits de pouvoir.

Ainsi, le siècle de 1914 aura connu deux guerres civiles qui ont anéanti des millions d’Européens, dont une bonne partie de l’élite du début du siècle dernier. Il aura pourtant  été à la fois le siècle du grand suicide des peuples Européens par la guerre et celui porteur d’une volonté d’apaisement et de construction d’un ensemble politique et économique cohérent, enraciné, fort.
C’est contre cela que se sont opposés les gouvernements français, anglais et allemands, pourtant censés être les moteurs de l’Europe et cela depuis des décennies. C’est le fruit de leur asservissement économique sans conditions aux USA depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

Ils s’y sont opposés en fabriquant des institutions technocratiques, sans légitimité populaire, mais surtout en effaçant toute trace de leur passé commun, leurs traditions, leur civilisation, leurs religions  ce qui devrait pourtant constituer la base de l’Union des Européens.

Ils s’y sont opposés en élargissant sans cesse un espace considéré comme uniquement économique et en affichant, depuis plusieurs décennies , la volonté de faire entrer la Turquie, c’est à dire en réalité l’empire Ottoman, ennemi historique de la civilisation européenne, dans cet ensemble « sans âme ».

Ils s’y sont opposés en laissant l’Amérique mener plusieurs guerres et même en y collaborant sur le sol Européen, comme en Serbie,  au Kosovo, mais aussi des guerres d’influence, comme en Ukraine, au détriment de la Russie.

Ils s’y sont opposés en ouvrant grand les frontières de l’Europe, en favorisant l’immigration massive venue prioritairement de l’Afrique ou du Maghreb pour la France, de Turquie pour l’Allemagne et d’Asie pour l’Angleterre. Une immigration qui, petit à petit, est apparue aux peuples d’Europe comme la volonté d’une minorité de les remplacer purement et simplement par d’autres populations. Il est ainsi devenu courant de Birmingham à Bruxelles en passant par certains quartiers parisiens ou berlinois, que les Européens de souche soient minoritaires.

Ils s’y sont opposés car, au final, ces dirigeants des pays européens  n’étaient que des souverainistes défendant leurs intérêts économiques propres et ceux d’une petite oligarchie dominante aujourd’hui. Mme Le Pen, M. Mélenchon ou M. De Villiers, comme M. Farage au Royaume-Uni,  ne sont en fait que leurs enfants.

Des enfants contestataires certes : mais que défendent-ils au juste ?

La souveraineté de leur petite Nation en tant qu’espace géographique et entité historique face à l’union nécessaire des peuples Européens en vue de constituer une Europe souveraine et puissante. Celle-la même  qu’ils refusent aux petites patries qui constituent la France ou l’Angleterre, comme en témoigne la volonté de Madame Le Pen de supprimer les régions, de ne pas reconnaître les langues régionales ou celle de M. Farage d’appeler à voter contre l’indépendance de l’Ecosse.
Ces « souverainistes » pour lesquels de nombreux européens s’apprêtent à voter et qui disent être le dernier rempart de leur peuple (contre qui ? contre quoi ? ) sont en réalité le couteau qui pourrait provoquer le suicide de tout un continent. Un suicide pour lequel, néanmoins, les principaux responsables se trouvent au sein de la Commission de Bruxelles et dans les milieux qui ont construit cette Europe technocratique.

Ce que veut M. Farage aujourd’hui ? Empêcher les immigrés d’Europe de l’Est de se rendre en Angleterre, leur enlever tous droits sociaux, les « mettre à la mer ». Mais où était ce Monsieur à l’époque où toute l’Angleterre s’indignait contre les propos d’Enoch Powell, qui avait prédit « l’invasion du pays » par les peuples du Tiers-Monde ? Où était M. Farage lorsque des pans entiers de la Grande-Bretagne sont tombés sous la coupe islamique et asiatique ? Il ne parlait pas. Il se taisait. Et aujourd’hui, c’est une pakistanaise responsable des jeunes de son parti, l’UKIP, qui  demanderait aux citoyens  anglais  d’aller voter pour renvoyer « chez eux » des Européens de l’Est.
Tout comme aujourd’hui, des dirigeants du Front National, vont prôner une « tolérance zéro » envers les Roms et une restriction de l’immigration venant de l’Europe de l’Est. C’est également le parti de Marine Le Pen qui s’accroche aux DOM-TOM français, derniers vestiges d’un colonialisme dont toute l’Europe paye aujourd’hui les conséquences, et qui dans le même temps refuse qu’un Grec ou qu’un Allemand participe aux décisions collectives de l’Union des Européens.
Lorsque Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche et souverainiste jacobin lui aussi, déclare que les Français sont  plus proches culturellement de la Méditerranée, du Maghreb et de l’Afrique que de l’Estonie ou de l’Ukraine et qu’ils ont un avenir commun, il ne dit pas autre chose que ces souverainistes « de droite », nostalgiques d’une époque révolue, accrochés à leurs dogmes (et notamment celui de la France universelle ou celui de l’Angleterre conquérante) et aveugles aux grands bouleversements, notamment démographique, de l’histoire à venir.

Quelles conséquences, quel impact sur la vie des Européens auraient une victoire ou une percée des souverainistes aux élections  ?  Le taux de chômage massif diminuera t-il parce que Madame Le Pen et M. Farage vont s’asseoir un peu plus souvent et avec un plus grand nombre de députés au Parlement européen ? Les banques cesseront t-elles de prêter à intérêt à des Etats qui assurent pourtant leur survie ? Les millions d’étrangers extra-européens, qui souhaitent pénétrer en Europe dans ce qu’ils croient être un Eldorado, y renonceront t-ils spontanément  ? Les mosquées qui fleurissent dans toute l’Europe fermeront t-elles leurs portes ? Les campagnes se repeupleront t-elles par miracle ?

Non bien entendu. Car le Parlement européen ne possède aucun pouvoir mais surtout parce que ces souverainistes n’entendent aucunement renverser les élites qu’elles jugent pourtant à raison illégitimes.
Ces mêmes souverainistes n’entendent pas non plus inverser le processus migratoire qui conduit au grand remplacement en cours en Europe, puisque et Mme Le Pen et M. Farage sont des partisans acharnés de l’assimilation et d’une société dans laquelle le drapeau National est plus important que l’identité régionale, ethnique, religieuse ou culturelle.

Penser le contraire, croire dans une sortie de l’Europe qui briserait irrémédiablement l’avenir commun des peuples qui la constituent, c’est se mentir à soi-même, c’est accepter simplement et fatalement qu’après la chute de l’Empire Romain, après les guerres fratricides du 20ème siècle, l’Europe et les Européens en finissent définitivement avec leur histoire et leur civilisation dans un magma à côté duquel la guerre des Balkans ressemblerait au paradis sur terre.

Changer l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, cela va de soi. Mais pour cela, encore faut t-il aimer les peuples qui la constituent et épouser l’idée d’une Europe-puissance.

« Quand les barbares étaient aux portes de l’Empire, les Romains discutaient du sexe des anges ».

Yann Louarn.

 

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3 réponses à “Européennes : Le souverainisme, le suicide des Européens [tribune libre]”

  1. pschitt dit :

    Où était Farage au moment du discours « Rivers of Blood » d’Enoch Powell ? Oh ! chez lui, probablement : il venait de fêter ses 4 ans.

  2. louis dit :

    votre article = blabla pour faire peu aux gens

  3. B. GUILLARD dit :

    Tout d’abord, ce ne sont pas les gouvernements qui sont souverains mais les peuples. Ensuite les processus d’unification partielle de l’Europe ont été le fait d’empires coercitifs. Il est en conséquence impossible de fonder la légitimité de quelque construction républicaine et démocratique que ce soit sur ces expériences coercitives.
    Il n’est pas pertinent de distinguer les dirigeants des Etats européens de ceux de l’organisation de Bruxelles parce qu’ils constituent une seule et même équipe; ils s’entendent comme larrons en foire et se partagent les rôles. Ainsi Monsieur Moscovici, ministre déchu, va-t-il trouver à se caser dans l’appareil bruxellois. Les uns et les autres sont également partisans du libéralisme le plus intégriste, du libre-échangisme le plus échevelé, de l’immigrationnisme le plus hystérique et de l’atlantisme le plus veule. Les ennemis des peuples européens ne sont donc pas les Etats historiques mais l’oligarchie qui les oppresse, qui les ruine, qui les désarme (militairement, économiquement, culturellement..). Notre salut passe donc par la lutte contre cette oligarchie qui règne à Bruxelles et dans nos capitales nationales et c’est ce que comprennent de plus en plus clairement les Européens.
    Les Etats ont commis de graves erreurs mais les empires en ont commis également et l’Empire d’Autriche-Hongrie qui est souvent pris pour modèle par les partisans d’un empire multinational européen a largement participé à la folie de 1914-1918. Les Etats-Nations n’ont donc pas le monopole en matière d’erreurs.
    Tous les historiens qui ont travaillé sur la civilisation et les cultures européennes ont remarqué que c’est la pluralité et la concurrence entre les Etats qui ont permis les avancées considérables des différentes cultures européennes. Ainsi Jean Baechler a écrit que c’est parce que l’Europe est restée divisée et impossible à unifier qu’elle a généré des cultures aussi brillantes que celles que nous avons connues.
    Ce constat n’interdit pas de penser que, la situation géopolitique mondiale ayant changé, il nous faut imaginer une alliance de ces états européens pour faire face aux grandes puissances mais il semble bien que les peuples européens ne sont pas disposés à accepter la façon de faire des dirigeants Bruxellois dont la  »gouvernance » despotique est de plus en plus clairement rejetée. Ils ne sont pas disposés non plus à accepter la destruction des souverainetés populaires par la Commission de Bruxelles. En libéraux conséquents, les membres de cette commission ignorent la notion de souveraineté populaire ; ils ne connaissent que la souveraineté individuelle (individualisme oblige). En conséquence, l’organisation de Bruxelles entend construire un espace européen puis mondial exempt de toute souveraineté. C’est là que les choses coincent parce que les peuples européens continuent de penser en termes de souveraineté populaire. A ce jour, il n’y a pas de souveraineté populaire européenne ce qui ne gêne nullement la Commission européenne qui ne raisonne pas en termes de peuples mais en termes de population (population fluide et nomade d’individus interchangeables, déracinés et étrangers à toute forme d’attachement communautaire). Or, les notions de république et de démocratie sont liées à celle de souveraineté populaire. La souveraineté populaire est un élément essentiel de la notion de Bien Commun (Res Publica) qui fonde la philosophie républicaine et il ne peut y avoir de démocratie sans souveraineté populaire. Les gens de Bruxelles ne parlent d’ailleurs pas de gouvernement démocratique mais de gouvernance, un mot politiquement correct qui signifie despotisme ‘’bienveillant’’. Ils pensent comme de nombreux intellectuels libéraux-libertaires que les peuples n’ont pas toujours raison et que les ‘’experts’’ ont en général un avis plus sûr que ces peuples. Il est même devenu courant dans ces milieux de contester l’existence même des peuples (Rosanvallon par exemple). La contestation de la notion de souveraineté populaire mène tout droit aux errements mondialistes, antirépublicains et anti-démocratiques de la Commission de Bruxelles.
    Dans l’état actuel des choses les seules souverainetés populaires existantes sont liées à l’histoire des Etats historiques, que nous le voulions ou non, et il n’existe pas de souveraineté populaire européenne ; en conséquence, il ne peut y avoir de république et de démocratie à une échelle autre que nationale. C’est ce que reconnaît implicitement David Engels qui a écrit qu’un état européen ne peut être qu’un nouveau principat, c’est-à-dire une dictature. L’économiste Jean-Jacques Rosa dit la même chose quand il souligne le fait que l’euro a été conçu comme un corset qui doit contraindre les peuples européens à fusionner malgré les difficultés considérables et les souffrances que cette monnaie unique génère (article intitulé ‘’L’euro est un contresens économique’’).
    La formation d’une souveraineté populaire est un produit du temps long ; elle ne se décrète pas à volonté. Or, il n’y a ni peuple européen (ce qu’on peut mesurer à l’absence de solidarité entre les peuples du nord de l’Europe et ceux que ces derniers appellent les PIGS ! ) ni culture européenne (voir le livre Pierre Le Vigan) ; il ne peut donc y avoir de souveraineté populaire européenne, ni par conséquent de république et de démocratie européennes. La prise de conscience progressive de cette réalité se traduit par le rejet de plus en plus affirmé du projet bruxellois. Mais au-delà de ce projet qui finira très probablement par avorter (le Royaume Uni sera-t-il le premier à sortir de l’UE ?), il n’est pas possible à ce stade historique de décréter la création d’un état européen sinon en l’imposant de manière dictatoriale, ce qui ne manquerait pas de générer des mouvements de résistance probablement très violents. La seule possibilité qui s’offre à nous est la construction d’une alliance entre des états indépendants collaborant sur les sujets essentiels : économique (marché commun pratiquant une protection mesurée et intelligente), militaire (pacte de défense indépendant de l’OTAN et industrie militaire strictement européenne), projets industriels, recherche et développement, monnaie commune (transformer la monnaie unique en monnaie commune). De tels développements interétatiques sont tout à fait envisageables à très court terme comme l’ont été les projets Airbus et Arianespace qui ne doivent rien à l’UE.
    Il me semble que nous perdons beaucoup de temps en maintenant en survie une organisation qui nous asphyxie et qui nous livre pieds et poings liés aux appétits de la finance mondialisée et qui nous inféode toujours davantage aux Etats-Unis (projet de Traité transatlantique). Il me semble de plus que tout projet visant à créer un état européen républicain et démocratique à ce stade historique est une perte de temps parce qu’il ne peut pas aboutir, faute de peuple européen et de sentiment européen (3% seulement des Européens ne se sentent qu’Européens et la tendance est au renforcement des sentiments nationaux ; voir à ce sujet les études de l’Eurobaromètre).
    Le salut des peuples européens ne viendra pas de la construction irréaliste d’un grand état européen mais de la collaboration étroite et sélective entre Etats européens (on ne peut pas imaginer de créer un système de défense indépendant de l’OTAN avec la Pologne, les Pays Baltes ou le Royaume Uni ; de même il n’est pas possible de créer un marché commun modérément protégé avec le Royaume-Uni et les partisans les plus chauds du libre-échangisme…….).

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