Journée de la jupe. Quand le sociétal vient opportunément camoufler la réalité sociale

17/05/2014 – 13H00 Nantes (Breizh-info.com) – Pour les opposants à la journée de la jupe – où les garçons du lycée Clemenceau et de 6 autres lycées de Loire-Atlantique étaient encouragés à porter le vêtement féminin ou l’autocollant « ce que soulève la jupe » en soutien à la démarche – la polémique nationale qui a touché le lycée nantais a été plutôt contre-productive. Deux tiers à peu près des garçons sont venus  vendredi en jupe et elles prédominaient aussi dans l’habillement féminin. Avec toutefois de grandes disparités selon les niveaux et surtout les origines sociales.

« Suite au grand bazar hier midi, je suis venu en jupe, c’était pour marquer le coup », explique ainsi cet élève de 1ère. Jeudi midi en effet, manifestants de La Manif Pour Tous (opposés au port de la jupe) plutôt marqués à droite et ceux des Jeunes Socialistes et des lycéens se sont opposés devant l’entrée du lycée, sous le regard attentif des policiers, mais aussi de nombreux journalistes et d’élèves de Clémenceau qui attendaient de rentrer en cours. Selon eux, les lycéens qui faisaient la claque et hurlaient des slogans favorables au port de la jupe et contre la Manif pour Tous ne venaient pas de leur lycée, mais des lycées Livet, Vial et Monge.

« C’était une idée potache, pour un jour quoi. »

Pour un autre élève, la politique «  n’a rien à faire dans tout ça, d’un côté comme de l’autre. C’était une idée potache, pour un jour quoi. » Comme la journée de la Femme ? « A peu près. Pour monter qu’on est concernés par le problème ». Certains le sont plus ou moins. Ces jeunes filles de terminale, « égalité » écrit sur leur col ou leurs mains, semblent l’être plus. Mais dans leur niveau elles sont une minorité.

« Il y avait beaucoup plus de garçons en jupe en 2nde qu’en terminale », commente cet élève de prépa qui est à Clem’ depuis la 2nde. « C’est comme pour les blocages, il y a l’effet de groupe, l’entraînement, alors les secondes suivent ». Selon Dylan, en 2nde, « notre professeur principal nous a encouragé, il nous a dit que c’est bien. Mais aucun professeur de sexe masculin du lycée n’est venu en jupe ». Faites ce que je dis… Alors qu’en « prépa, ceux qui sont venus en jupe c’est pour faire chaud lapin, par dérision ». A l’entrée du lycée, quelqu’un a tagué « la fête du slip ». Vieille expression militaire synonyme du bazar intégral.

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Très peu d’élèves d’origine immigrée

Des élèves garçons ne sont pas venus en jupe. Très peu ont affiché des convictions personnelles ou politiques à l’appui de leur refus de s’associer à la démarche. Yves « était en entretien pour un stage, sinon je l’aurai mise, la jupe », deux autres n’en ont pas trouvé, d’autres ont voulu se démarquer du mouvement général. « Mais aujourd’hui ceux qui ne sont pas venus en jupe l’ont écrasé ; ils auraient été seuls contre tous, enfin contre la majorité », explique ce groupe d’élèves de seconde des deux sexes en jupe.

Autre image marquante : il y a très peu d’élèves d’origine immigrée qui ont adhéré à la démarche. Clem’ n’en a d’ailleurs pas beaucoup. C’est un lycée de centre-ville, qui a beaucoup d’options (arts et langues), et qui finalement n’échappe pas à sa destinée de lycée blanc, même s’il y a un grand brassage social à l’intérieur. Les enfants de familles « de souche » sont poussés à faire une option rare pour échapper à une carte scolaire qui les enverrait dans un lycée public moins favorisé.

Pour Samira, « l’homme c’est le protecteur, le travailleur, le défenseur… »

Devant l’entrée du lyée, Samira, Latifa et ses copains discutent en attendant une de leur copine qui est à Clem’ ; le groupe étudie à la Colinière, un lycée public de l’est de la ville. « un mec en jupe, chez les bourges, c’est facile ! », explique l’un d’eux. Pas une jupe dans le groupe : c’est pantalon survêt, legging et jean slim. Pour Samira, « l’homme c’est le protecteur, le travailleur, le défenseur, mettre une jupe est contraire à sa dignité et dévalorise son image ». Puis « à la Colinière ça ne serait jamais passé, à Camus non plus » (le lycée de Bellevue, une grosse cité à l’ouest de Nantes), « la majorité là-bas n’est pas pour ça ; les quelques garçons qui se seraient mis en jupe auraient été traités de tapettes et ça aurait très mal fini ». Outre quelques petits caïds, la Colinière accueille beaucoup d’immigrés des quartiers est de la ville, mais aussi des enfants des gens du voyage de la Clairière.

L’opération de la journée de la jupe touche 7 lycées en Loire-Atlantique mais se garde bien de concerner des lycées situés en ZEP ou dans des quartiers défavorisés. Ceux justement où la lutte contre le sexisme est la plus urgente. « Puis c’est aussi mal pensé », poursuit Samira. « Si on veut dire que la femme c’est légale de l’homme, alors on dit aux filles de s’habiller comme l’homme, pour accéder au niveau de son image, de sa fonction dans la société. Et là ce serait très bien passé, même à la Colinière ». D’ailleurs la mode n’a pas attendu : aujourd’hui, on voit bien peu de jupes, et le pantalon est largement partagé par les deux sexes.

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Les Veilleurs étaient au rendez-vous

« les femmes sont-elles vraiment en danger en France ?  Dans certains milieux oui,  mais pas chez les Blancs »

Une autre fille du groupe ajoute « et puis, les femmes sont-elles vraiment en danger en France ?  Dans certains milieux oui,  mais pas chez les Blancs ; où on a l’impression que la femme est supérieure à l’homme, tant il y a des mesures en sa faveur – quotas pour en embaucher, lois anti-discrimination, etc. » Bref, la journée de la jupe, un délire de jeunes bourgeois ? On peut se le demander, tant Clemenceau est un lycée qui a toujours pu se permettre un enracinement dans des revendications idéologiques, bref, qui a toujours été le porte-drapeau des contestations pour une jeunesse insouciante que quelques années de fac ou de prépa séparent encore des difficultés de la vie.

Tant est grande surtout la distance avec les réalités sociales. Bien que Nantes se dore sous le soleil et que les terrasses soient pleines, la polémique est loin et la crise est près. Elle marque la ville où les vides commerciaux et les panneaux « bureaux à louer » fleurissent le long des rues du centre-ville. Et pendant que les médias parlent en chœur de la journée de la jupe, à Nantes comme dans tout le pays, les usines ferment – comme ABRF à Châteaubriant ou la SEITA à Carquefou –, les chômeurs cherchent désespérément du travail et ceux qui ont un salaire se demandent deux jours après l’avoir touché comment ils feront le mois. Mais, loin des caméras, ils n’existent pas. « En faisant de la jupe une polémique nationale, La Manif Pour Tous a donc rendu un fier service au gouvernement », dira l’un d’eux. Il n’a peut-être pas tout à fait tort.

Photos : Breizh-info.com
Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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2 réponses à “Journée de la jupe. Quand le sociétal vient opportunément camoufler la réalité sociale”

  1. CHAIX Pierre dit :

    Certains n’ont rien compris! Ce n’est pas en s’habillant d’une manière ou d’une autre qui changera quoi que soit! Ce qui réellement fera changer, c’est de faire comprendre aux uns et aux autres qu’ils sont différents (désolé, mais c’est la génétique qui est comme çà!) et que c’est cette différence qu’il faut apprendre à respecter! Une Femme est égale à un Homme. Elle a le droit de choisir sa vie, quelque soit X…Quelles que soient ses orientations et sa Religion (ou non). Voilà! Tout le temps que « certains n’aurons pas compris çà, il n’y aura pas grand chose à faire, hélas!

  2. le petit David dit :

    L’égalité de l’homme et de la femme est au niveau de leur personne. Ils sont égaux en tant que personne humaine et complémentaire dans leur spécificité féminine et masculine. Mais le but recherché des destructeurs de l’humanité est ailleurs, c’est-à-dire conduire progressivement les parents à une totale déresponsabilisation, pour manipuler les individus ainsi « dépersonnalisés », ce qui au final conduit au suicide beaucoup de jeunes adolescents sans repères fondamentaux, comme en Suède. fr. David, prêtre.

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