Russie et liberté d’expression : rétablir la vérité, par Guillaume Faye [tribune libre]

Dans les médias français et occidentaux, à l’occasion de la crise ukrainienne, on a tendance à présenter la Russie sous la présidence de M. Poutine comme un pays qui brime la liberté d’expression et d’information…bien plus que sous le régime soviétique ! Un article de M. Pierre Avril (Le Figaro, 23/04) nous explique, en reprenant ces arguments, que le pouvoir russe use d’ « intimidation, de censure et de propagande […] pire encore qu’à l’époque soviétique ». Ce genre de propos relève de la désinformation pure et simple et…de la propagande.

Voici quels sont les trois arguments avancés : 1) la presse et les médias d’opposition au Kremlin sont intimidés, menacés, voire interdits. 2) La télévision russe est aux ordres des réseaux de M. Poutine. 3) La censure est la règle en Russie.

L’article de M. Avril est, du point de vue de la logique, contradictoire. Il nous présente les journalistes d’opposition comme des victimes qui sont menacées dès qu’elles s’expriment. Néanmoins, elles s’expriment largement dans les colonnes de tous les médias occidentaux qui ont libre accès en Russie. Cherchez l’erreur.

À Moscou, l’accès à toutes les chaînes de TV occidentales et à tous les sites Internet mondiaux est garanti. En Chine et dans la plupart des pays arabo-musulmans, voire sud-américains, asiatiques, africains, ce n’est pas le cas. Pourquoi n’en parle-t-on pas ?

N’importe qui en Russie peut avoir accès à des sites Internet en désaccord avec le pouvoir et lire dans les journaux des articles d’opposants. Les journalistes français et occidentaux ne font pas leur métier d’information objective sur la situation en Russie. Ils désinforment, par un mélange redoutable de paresse et de conformisme.

On apprend d’autre part que le gouvernement autoproclamé de Kiev interdit la diffusion des chaines télévisées russe regardées par une grande partie de la population. Bravo ! Liberté d’expression ? De même, ce ”gouvernement” a totalement exclu un référendum d’autodétermination dans les provinces russophones. Démocratie ?

Cette russophobie, qui est l’explication de cette désinformation sur la liberté d’expression en Russie, n’est pas à l’honneur des journalistes français et occidentaux. Leur prétendue ”objectivité” oublie une chose : tout ce qui est en France ”politiquement incorrect” est exclu des grands médias et peut être poursuivi par les tribunaux (j’en sais quelque chose…). Seule la critique des gouvernants est tolérée parce que le personnel politique français n’a aucun pouvoir réel et que tout repose sur l’idéologie. On peut taper sur M. Hollande tant qu’on veut, puisqu’il ne possède pas la potestas – c’est-à-dire  la faculté de diriger – mais pas sur l’idéologie dominante.

Accuser le pouvoir russe d’atteinte à la liberté d’expression n’est pas pertinent  de la part de journalistes français hypocrites qui s’autocensurent,  ou qui sont licenciés dès qu’ils s’écartent de ce ”politiquement correct”. D’autre part, les médias russes, notamment audiovisuels, reflètent l’opinion de la majorité de la population, sa sensibilité ; ce qui n’est pas le cas des chaines de France Télévision et des radios publiques qui, non seulement sont autant contrôlées par le gouvernement que les médias russes par le Kremlin, mais qui, en plus, distillent une idéologie de propagande qui est rejetée par 80% des Français (ce qui n’est pas le cas en Russie). Sans parler de cette extraordinaire invention française, le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), cas d’école du soft-totalitarisme, qui devrait s’appeler Comité de censure audiovisuelle. Les grands médias audiovisuels et écrits français, même privés, ne tolèrent pas le ”politiquement incorrect”, c’est-à-dire la dissidence idéologique. Cette dernière est reléguée dans les médias secondaires.

Quelle hypocrisie ! Les belles âmes se ridiculisent en donnant des leçons à la Russie, où les médias d’opposition sont en réalité bien plus libres qu’en Chine, dans le Maghreb, dans le Golfe persique ou dans tous ces pays autocratiques que courtisent le gouvernement et l’oligarchie françaises. La presse russe est très diverse, comme l’Internet russe. On peut critiquer M. Poutine sans risquer le goulag – qui n’existe pas, par ailleurs.

En revanche, écrire, comme le fait l’intellectuel russophobe Bruno Tertrais «  M. Poutine incarne un pouvoir autoritaire, brutal, raciste, corrompu, aux antipodes des valeurs chrétiennes qu’il dit représenter. Mégalomane, manipulateur formé à l’école du KGB, il est imprévisible et dangereux » (1) relève de l’incantation injurieuse, de la désinformation et de l’excès. Ce genre de position (M. Poutine serait donc un mélange de Staline et de Hitler, si l’on comprend bien) déconsidère ceux qui les formulent. Bien sûr, le pouvoir russe exerce un contrôle sur les médias, exactement comme en France. Mais de là à présenter la Russie d’aujourd’hui comme la photocopie de l’URSS de Staline, n’est pas sérieux… J’ai souvent lu dans des journaux russes traduits en français et en anglais des critiques sans concession du pouvoir actuel au Kremlin. Les journalistes sont toujours en vie et dînent dans les bons restaurants de Moscou.

D’autre part, concernant la crise ukrainienne, qui nous ramène cent ans en arrière, il faut comprendre que, pour les Russes, l’Ukraine est intouchable. Elle est l’élément central de leur sphère d’influence. Essayer de la faire entrer à terme dans l’Union européenne, la courtiser pour la détacher de la Russie en agitant les populations non russophones (comme l’Occident le fait depuis longtemps), en soutenant les milieux antirusses, c’est provoquer sciemment et stupidement la Russie, et jouer avec le feu. Déjà, en 1999, la Serbie et, avec elle, la Russie son protecteur, avaient été humiliées par l ‘amputation du Kossovo opérée de force par les Occidentaux sans souci du droit international.

Comme dans tout conflit, personne n’a tort ni raison à 100%. Bien sûr que de grands médias russes présentent les choses à leur avantage, mais les médias du camp opposé font exactement pareil. Bien sûr que les Russes aident les milices russophones et les ”séparatistes”, tout comme les Occidentaux soutiennent à fond le pouvoir de Kiev (non élu). Quant à ce dernier, on a vraiment l’impression qu’il cherche l’affrontement avec la Russie, de manière totalement irresponsable et contre l’intérêt de tous ses concitoyens.

1. In Le Figaro, 25 /04. Article La rupture ukrainienne. M. B. Tertrais se dit ”politologue”, comme d’autres se disent voyant ou guérisseur. Il est ”maître de recherche”  à la Fondation pour la recherche stratégique, un organisme qu’on peut soupçonner de ne pas être totalement indépendant… 

Guillaume Faye

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6 réponses à “Russie et liberté d’expression : rétablir la vérité, par Guillaume Faye [tribune libre]”

  1. Roux dit :

    Mon cher Guillaume, il ne te reste plus qu’à partir en Russie …tu y verras une liberté d’expression formidable . N’hésite pas .

  2. belon dit :

    Excellent article qui dit tout haut ce que beaucoup pensent.
    le grignotage de la pensée unique de bon ton a commencé…..

  3. Yann LeBleiz dit :

    Article intéressant.

    En effet, je note avec grand étonnement que tous les journalistes français présentent la crise ukrainienne selon le même angle : la défense de l’intégrité territoriale et l’unité de la « nation » ukrainienne.

    On retire le mot Ukraine, on met le mot France, on voit immédiatement ce qui se cache derrière cette présentation uniforme.

    Le territoire que l’on appelle aujourd’hui Ukraine est nettement divisé en 2 nations, les Ukrainiens (peuple très européen, proche des polonais), les Russes (autre peuple européen, mais largement implanté en Asie).

    La difficulté est que la Russie aurait son origine à Kiev, vers l’an mille…. Sauf que l’eau à coulé sous les ponts depuis…! Mais c’est un fait, la frontière européenne traverse l’Ukraine, qu’on le veule au pas….!

    Ce qui ne va pas, c’est que les Ukrainiens (peuple minorisé par les russes. Se souvenir du génocide…) dans sa lutte pour son existence en vient à minoriser les russes, la victime cherchant à se libérer devient bourreau. Une situation absurde.

    Pourtant la solution est très simple, cela s’appelle la démocratie (où le droit des peuples à l’autodétermination) : Les Ukrainiens voulant rentrer dans l’Europe doivent l’exprimer et l’Europe doit en tenir compte, les russes souhaitant rejoindre la Russie doivent l’exprimer et avoir la possibilité d’obtenir une autonomie ou un rattachement à la Russie… Une fois fait, Russes et Ukrainiens redeviendrons les meilleurs amis et un pont formidable entre l’Europe et la Russie.

    Sauf que le droit des peuples à l’autodétermination, ça ne passe absolument pas en France : un territoire qui compte 6 nations, dont des nations transfrontalières et même l’un des plus anciens pays d’Europe aujourd’hui totalement dépourvu d’autogestion.

    La démocratie en Ukraine, mais aussi en Ecosse et en Catalogne, terrifie ceux qui ne conçoivent l’hexagone, que par Paris, de Paris et pour Paris…! Une seule nation dominant les 5 autres…!

    Du fait, il faut laisser penser que ce qui se passe en Ukraine est horrible, et que demander la démocratie au détriment d’un pouvoir central est une perversion répréhensible…!

  4. Walter dit :

    Bel article réducteur…

    Alors on dresse des autels à Poutine ?

    Googlemich

  5. MLG001 dit :

    Excellente mise en perspective !
    Bravo !

    Le lavage de cerveaux que nous subissons en occident depuis des dizaines d’années fait ces effets … sinistres …
    Pour qui connait un rien la Russie et s’y intéresse, ce que diffusent les médias occidentaux depuis des mois est une insulte permanente à l’intelligence.

  6. brenda et paolloa dit :

    Nous sommes absolument d’accord avec vous !!!!!! Des bisooouuuus

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