Municipales : quels résultats pour les listes « société civile » ?

25/03/2014 – 18h00 Loire-Atlantique (Breizh-info.com) – Les fabricants de prêt-à-penser l’ont dit et écrit : les français – donc les bretons aussi – en ont assez des vieux de la vieille en politique, ils veulent du renouveau, de la société civile et de l’apolitique. Résultat des courses : presque partout la prime a été donnée à l’UMP et aux centristes. Les sortants, quand ils étaient de droite, ont engrangé. Et le FN monte, puisque les français s’inquiètent en fait avant tout des impôts, des rythmes scolaires, de l’emploi ou encore de la gestion de leur ville.

Un autre fait troublant dominait le scrutin : bien des listes n’assumaient pas leur ancrage à droite ou à gauche. En Loire-Atlantique, 85% des listes étaient sans étiquette politique. Même si leur penchant à droite était évident – ainsi des vainqueurs de Blain (centre-droit), de Trignac, Vallet, Saint-Philbert ou encore Sainte-Luce (UMP). Le fait que le ministère de l’Intérieur ait reclassé quelque peu brutalement toutes ces listes au sein des divers de droite et de gauche – en se trompant parfois quelque peu – a permis d’éclairer quelque peu les électeurs sur ces listes qui n’étaient pas toujours menées de la société civile, mais qui intégraient souvent des gens novices en politique et venus du monde « concret ».

Difficile dans ces conditions d’évaluer vraiment l’apport de la société civile. C’est plus difficile en Bretagne – où la liste société civile a assez souvent une petite teinte politique – que dans certains endroits en France. Ainsi, dans la banlieue d’Orléans, à Gidy – un village autrement connu pour accueillir les laboratoires du fabricant de médicaments Servier – le maire sortant, ou plutôt sa femme qui briguait sa succession – se fait sèchement jeter par Benoît Perdereau, sans étiquette, élu dès le premier tour avec sa liste d’ouverture à 54.5%.

Cela dit, il y a quelques exemples éclairants en Bretagne, notamment à la Chapelle sur Erdre et à Guéméné-Penfao où des listes issues de la société civile parviennent à faire des scores très honorables. Plus petite, la Remaudière (1195 habitants) dans le Vignoble voit son maire Alan Coraud – centriste, pro-éoliennes forcené et militant historique de la cause bretonne – éjecté par Dany Laurent, candidat sans étiquette à la tête d’une liste de la société civile (64.09%). Ce dernier est cependant connu comme le loup blanc puisqu’il a fondé  le zoo de la Boissière du Doré et le Safari de Port-saint-Père.

La Chapelle sur Erdre : la forteresse socialiste ébranlée

Personne ne l’attendait. Mais l’ouverture de leur programme, son positionnement transpartisan et l’usure du pouvoir leur a ouvert les portes du second tour. La liste emmenée par Erwan Bouvais (La Chapelle en action) fait en effet 41% contre 45.8% au sortant Fabrice Roussel et 13% aux écologistes. Leur particularité ? « Nous sommes de la société civile », explique Annie le Gal la Salle, en deuxième position sur la liste. Pourtant la Préfecture les a reclassé en union de la droite. « Ils ont tout faux. Erwan Bouvais était au Modem mais l’a quitté. A part trois colistiers encartés à l’UMP, il y en a deux encartés à gauche et moi qui suis au MEI », des écolos indépendants, notamment par rapport au PS. « Le reste de la liste n’a pas de couleur politique. Il faut sortir de ce système avec des étiquettes, des cases, des nuances. Nous pensons compétences, engagement et avenir ».

Un pari payant, au vu des scores de la liste. « Tout reste à faire », cependant pour Annie le Gal la Salle, « notre score dimanche [30] dépendra de l’abstention. » Pour elle, « même si les positions des têtes de liste sur le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes sont connues, et qu’il y a une vague bleue dans le pays, ce n’est pas ça l’élément déterminant. Nous avons une vraie volonté de solidarité, d’ouverture, bien plus que ce que le PS porte et qui interroge d’ailleurs sur ce qu’est le socialisme d’aujourd’hui ».

Et maintenant ? La liste d’Erwan Bouvais espère que les écolos les rejoindront. « Plutôt que d’avoir un ou deux conseillers municipaux avec Fabrice Roussel, complètement marginalisés », elle plaide la cause du programme de leur liste, très affiné sur les questions liées à l’environnement et au développement durable. Elle fustige aussi la prise en compte par la gauche de ces thématiques : « l’écologie pour le PS, c’est le tout-communication. Alors qu’on peut aller beaucoup plus loin, sur l’assainissement ou les transports par exemple ».

L’association de citoyens auteurs de propositions pour améliorer les transports en commun dont elle fait partie, Nexus, dénonce d’ailleurs l’incroyable gâchis  en matière de transports dans la métropole nantaise, où des kilomètres de voies ferrées sont sous-utilisées alors qu’elles pourraient constituer un réseau très performant. Mais pour l’heure, la gauche préfère planter des patates sur la place de la Petite Hollande ou encore repeindre les dès anti-stationnement en vert salade, la couleur du discours tenu à des citoyens contraints aux bouchons et aux bus – ou trams – bondés.

Guéméné Penfao : la société civile gagne les bourgs ruraux

A quelques dizaines de voix près (46%), le maire sortant de Guéméné-Penfao Yannick Bigaud (UMP) a loupé sa réélection dès le premier tour dans cette commune très étendue (108 km²) qui compte 5100 habitants et trois bourgs : Guéméné, Beslé et Guénouvry. Il affrontera donc deux autres listes. La gauche (16.08%) et l’outsider qui crée la surprise, Pierre le Guily, 27 ans et 35.82%. Sa liste, jeune, intergénérationnelle et participative, se veut résolument sans étiquette. Hors de tout clivage politique. Et pourtant le maire sortant avait anticipé, en se présentant sans étiquette et en ouvrant la liste à la société civile.

Pour le coup, c’est vraiment un événement important, même s’il est tout en discrétion. Qui montre qu’une opposition de gauche rurale, pourtant bien ancrée et expérimentée, n’arrive plus à imprimer sa marque et n’est plus en résonnance avec les préoccupations des électeurs. Dans les plus petites communes, c’est moins évident : « la bonne politique n’est ni de droite ni de gauche, c’est celle qui marche », dit le proverbe. Et les villages sont habitués à la gestion sans étiquette, plus ou moins marquée parfois, mais centrée sur les intérêts immédiats de la commune.

En revanche, les bourgs de 2 à 7.000 habitants sont justement une tranche où la société civile essaie de percer. Pour l’heure, il y avait deux possibilités : soit la gestion était faite comme dans un village, soit le maire faisait partie d’une écurie politique, même s’il pouvait mener une politique plus indépendante. Désormais, l’élan de la société civile, cette autre vague électorale, touche aussi ces bourgs, qui sont souvent des centres assez importants pour la population rurale environnante, avec commerces, banques ou encore lieux de détente.

Blain et Indre : société civile des bourgs et de la banlieue contre apparatchiks et militants

Les bourgs plus importants – comme Blain – n’y échappent pas. Sur la liste de Jean-Michel Buf  élu dès le premier tour avec 59.2% des voix, il y a aussi des gens issus de la société civile. Le chef de file était lui-même au Nouveau Centre et s’en est retiré avant les élections : il s’est présenté sans étiquette, et a été reclassé « divers droite » par la Préfecture. Il a nettement battu une liste d’union de la gauche où prédominaient de personnes encartées, au parti communiste, au PS ou à EELV le plus souvent.

Plus généralement, le refus de la gauche d’ouvrir ses listes au monde – il n’y a ainsi qu’un seul ouvrier sur la liste PS à Nantes, et un chômeur – contre quinze fonctionnaires et une flopée d’adhérents PCF – a contribué à sa déroute électorale. Pour la gauche politique, les aspirations de la société civile ne pèsent pas, ou peu, dans la constitution des listes qui se font avant tout par un savant jeu de négociations entre les divers partis, courants ou tendances du PS, ou des partis alliés, qui en font partie. L’art de la synthèse autiste, tel que l’a pratiqué pendant une décennie l’actuel président François Hollande.

Là où l’UMP a fait pareil – finalement dans très peu d’endroits, les candidats ayant préféré l’ouverture ou l’oubli de leur étiquette, souvent les deux – il s’est fait sanctionner de même. Et cela a profité très souvent au FN, qui de facto n’aligne que des novices ou presque. Quand aux opposants professionnels – régionalistes affiliés au PS, souvent communistes ou d’extrême-gauche – ils connaissent une déroute due à la lassitude des électeurs. Ceux-ci ne croient plus dans leur discours et dans leurs candidats. La rupture est probablement définitive avec les marionnettes du jeu politique. Les français – qui se détachent des fabricants de prêt-à-penser, médias et presse notamment, ne sont plus dupes.

L’autisme politique engendre aussi une assurance sans limite, proche du culot absolu. La célèbre réplique des Tontons Flingueurs : « les cons osent tout, c’est à ça qu’on les reconnaît », a trouvé écho au bord de la Loire. Pour expliquer la facilité avec laquelle il a sorti le maire Jean-Luc le Drenn dès le premier tour, Serge David, sans étiquette bien que syndiqué à la CGT et sa liste d’ouverture sans teinte politique a expliqué « il refusait de se remettre en question ». D’où un rejet net. Pour brouiller quelque peu les cartes, la préfecture a reclassé la liste de Serge David en « divers gauche », ce qui n’a rien d’étonnant dans cette petite commune qui compte sur son territoire les anciens arsenaux d’Indret (DCNS) et qui a toujours été fidèle au PS. L’exemple indrais montre à quel point les aspirations des citoyens à s’engager et à renouveler sont réélles, même si elles peinent à se faire jour dans les grandes villes.

La société civile en ville : de l’espoir, de l’élan, mais pas encore assez de poids

Car dans les grandes villes, le jeu des partis reste prépondérant. UMP, PS et FN en France. UMP, PS et EELV en Bretagne et en Ile de France, à l’exception notable de quatre villes, Fougères, Saint-Brieuc, Lorient et Saint-Nazaire dont le vote ouvrier s’est clairement déplacé du PCF au Front, seul jugé capable de contester, d’unir et de se tenir à ses idées, et dont les analyses sur l’Europe et la libéralisation ont été confirmées par la crise économique.

A Ploemeur, (18.000 habitants, banlieue de Lorient) il y avait une liste de la société civile, labellisée par le parti Nous Citoyens  qui est l’une des tentatives de cette société civile de s’organiser. Elle a fait 18.5%, se classant troisième, devant Loic Tonnerre (droite, 14.6%) et derrière le maire sortant PS Loïc le Meur (38.2%) et le candidat UMP Ronan Loas (19.9%). Elle accèdera donc au second tour. Cependant, Teaki Dupont, chef de file de cette liste de la société civile, est à l’UDI et a obtenu le soutien de son parti ; les résultats ne reflètent donc pas tout à fait le poids de la société civile locale.

A Nantes il y avait une liste de la société civile – celle emmenée par Pierre Gobet, à l’enseigne du Parti des Nantais et de son logo qui représente un magnolia en fleurs, l’arbre symbole de la ville. Elle fait 4.30%. Moins que ce qu’elle espérait – entre 5 et 10 – mais plus que ce qui était prévu par les sondeurs (1%). En quatre mois d’une campagne animée et offensive, le Parti des Nantais a su créer l’intérêt, l’attente, la surprise. Et même inquiéter le PS, au point que l’un de ses militants a été agressé  par un partisan d’une candidate (Johanna Rolland) pourtant ultra-favorite. Ses positionnements transpartisans – notamment la proposition d’une carte mensuelle à 10 € dans les transports, ou d’une politique de la ville numérique – ont suscité un certain intérêt. Le PDN laisse entendre qu’il pourrait maintenant s’enraciner et continuer à exister après les municipales. Il a six ans devant lui pour convaincre.

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