Nous sommes près de Fontenay-le-Comte, au cœur du terroir « le plus crotté de France ». L’AOP Fiefs-vendéens Vix ne peut guère se targuer d’un très grand lustre ! Alors imaginez les effets d’une rétrogradation dans le purgatoire des vins de pays de Vendée. La sentence est tombée, tel un couperet, sur la demande de reconnaissance en appellation d’origine instiguée par Christian Chabirand au début de son installation. Dès lors, l’ancien transfuge du système INAO qui a dirigé successivement plusieurs interprofessions (dont celle de champagne !) se retrouve malgré lui en rupture de ban. L’histoire du Prieuré la Chaume commence…
Elle se forge dans l’adversité. Secondé par sa femme de l’époque Estelle, Christian Chabirand se lance en 1997 dans un audacieux projet de plantation aux confins du sud de la Vendée. A une époque géologique reculée – plus de 10 000 ans avant JC – la fameuse transgression flandrienne pousse la ligne de rivage vers l’intérieur des terres en donnant naissance au golfe des Pictons. Seuls quelques îlots calcaires, dont l’île de Vix, émergeront de ce gigantesque ennoyage.
De nos jours, sur les franges du marais de Poitevin, le paysage viticole se livre en touches clairsemées, entrecoupé par un omnipotent paysage d’openfield. Autant dire que le choix de créer un vignoble ex-nihilo, dans ces contrées de marge, relevait assurément de la gageure. Sans surprise, les épreuves seront légion, mais elles sont taillées pour cet homme roué et persévérant. Frotté d’une solide culture administrative, il apprend à déjouer les tracasseries des ronds-de-cuir de la technocratie viti-vinicole. Son excommunication est un appel à prendre une autre voie. Une aubaine pour appréhender un terroir neuf à la croisée entre les influences ligériennes et médocaines. La greffe sera douloureuse, incompris des locaux, perçu comme un néo-vigneron excentrique et arrogant, Christian Chabirand traverse sept longues années de doutes, avant de donner naissance au premier millésime en 2003 !
Tout est parti d’une formidable intuition et particulièrement du souvenir de cette imposante butte calcaire (il est natif de la région) qui se hérisse au milieu des plaines limoneuses, terres de pacage impropres à une viticulture de qualité, tant leur imperméabilité accentue l’effet « puisard » : après un épisode de pluie, la plaine gorgée d’eau est piquetée de mares !
Voilà qui donne une illustration concrète à la notion de terroir. Sans ce coteau à l’incroyable devers, exposé sud-sud-est, dont la déclivité garantit un bon ressuyage, il est fort à parier que Christian Chabirand n’aurait pas franchi le pas. Le plus cocasse étant que le refus d’agrément en appellation d’origine s’est fondé sur la présence d’un calcaire à ammonites, incompatible avec les critères d’appartenance !
De trop belle naissance, car ce calcaire très pur et fissuré permet un enracinement profond des vignes. Environné par d’immenses étendues non cultivées, le terroir du Prieuré la Chaume se retranche derrière ce vaste glacis naturel, préservant de la sorte les vignes des contaminations intempestives de l’agriculture productiviste de la plaine vendéenne. Ces conditions exceptionnelles n’ont pas empêché la disgrâce, précipitant Christian Chabirand dans une marginalité qui préparera, bien plus tard, les conditions de son salut.
La liberté du paria permet de tout oser, alors il s’autorise le merlot, un choix perçu comme une véritable incongruité par les gens du cru. L’hilarité ne dure qu’un temps, si les élevages des débuts semblent un peu trop poussés, très vite, Christian Chabirand s’affirme comme un redoutable vinificateur.
Dans un style vin de printemps, obtenu sur une fermentation-cuvaison courte et une mise en bouteille précoce, la cuvée « Bel Canto » libère un merlot exalté, aux senteurs de cassis très intenses.
Avec la cuvée « Prima Donna », un blanc résolument iconoclaste, Christian Chabirand entend contredire l’incompatibilité notoire du chardonnay avec le pinot noir. En Champagne, pareil assemblage pour un vin tranquille est jugé sans intérêt. Il exige un pressurage rapide du pinot noir pour ne pas extraire de couleur. Hautement insolite, le Prima Donna est un vin blanc puissant, très mature, ouvrant une nouvelle voie pour le blanc de noir !
La patte Chabirand excelle dans une maîtrise savante des élevages qui emprisonne la mémoire de ce singulier terroir. Ce vigneron lettré, fin esprit, conceptualise son travail de vinification pour l’inscrire dans une vision du temps qui façonne des vins aux personnalités si diverses. La construction d’un chai enterré aux standards médocains, dénote un culte de la patience, entretenu dans la longue maturation des vins modelés lentement, dans les conditions optimales du sous-sol. Aboutissement de cette démarche, la cuvée « Bellae Domini » la plus « éduquée » (3 ans de fût de chêne neuf) s’érige en manifeste du « vin de mémoire », son élégance se révèle dans le grain de l’élevage. Le millésime 2009 consacre l’engagement visionnaire et courageux d’un vigneron d’exception dont la plus grande audace a été de croire à la noblesse cachée d’un terroir répudié. Quel magnifique démenti offert à la pensée « naturaliste » ne voyant dans l’œuvre d’un grand vin que l’expression des conditions naturelles du terroir. Le vigneron en est le révélateur, le déni de son rôle crucial dérive en un culte injustifié du sol et du climat. Laissons Roger Dion rendre hommage à l’œuvre colossale de Christian Chabirand :
« Le spectacle de la création d’un vignoble de qualité en terrain neuf est devenu chez nous, depuis longtemps déjà, chose si rare, que nos contemporains ne se représentent plus ce qu’il faut de labeur et d’ingéniosité, en pareille entreprise, pour contraindre la nature à donner ce que jamais, d’elle-même, elle n’eût offert à l’homme. Il appartient à l’histoire de nous en rendre le sentiment ».
Raphno
Crédit photo : Prieuré La Chaume
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Une réponse à “Christian Chabirand, Prieuré la Chaume : la vigne héroïque”
Article intéressant néanmoins, il parle de la Vendée.
On sait bien qu’une certaine droite française nationaliste du « grand ouest » aime à lier Vendéens et Chouans. C’est cependant au détriment de la Bretagne ET de la Vendée. La Vendée étant le seul département PDL vraiment proche du 44 (le 49 l’est moins, les Angevins ont Angers, les Vendéens se plaisent à avoir Nantes). Elle va ainsi être utilisée pour empêcher le rattachement du 44 à la Bretagne. Ce qui aura pour résultat de faire de la Vendée une banlieue dortoir du 44 et un déversoir d’urbains en terrain conquis sur ses plages les jours de beaux temps.
Si breizh-info réalisait régulièrement des sujets sur d’autres régions de France ou du monde, ça ne poserait pas problème. Or la Vendée a un traitement particulier sur ces colonnes. Certainement le département le plus admirable de France sur de nombreux critères. Mais qui hésite trop à se séparer de Nantes. breizh-info ne facilite pas les choses.
Les Bretons nationalistes français catholiques sont généralement au courant du mal dont est responsable la RF sur la Bretagne. Ils sont malheureusement moins sensibles au mal qu’a fait l’Eglise catholique à la Bretagne. Alors que durant des siècles, Rome a affaibli la Bretagne au profit de la France.
Même après la Révolution, l’évêché de Nantes a refusé de s’associer au diocèse de Bretagne pour rester dans le giron de Tours. Aujourd’hui, le Grand-Ouest Bretagne+PDL n’existe pas dans la RF mais bien dans l’Eglise (province ecclésiastique de Rennes)!
Tous les Vendéens doivent réaliser qu’ils ont tiré leurs forces de la mise à distance dont leurs pays a été victime. Dans un Grand-Ouest, ils se retrouveront assujetti à Nantes. Un retour dans le Poitou leur permettrait de conserver une plus grand marge de manoeuvre. Il y a heureusement des Vendéens qui en sont convaincus mais isolés dans les media. breizh-info n’a pour le coup rien d’alternatif, c’est France Bleu Loire Océan.
Le jour où la Vendée sera entièrement décidée à s’allier à la Bretagne dans une volonté de scission administrative, et inversement, les deux pays arriveront d’autant mieux à travailler ensemble en excellent voisinage.
Ne jamais oublier que tout ce qui brouille l’image d’une B5 profite à un Paris UMPS (le FdG et le FN jouant le rôle d’idiots utiles, l’Eglise de France n’étant pas en reste).