Nantes. Destructions dans le centre-ville : la préfecture en cause ?

24/02/2014 – 14H00 Nantes  (Breizh-info.com) – La manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame des Landes à Nantes le 22 février a vu se produire des destructions dans le centre-ville de la capitale bretonne et des affrontements avec la police. A la suite de celles-ci, le maire de la ville, Patrick Rimbert, a annoncé son intention de porter plainte contre X. Le préfet pourrait-il être l’un de ces X ? Revue de quelques faits troublants.

À tant parler des troubles on occulte l’énorme succès de la manifestation : elle a rassemblé quelques 50.000 personnes et 520 tracteurs. Une mobilisation supérieure à celle de la chaîne humaine l’an dernier (mai 2013, 40.000 personnes), supérieure à la manifestation du 17 novembre sur la ZAD, alors que celle-ci était directement visée par les opérations d’invasion-expulsion. Soixante-trois cars sont venus d’ailleurs et témoignent du dynamisme inégalé des 200 comités de soutien à la lutte à travers le pays. Populeuse, la manifestation a rapidement débordé de l’itinéraire insuffisant qui lui était alloué pour passer jusque dans l’Ile Sainte-Anne et emplir le faubourg Madeleine. Et, lit-on dans la presse, elle a « dévasté le centre-ville ».

Dévasté, le centre-ville ? Il faut savoir raison garder. Une vingtaine de vitrines ont été brisées, notamment celles de Vinci Immobilier, du Chat Noir, de la SNCF, de Fram, Nouvelles Frontières ou encore Nantes Tourisme. D’autres ont été taguées (des banques, EDF, le poste de police du cours Olivier de Clisson). Des pavés ont été arrachés à quelques endroits sur la place du Commerce et sur une dizaine de mètres carrés rue Kervégan. Une foreuse et une pelleteuse ont été incendiées, de même que les locaux techniques de la TAN place du Commerce. Les abribus et l’aubette de tramway à Médiathèque ont vu leurs vitres brisées, comme de nombreuses « sucettes ». Le coût des dégâts est encore incertain, de 200 à 500.000 € selon le directeur de la SEMITAN Alain Boeswillwald. Au moins un million d’euros pour l’ensemble des dommages.

Ce n’est pas rien. Cependant, ils auraient pu être bien pires si les casseurs n’avaient ciblé leurs attaques sur les équipements publics. Bien des commerces situés en plein milieu des affrontements n’ont pas été touchés. Dans certains d’entre eux, comme la Mie Câline, la marchandise a cependant été gâchée par les gaz lacrymogènes et les canons à eau. Par ailleurs, le manque à gagner subi par les commerçants du centre-ville un samedi après-midi est important.

Même démesure sur le nombre de policiers blessés. Au soir de la manifestation, on a entendu jusqu’à quatorze : dix policiers et quatre gendarmes mobiles. Ils étaient huit dans la dépêche AFP , six un peu plus tard , quatre « selon un nouveau bilan de la Préfecture de la Loire-Atlantique » établi à 16h, comptant « quatre blessésparmi les policiers et les gendarmes déployés sur place », et trois selon la même Préfecture s’exprimant dans les colonnes de 20 minutes. Finalement, on n’en sait rien. À dessein.

En revanche, plusieurs manifestants ont été blessés. L’un d’eux, frappé au visage par une grenade assourdissante, aurait perdu l’œil gauche. De tels engins, utilisés par dizaines samedi, sont en principe tirés au-devant des manifestants, loin d’eux, pour les pousser à se replier et permettre aux forces de l’ordre de se dégager ou de se redéployer. De ces blessés là – il y en a d’autres – pas un mot dans les médias. Le média indépendant Networkvisio.com met en ligne au bas de cet article une vidéo d’un manifestant blessé au visage.

Quelques faits troublants

Les organisateurs, dépassés par leur succès, n’avaient pas prévu de service d’ordre ad hoc. Il est vrai que, contrairement aux syndicats de travailleurs, ils ne sont pas des spécialistes des manifestations, surtout en pleine ville. Plus étonnante encore est la gestion des événements par les pouvoirs publics. La très forte probabilité de troubles à l’ordre public était connue bien avant la manifestation ; les réseaux antifas notamment mobilisaient pour venir à Nantes affronter les policiers. Des alertes en ce sens avaient été données par les agents du SDIG (ex-RGs), ces réseaux étant très surveillés et bien infiltrés. Ces signaux d’alerte ont été en partie écoutés et un service d’ordre pour 100.000 personnes a été prévu – c’est-à-dire triple dose pour une manifestation où l’on attendait, côté Préfecture, entre 20 et 40.000 personnes. Par ailleurs le centre-ville historique a été interdit.

Il y a un mais. A Quimper, peu avant la manifestation des Bonnets Rouges, tout le mobilier urbain cassable avait été évacué : vitres des aubettes, cabines téléphoniques, bites de trottoir, bancs, poubelles, sucettes publicitaires… A Paris, la veille de la Manif pour Tous du 2 février, les agents de la ville s’activaient place Denfert-Rochereau pour en retirer les vitres, les bornes, les grilles d’égout, celles des arbres et les bittes de trottoir ; sceller les regards aussi. Dans les deux cas, des troubles à l’ordre public étaient attendus. Pourquoi le même traitement n’a pas été appliqué à Nantes ? Pourquoi les engins pavés et matériels du Carré Feydeau – un chantier Vinci – sont-ils restés sur place ?

Pour justifier leur impéritie, les forces de l’ordre ont annoncé qu’il y avait « 1.000 radicaux », c’est-à-dire casseurs. Les témoignages et les vidéos tournées des affrontements sont formels : au plus, il y avait 250 à 300 casseurs. Soit  0,5% de l’effectif total des manifestants. Une goutte d’eau.

Il y avait cet après-midi dans Nantes de l’ordre de 1.700 policiers et gendarmes. Un « investissement-sécurité » énorme. (Pour information, le coût d’une compagnie de CRS de 140 hommes a été estimé en 2009 à 13 200 euros par jour, hors frais, cantonnement et nourriture.) Les forces de l’ordre étaient nombreuses et (trop ?) visibles. Comment se fait-il alors qu’il ne se soit trouvé personne pour interdire la rue Kervégan, qui se trouvait non loin du chemin du cortège ? Barrer la partie pavée de la rue Kervégan et les ruelles qui y mènent aurait été facile : la voirie est peu nombreuse, étroite, l’île Feydeau peut être facilement tenue. Ce qui aurait empêché les manifestants d’y trouver un point de fixation des forces de l’ordre et des munitions – et quelles munitions ! De gros pavés XVIIIe bien gros, bien épais, qui peuvent devenir des projectiles mortels une fois balancés sur quelqu’un.

D’autres parties du dispositif policier étaient imparfaites. Deux ou trois groupes très organisés, d’une vingtaine de casseurs chacun, avaient stocké du matériel dans des véhicules garés du côté du quai de la Fosse. Les policiers en civil, pourtant très nombreux, n’ont pas su intervenir à ce stade. Par endroits, des manifestants déterminés auraient pu s’infiltrer dans le centre-ville et casser des vitrines ou des policiers. Lors de la dispersion, une partie des manifestants ont été rabattus vers la place Graslin, où des gendarmes mobiles en sous-effectif se sont trouvés vite débordés. S’il y avait effectivement eu 1.000 casseurs, le bilan aurait été tout autre et les commerces cossus du quartier Crébillon auraient souffert de l’impréparation des forces de l’ordre.

Concluons. Côté maintien de l’ordre, ce fut un échec total. Pour tous ceux qui caressaient depuis longtemps l’idée d’assimiler l’opposition à l’aéroport aux casseurs, ce qui s’est passé le 22 février est une aubaine. Jean-Marc Ayrault, d’ailleurs, s’est empressé de jeter de l’huile sur le feu ce lundi matin en mettant en cause les écologistes. Un jeu dangereux ? Face à l’énormité de la mobilisation contre l’aéroport, le seul moyen de ramener le calme serait d’enterrer le projet. Et le Premier ministre avec.

Louis-Benoît Greffe

 Crédit photo : Breizh info
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9 réponses à “Nantes. Destructions dans le centre-ville : la préfecture en cause ?”

  1. Opinion7 dit :

    Resultat de cette manif, l’incompetence a tous les niveaux que ce soit cote manifestants ou bien du Gouvernement avec son Premier Ministre en tete de gondole!

  2. jeff dit :

    C’est bon !!! ils ont fini leur manif, allez, au boulot, qu’on le construise cet aéroport, il faut bien maintenant faire rentrer de l’argent pour payer toutes les taxes et impôts divers afin d’engraisser ces assistés, ces écolos et tous ces anarchistes fainéants qui vivent au crochet de ceux qui travaillent, qui investissent et qui prennent de vrais risques afin de faire vivre dignement leur famille.

  3. TITUS dit :

    La Manif Anti aéroport Notre Dames des Landes du 22 Février à Nantes a connu un succès de participation sans précédent :
    • Entre 50 et 60.000 manifestants festifs selon la Presse locale
    • Plus de 500 tracteurs sagement stationnés le long d’un trajet encadré par les forces de l’ordre
    • Plus de 1.500 Gendarmes et CRS visibles, avec boucliers, casques, masque à gaz, matraques, grenades lacrymo et assourdissantes, etc.
    • Des barrières métalliques antiémeutes hautes de 2,50 mètres barrant totalement les rues interdites (la Préfecture ayant modifié et restreint à 2 reprises le parcours autorisé)
    • Des véhicules de police en nombre incalculables et des canons à eau en action pendant les 7 heures d’affrontement.

    Avec, in fine, des centaines de milliers d’Euros de dégradations, 10 gendarmes à l’Hôpital et 120 des leurs blessés plus ou moins gravement.
    Tout cela du fait de quelques centaines de casseurs professionnels (les Black Blocs). Mais seulement 14 personnes ont été interpellées, dont 2 libérées sans poursuites et 7 qui seront jugées plus tard (si on les retrouve …)
    C’est alors que M. Manuel VALLS, s’offusquant à la Télévision de ce qui s’est passé, nous présente ces dangereux irresponsables comme « des gens connus de la Police, et suivis ».
    Effectivement ces gauchos anti tout, extrêmement violents, sont stationnés depuis des années sur la ZAD de NDDL où ils font la loi, allant jusqu’à fermer à la circulation des routes départementales et semant terreur dans le voisinage, notamment en volant et rackettant. Alors pourquoi ne les arrête-t-on pas ? Pourquoi les laisser infiltrer une manifestation prévue de longue date ?

    Ou Manuel VALLS ment lorsqu’il dit les connaître et savoir où les localiser, ou ils sont utiles au Gouvernement comme écran de fumée pour occulter la « casse » bien plus importante que nous prépare M. AYRAULT avec son Aéroport.
    Et, comme espéré par nos politiques manipulateurs, l’émotion face aux conséquences négatives fait oublier la cause bien plus désastreuse :
    Ce projet d’Aéroport pouvait s’imaginer à l’époque des 30 glorieuses. Mais 40 ans plus tard bien des choses en changé :
    • L’agrandissement et les aménagements successifs ont doté Nantes d’un Aéroport International amplement suffisant au trafic. Les pilotes sont les premiers à le dire ;
    • La taille des avions à augmenté et donc l’emport : pour un même nombre de passagers : là où il y avait 10 décollages ou atterrissage, il n’y en a plus qu’un ;
    • En cas de besoin, des agrandissements de pistes seraient encore possibles, et à un coût raisonnable et sans conséquences écologiques graves ;
    • Les dessertes routières et même ferroviaire existent déjà, ce qui est un atout majeur et décisif;
    • Enfin et surtout quand les caisses sont vides on évite de lancer des travaux pharaoniques dont on ne mesure pas les coûts exacts. « Il faut être fou ou extrêmement riche pour construire des pistes à cet endroit » disent les géologues indépendants (terrain gorgé d’eau et argileux sur au moins 25 mètres de profondeur).

    Par contre emprunter aujourd’hui le périphérique nantais est devenu mission impossible aux heures de pointe, ou parce que fermé étant en partie inondé dès qu’il pleut !
    Il y a donc urgence à permettre aux travailleurs de circuler sur cet axe majeur… mais ça couterait parai-t-il trop cher. Comprenne qui pourra !

    La porte de sortie honorable pour tous, y compris le contribuable : contre l’abandon du chantier NDDL, donner à VINCI la construction du nouveau pont nécessaire sur la Loire, destiné à doubler le Pont de Cheviré qui sature.
    Sous réserve bien entendu qu’il abandonne l’indemnité de rupture prévue au contrat de l’Aéroport, en cas de non réalisation.

    • pascal dit :

      Vous parlez de coûts pharaoniques . A ma connaissance l’aéroport du grand ouest coutera 550 millions partagés entre Vinci et les différentes collectivités. Une ligne de TGV ou la construction d’un pont sur la Loire coute infiniment plus. Vos propos sont dans la démesure !

      (le km de LGV coute en moyenne 40 Millions par kilomètre, donc en ne réalisant pas l’aéroport NDL on économise suffisamment pour faire une petite dizaine de kilomètre de LGV , le pont de Cheviré a lui couté plus de 500 Millions à la collectivité et continue à couter pour son entretien)

      • pschitt dit :

        Construire un aéroport en pleine campagne n’est pas très cher, même si le budget affiché pour NDDL est évidemment sous-évalué. Mais un aéroport en pleine campagne ne servirait à rien sans ses dessertes — routes, voies ferrées… — pour amener les passagers. Là, comme vous dites ça « coûte infiniment plus », et c’est la collectivité qui paie, pas Vinci.

        D’ailleurs, voyez : déjà Auxiette frétille à l’idée de créer une nouvelle ligne ferroviaire (il a même voulu faire acheter les trains lors d’une récente séance du conseil régional). Déjà on évoque un prolongement de la ligne LGV de Rennes à NDDL. Et toc ! 3 ou 4 milliards de plus. Déjà, les Vendéens disent : « nous utilisons beaucoup l’aéroport, si l’on fait NDDL, il faut construire un nouveau pont sur la Loire pour y accéder ». Et toc ! 500 millions de plus.

      • pschitt dit :

        Et au fait, quand on dit que c’est Vinci qui paie, pas de confusion : Vinci est une entreprise qui doit gagner sa vie, pas un philanthrope. Vinci, gestionnaire de l’aéroport, se rémunérera sur les droits aéroportuaire supportés par les passagers.

  4. serris dit :

    Peut être vinci peut rendre les autoroutes aux français. Les règlements de ces conflits doivent se faire par votations , comme en Suisse, mais notre pays n’est plus une démocratie- Lisbonne- mettons dehors les voleurs de la Républiques lors des prochaines élections. Bravo aux bretons.

  5. serris dit :

    Bravo aux Bretons et dehors les voleurs de la République …les élections arrivent il faut y penser

  6. Ann dit :

    @pascal
    TITUS cherche au moins à proposer une porte de sortie. Ce n’est peut-être pas la bonne, je n’ai pas mieux à proposer. Je me désole de ne pas entendre mieux à proposer.
    Mais le pire, c’est cette histoire de compensation. En signant cela, nos élus ont fermé la porte.
    Petit exercice de fiction: un maire EELV à Nantes. La démocratie s’exprimait donc contre. La démocratie devra alors payer le doit de changer d’avis. La démocratie, c’est pourtant le droit de changer d’avis. En signant ces papiers, les élus ont donné les finances publiques en otage.
    Cet aéroport n’est pas qu’une question d’aéronautique pure. Le seul exemple que je connaisse du milieu aéronautique dans cette affaire, c’est Airbus qui veut garder l’actuel aéroport. Pas un « pro » pour parler à Ouest-France d’un Easyjet ou AirFrance qui diraiit « avec NDDL, on prévoit 3 lignes pour Vladivostok ». Ceux qui vont assurer le succès de cette affaire ne s’y mouille pas, voir laissent simplement des indices (association de pilotes, NA meilleur aéroport d’Europe… que des « antis ») .
    Du squattage à la casse, nos élus ont démontré qu’ils n’ont pas su saisir la portée de leurs décisions. Ils n’ont pas été capable de gérer jusqu’à maintenant, comment continuer à leur faire confiance?
    On traverse une crise. Les manifs se multiplient sur tous les sujets. On a pas besoin d’un autre sujet qui divise. A Nantes, toute cette énergie aurait pu servir à autre chose. On se retrouve dans un bourbier. Pourquoi? Pour un aéroport. Il y en a déjà un. On a perdu du temps, de l’énergie, de l’argent. Et ce n’est pas fini.
    Qu’on passe à autre chose. Il y aura toujours des squatters qui resteront même si l’aéroport est annulé. Là, l’Etat pourra joue raux gros bras et les virer, plus aucune opinion ne les supportera.
    On paiera peut-être à Vinci. On assumera. Mais le scandale, avec celui d’Ecomouv, aura l’avantage que nos élus réfléchiront plus longtemps sur les contrats futurs arrivés aux clauses compensatoires.
    Sinon, la prise d’otage des finances publiques ne s’arrêtera pas.
    Entre les BR et la Zad, nous vivons dans une région qui a permis d’informer le peuple sur ce type de partenariat. Je la remercie pour ça.

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